Procédure devant la cour
I°) Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 et 15 mars 2018 sous le n° 18LY00928, MmeA..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 février 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du l'Isère du 25 janvier 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté son moyen tiré de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ; le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 février 2018 statuant sur ses conclusions en annulation de ces décisions n'était pas passé en force de chose jugée ;
- la décision de refus de séjour prise sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'a été sans que l'avis de la structure d'accueil ait été recueilli au préalable ;
- le préfet ne pouvait lui opposer un refus sans examiner la possibilité de lui renouveler son titre de séjour portant la mention " étudiant " ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- c'est à tort que le magistrat délégué s'est abstenu de statuer sur le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- c'est à tort qu'il a écarté le moyen tiré de ce que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 avril 2018.
Par une ordonnance du 17 mai 2018, l'instruction a été close au 18 juin 2018.
II°) Par une requête, enregistrée le 15 mars 2018 sous le n° 18LY01017, Mme A..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1800892 du 19 février 2018 du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble.
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et que les moyens qu'elle invoque, développés dans sa requête d'appel enregistrée sous le n° 18LY00928, sont de nature à en justifier l'annulation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Un mémoire, enregistré le 9 janvier 2019, présenté pour Mme A...n'a pas été communiqué.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 avril 2018.
Par une ordonnance du 17 mai 2018, l'instruction a été close au 18 juin 2018.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lesieux ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité nigériane, née le 1er octobre 1997, est entrée en France à la date déclarée du 15 mars 2014, alors qu'elle était âgée d'un peu plus de 16 ans. Elle a été prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Isère. A sa majorité, elle a obtenu un titre de séjour portant la mention " étudiant " valable du 12 avril 2016 au 11 avril 2017. Par un arrêté du 20 septembre 2017, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un nouveau titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement forcé. L'intéressée n'ayant pas mis à exécution l'obligation de quitter le territoire français qui lui avait été faite, le préfet de l'Isère a décidé, par un arrêté du 25 janvier 2018, de l'assigner à résidence dans le département de l'Isère pendant une durée maximale de 45 jours et lui a fait obligation de se présenter deux fois par semaine, les mardis et jeudis à 10h00, au commissariat de police de Grenoble. Par sa requête n° 18LY00928, Mme A...relève appel du jugement du 19 février 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté préfectoral du 25 janvier 2018. Par sa requête n° 18LY01017, elle demande le sursis à exécution de ce jugement.
2. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes dirigées contre le même jugement pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 18LY00928 :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. Mme A...invoquait, à l'appui de sa demande le moyen tiré de ce que la décision en litige, en ce qu'elle l'oblige à se présenter deux fois par semaine au commissariat de Grenoble, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le magistrat désigné a répondu à ce moyen au point 7 de son jugement.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision en litige : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. (...) ". Aux termes de l'article L. 561-1 du même code : " (...) L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. (...) ". Selon l'article R. 561-2 de ce code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article (...) L. 561-2 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. (...) ".
S'agissant de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 20 septembre 2017 :
5. Un moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité d'une décision est recevable si cette décision n'était pas devenue définitive à la date à laquelle le moyen est invoqué. Une décision administrative devient définitive à l'expiration du délai de recours contentieux ou si elle a fait l'objet d'un recours dans ce délai, à la date à laquelle la décision rejetant ce recours devient irrévocable.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'exception d'illégalité soulevée par Mme A... en première instance dès l'introduction de sa demande, le 15 février 2018 soit avant même que le tribunal administratif ne statue sur sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 septembre 2017 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, était recevable, contrairement à ce qu'a jugé le magistrat désigné.
7. En premier lieu, Mme A...soutient qu'elle avait sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle reconnaît toutefois qu'à l'occasion de sa demande, elle s'est prévalue de sa condition de mineure prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance. Par suite, le préfet de l'Isère ne s'est pas mépris sur le fondement de la demande de Mme A...en y statuant au vu des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'était dès lors pas tenu d'examiner d'office la situation de l'intéressée au regard des dispositions de l'article L. 313-7 du même code.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
9. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige MmeA..., qui n'avait pas obtenu le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en coiffure et était inscrite à la mission locale depuis le mois d'août 2017, ne justifiait plus suivre une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle depuis au moins six mois. Par ailleurs, c'est sans commettre d'erreur de fait que le préfet de l'Isère a considéré qu'elle ne justifiait pas du caractère réel et sérieux du suivi de la formation dans laquelle elle s'était engagée jusqu'en juin 2017 au regard de ses résultats et de ses absences qui n'étaient justifiées qu'en partie. Enfin, et en tout état de cause, à la date de la décision attaquée, Mme A...ne se trouvait plus dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire. Le préfet de l'Isère ne pouvait, dès lors, pas légalement lui accorder un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, il ne peut être reproché au préfet de l'Isère de ne pas avoir recueilli l'avis de la structure d'accueil avant de se prononcer sur le droit au séjour de MmeA....
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à exciper, à l'encontre de la décision du 25 janvier 2018 l'assignant à résidence, de l'illégalité de l'arrêté du 20 septembre 2017 en tant qu'il rejette sa demande de titre de séjour et lui fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
S'agissant des autres moyens dirigés contre l'arrêté du 25 janvier 2018 :
11. Mme A...soutient que l'obligation qui lui est faite de se présenter deux fois par semaine, les mardis et jeudis à 10h00, au commissariat de police de Grenoble, l'empêche de respecter ses horaires de cours et de stage à raison de deux matinées par semaine et la prive d'une chance d'obtenir son CAP coiffure. Si Mme A...produit en appel son emploi du temps, elle n'établit pas qu'elle serait empêchée de rattraper les cours qu'elle manque en raison de son obligation de pointage au commissariat de police. Par ailleurs, elle ne peut se prévaloir des contraintes de son stage obligatoire, dont le début était fixé au 19 mars 2018, soit après le terme de la mesure d'assignation d'une durée maximale de 45 jours prévue par l'arrêté litigieux. Il en résulte que les moyens tirés de ce que le préfet de l'Isère aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché sa décision d'une erreur d'appréciation doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. En conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la requête n° 18LY01017 :
13. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 1800892 du 19 février 2018 du tribunal administratif de Grenoble, les conclusions de la requête n° 18LY01017 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
14. MmeA..., partie perdante, n'est pas fondée à demander qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au profit de son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18LY01017.
Article 2 : La requête n° 18LY00928 est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 28 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 mars 2019.
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Nos 18LY00928 - 18LY01017