Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 janvier et 28 août 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 novembre 2018 et de prononcer la décharge sollicitée ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
- la prescription des dettes fournisseur des sociétés GG et SAS C... n'était pas acquise dans la mesure où il a renoncé tacitement à cette prescription, dans son intérêt propre, comme cela résulte des écritures comptables concordantes entre fournisseurs et créanciers ;
- le remboursement de la dette contractée auprès de la société GG Création intervenu depuis le contrôle démontre de manière claire et non équivoque sa volonté manifeste de régler ses fournisseurs et donc sa renonciation tacite à la prescription ;
- si la créance devait être regardée comme prescrite, l'obligation commerciale est devenue une obligation naturelle au sens de l'article 1302 du Code civil et l'entreprise individuelle de M. C... était fondée à maintenir à son passif les dettes litigieuses.
Par un mémoire, enregistré le 29 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 1er juillet 2020 a fixé la clôture de l'instruction au 3 août 2020.
Par courrier du 6 octobre 2020, les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'inapplicabilité de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile aux dettes de M. C... nées antérieurement à la date d'entrée en vigueur de cette loi (article 26 II de la loi du 17 juin 2008).
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Vallechia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., gérant d'une entreprise individuelle de commerce de détails de meubles, a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2013 et 2014, à la suite d'une vérification de comptabilité de cette entreprise, à l'issue de laquelle l'administration a réintégré au résultat imposable des exercices clos en 2013 et 2014 des dettes de l'entreprise envers ses fournisseurs, la société GG Création et la SAS C..., qu'elle a estimées prescrites. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu résultant de ces réintégrations et mis à sa charge en droits et pénalités pour les années 2013 et 2014.
2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier, par la production de tous éléments suffisamment précis, l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise. En outre, il résulte de ces dispositions qu'une entreprise n'est en droit de maintenir une dette prescrite au passif de son bilan que si elle justifie d'un intérêt propre à renoncer à se prévaloir du bénéfice de cette prescription à l'encontre de son créancier.
3. En outre, aux termes de l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction applicable issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008: " I.-Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. (...) ". La réforme du régime de la prescription issue de cette loi a eu pour effet de réduire à cinq ans le délai de prescription de droit commun en matière commerciale qui était antérieurement de dix ans. L'article 26 de cette loi précise : " (...) II. _ Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. (...) " En vertu de l'article 2251 du code civil : " La renonciation à la prescription est expresse ou tacite. / La renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription. ".
4. Il résulte de l'instruction que l'administration a réintégré dans les résultats imposables de l'entreprise individuelle de M. C..., au titre de l'exercice clos en 2013 et 2014, des dettes contractées auprès du fournisseur SAS C... qu'elle a considérées comme prescrites, correspondant à des achats impayés au cours de l'exercice clos en 2008 ou des exercices antérieurs et à des achats impayés de l'exercice clos en 2009 d'un montant respectif de 168 586,02 euros et 40 087,89 euros ainsi que, au titre de l'exercice clos en 2014, des dettes contractées auprès du fournisseur GG Création correspondant à des achats impayés de l'exercice clos en 2009 pour un montant de 5 381,13 euros. M. C... est l'actionnaire majoritaire de ses deux sociétés.
5. Il résulte des dispositions précitées que la prescription nouvelle de cinq ans était applicable aux créances nées à compter de l'entrée en vigueur de la loi susvisée du 17 juin 2008, soit le 19 juin 2008. En outre, les créances nées antérieurement à cette date, à propos desquelles les parties n'ont apporté aucune précision à la suite du moyen d'ordre public soulevé par la Cour le 6 octobre 2020, doivent être considérées comme prescrites à la date de clôture de l'exercice 2013 en vertu du II de l'article 26 de ladite loi qui prévoit l'application de la nouvelle prescription aux créances en cours pourvu que le délai de prescription ne soit pas supérieur à dix ans. Il ne résulte pas ainsi de l'instruction que les soldes susvisés comportaient des créances pour lesquelles l'ancien délai de prescription n'était pas échu. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a regardé les soldes de créances susvisés comme prescrits à la date de clôture des exercices 2013 et 2014.
6. En outre, contrairement à ce que soutient M. C..., le seul maintien au bilan de son entreprise individuelle de ces sommes ne saurait constituer une renonciation tacite à se prévaloir de la prescription applicable aux créances commerciales en application des dispositions précitées. Ni le fait que les sociétés en question, fournisseurs de l'entreprise individuelle de M C..., n'aient pas constitué de provision pour créances douteuses et qu'elles aient maintenu les créances détenues sur l'entreprise à l'actif de leurs bilans ni l'appréciation du caractère irrécouvrable ou non de celles-ci n'ont d'incidence sur la constatation à opérer sur la prescription de ces créances à la clôture des exercices clos en 2013 et 2014. Si M. C... soutient avoir remboursé la totalité de la créance en litige auprès de la société GG Création par différents versements depuis 2011, il résulte de l'instruction que l'administration a pris en compte, lors du contrôle, les remboursements opérés sur la période vérifiée pour les imputer sur les créances les plus anciennes. M. C... admet lui-même dans ses écritures n'avoir remboursé la dette en litige contractée auprès de la société GG Création qu'à la clôture de l'exercice 2017, soit postérieurement au contrôle opéré, et n'avoir pas remboursé à ce jour l'intégralité de la dette en litige concernant la SAS C.... Ces remboursements tardifs ne sauraient valoir en tout état de cause renonciation à se prévaloir de la prescription à la clôture des exercices vérifiés. Dans ces conditions, M. C... ne démontre pas avoir renoncé tacitement à se prévaloir de la prescription des créances détenues par les sociétés GG Création et SAS C... ni ne justifie d'un intérêt propre à renoncer à se prévaloir du bénéfice de cette prescription à l'encontre de ses créanciers, quand bien même il s'agissait de sociétés qu'il contrôlait.
7. Enfin, M. C... ne conteste pas les motifs pour lesquels les premiers juges ont rejeté son moyen tiré de ce que l'obligation commerciale serait devenue une obligation naturelle au sens de l'article 1302 du code civil et que son entreprise individuelle était fondée à maintenir à son passif les dettes litigieuses, même prescrites. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ce moyen.
8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge pour les années 2013 et 2014 ainsi que des pénalités afférentes. Les conclusions qu'il présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
M. A..., présidente assesseure,
Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.
2
N°19LY00252