3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal ne pouvait appliquer une indemnisation forfaitaire couvrant la perte de traitement et les troubles dans les conditions d'existence, sans entacher sa décision d'un défaut de motivation ;
- le tribunal a omis de se prononcer sur le préjudice lié au fait que n'ayant pas suffisamment cotisé pour pouvoir bénéficier d'une pension de retraite complète, il est contraint de poursuivre une activité professionnelle au-delà de l'âge légal ;
- le refus de l'administration de le réintégrer traduit un défaut d'examen particulier de sa situation, méconnaît l'article 47 du décret du 16 septembre 1985, et est entaché d'erreurs de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le délai de carence d'un an retenu par le tribunal est excessif et il devait être indemnisé pour la période de septembre 2012 à septembre 2013 ;
- sa demande indemnitaire est rehaussée en appel en raison de l'aggravation des préjudices subis ;
- sa perte de revenus s'élève à 38 568 euros et son préjudice lié à ses droits à la retraite s'élève à 15 000 euros ; ces préjudices peuvent être évalués forfaitairement au montant de 55 000 euros, somme à parfaire ;
- ses troubles dans les conditions d'existence et son préjudice moral doivent être évalués à 60 000 euros ;
Par des mémoires enregistrés les 28 septembre et 30 novembre 2018, La Poste, représentée par Me B..., avocate, conclut :
- au rejet de la requête ;
- à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. H... une somme de 20 000 euros et qu'il a mis à sa charge une somme de 1 000 euros à verser Me C... en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;
- à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. H... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions d'appel de M. H... sont irrecevables en tant qu'elles sont majorées par rapport à celles de première instance ;
- elle a procédé à un examen particulier de sa situation ;
- le requérant n'apporte pas la preuve d'un préjudice indemnisable en lien direct et certain avec la faute commise ;
- il ne justifie pas qu'il aurait eu une chance sérieuse de bénéficier des indemnités dont il fait état ;
- il a perçu plusieurs sommes d'argent qui doivent être déduites de son préjudice financier ;
- il ne justifie pas que son préjudice doit être calculé sur une période débutant avant le 15 septembre 2013 ;
- le chef de préjudice portant sur ses droits à la retraite n'est pas certain ;
- le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence ne sont pas établis.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., présidente assesseure ;
- les conclusions de Mme D..., rapporteure publique ;
- les observations de Me C..., représentant M. H... et de Me B..., représentant La Poste ;
Considérant ce qui suit :
1. M. H..., agent de La Poste, titulaire du grade d'agent professionnel qualifié de 1er niveau (APN1) exerçait des fonctions de facteur à Montbard. Il a été placé en disponibilité pour créer une entreprise du 15 septembre 2010 au 14 septembre 2011 puis du 15 septembre 2011 au 15 septembre 2012. Par courrier du 11 juin 2012, il a demandé à être réintégré au sein de La Poste. Par courrier du 12 juillet 2012, l'administration l'a informé de l'absence de poste vacant et de son maintien en disponibilité. Suite à sa demande du 18 décembre 2012, La Poste a, le 9 janvier 2013, confirmé les termes de sa lettre du 12 juillet 2012. Par une lettre en date du 20 novembre 2014, M. H... a réitéré sa demande de réintégration qui a été implicitement rejetée. Par une décision du 16 juillet 2015, le directeur services-courrier-colis Dijon de La Poste l'a placé en disponibilité pour convenances personnelles du 15 septembre 2015 au 14 septembre 2016. Par un jugement n° 1502442 du 14 décembre 2016, devenu définitif, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision du 16 juillet 2015. Parallèlement, par courrier du 11 mai 2015, M. H... a sollicité une indemnisation des préjudices résultant du refus de La Poste de le réintégrer, demande qui a été rejetée. M. H... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a limité à 20 000 euros l'indemnité qu'il a condamné La Poste à lui verser en réparation des préjudices qu'il a subis. Par la voie de l'appel incident, La Poste qui ne critique pas le principe de sa responsabilité demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. H... la somme de 20 000 euros.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aucune disposition, ni aucun principe général de droit ne s'oppose à ce que le juge administratif, après avoir apprécié le bien-fondé de conclusions tendant à l'indemnisation de préjudices distincts, procède à une évaluation globale du montant de ces préjudices. Ainsi, en procédant à une évaluation globale de l'indemnisation de la perte de traitement et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. H..., le tribunal n'a entaché sa décision d'aucune insuffisance de motivation sur ce point.
3. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. H... se serait prévalu devant les premiers juges d'un préjudice lié au fait que, n'ayant pas suffisamment cotisé pour pouvoir bénéficier d'une pension de retraite complète, il se trouve contraint de poursuivre une activité professionnelle au-delà de l'âge légal. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer sur ce point.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité de La Poste :
4. Il résulte de l'instruction qu'en s'abstenant de réintégrer M. H... à la date du 15 septembre 2013, La Poste qui a dépassé le délai raisonnable qui lui était imparti pour ce faire, en méconnaissance de l'article 49 du décret n° 85-986 du 16 septembre 2015 a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
En ce qui concerne la période de détermination de la responsabilité :
5. D'une part, le requérant ne peut prétendre à l'indemnisation des préjudices subis qu'à compter du 15 septembre 2013, date à compter de laquelle La Poste doit être regardée comme ayant dépassé le délai raisonnable pour le réintégrer, et non à compter de septembre 2012, date à compter de laquelle il estime que La Poste aurait dû le réintégrer. D'autre part, il résulte de l'instruction que par une ordonnance du 21 septembre 2015 le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a suspendu la décision du 16 juillet 2015 du directeur services-courrier-colis Dijon de La Poste plaçant M. H... en disponibilité pour convenances personnelles du 15 septembre 2015 au 14 septembre 2016. En exécution de cette décision, M. H... a été réintégré le 1er décembre 2015 et affecté sur un poste de Pont-sur-Yonne.
6. Compte tenu de ces éléments, la responsabilité de La Poste ne peut être engagée que sur la période du 15 septembre 2013, date à compter de laquelle le tribunal administratif a, dans son jugement précité du 14 décembre 2016, considéré que La Poste doit être regardée comme ayant dépassé le délai raisonnable qui lui était imparti pour procéder à la réintégration de M. H..., au 1er décembre 2015, date de la réintégration effective de l'intéressé.
En ce qui concerne les préjudices :
7. Il résulte des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique qu'un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité sont ainsi indemnisables. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions.
8. En premier lieu, il ressort du bulletin de paie du mois d'août 2010 qui constitue le dernier mois de travail de M. H... avant sa disponibilité qu'il percevait une rémunération nette mensuelle de 1 524, 59 euros dont il convient de déduire les sommes de 1,92 euros et de 18,60 euros correspondant à l'indemnisation d'utilisation de véhicules et de collation, qui sont liées à l'exercice effectif des fonctions. Ainsi, pour la période du 15 septembre 2013 au 1er décembre 2015, le montant de la rémunération nette qui aurait dû être versée à M. H... s'il n'avait pas été irrégulièrement évincé du service, s'élève à la somme de 39 857,85 euros, de laquelle il convient de déduire d'une part, la somme de 311,71 euros versée par la société Manpower en avril 2014, d'autre part, la somme de 11 176,80 euros correspondant au montant global des sommes perçues par l'intéressé au cours de la période litigieuse, au titre du revenu de solidarité active qui figurent sur l'attestation de la caisse d'allocations familiales du 28 avril 2016 produite en première instance. Ainsi, il sera fait une juste appréciation de l'indemnité à laquelle M. H... a droit à ce titre en la fixant à la somme de 28 681 euros.
9. En deuxième lieu, M. H... fait valoir qu'au cours de la période litigieuse, il a vécu dans des conditions matérielles extrêmement difficiles, qu'il s'est trouvé dans une détresse morale singulière et qu'il devra poursuivre une activité professionnelle au-delà de l'âge légal de départ à la retraite, du fait qu'il n'a pas cotisé suffisamment longtemps pour pouvoir bénéficier d'une pension à taux plein. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que M. H... aurait déjà pu faire valoir ses droits à la retraite à la date du présent arrêt. Ainsi le préjudice qu'il invoque qui résulterait d'une impossibilité de pouvoir bénéficier d'une pension à taux plein, présente à l'heure actuelle, un caractère incertain. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par M. H... en raison du refus de La Poste de le réintégrer avant le 15 septembre 2013, en lui accordant une indemnité d'un montant de 5 000 euros.
10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée en défense, d'une part, le recours incident de La Poste doit être rejeté, d'autre part, M. H... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a limité le montant de l'indemnité qu'il lui a accordée à la somme totale de 20 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2015, date de réception de sa réclamation préalable. Il y a lieu de porter le montant de l'indemnité à la somme de 33 681 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2015.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de La Poste le paiement à M. H... de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce que M. H..., qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à La Poste au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 20 000 euros que La Poste a été condamnée à verser à M. H... par le jugement du tribunal administratif de Dijon est portée à 33 681 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 18 mai 2015.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon n° 1502413 du 14 décembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : La Poste versera une somme de 2 000 euros à M. H... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... H... et à La Poste.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme I..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.
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N° 17LY00357