Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 février 2019, Mme D..., représentée par Me F... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 31 janvier 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté du préfet de Saône-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de réexaminer sa situation et de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
Mme D... soutient que :
- le jugement n'est pas suffisamment motivé ;
- le tribunal n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;
- le refus de titre de séjour n'est pas suffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation en se bornant, pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 à reprendre les termes de l'avis du collège de médecins de l'OFII ;
- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Le préfet de Saône-et-Loire, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme G..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... D..., née le 4 décembre 1979, de nationalité macédonienne, qui déclare être entrée en France en juin 2010, a fait l'objet le 14 septembre 2017 d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Après le dépôt d'une nouvelle demande de titre de séjour, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en raison de son état de santé, le préfet de Saône-et-Loire a, par arrêté du 5 novembre 2018, refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... relève appel du jugement en date du 31 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Dans sa demande présentée devant le tribunal administratif, enregistrée le 10 décembre 2018, Mme E... D... faisait valoir que l'arrêté litigieux avait été pris par une autorité ne justifiant pas de sa compétence et qu'il méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le mémoire qu'elle a ensuite présenté devant le tribunal l'a été après la clôture automatique de l'instruction, trois jours francs avant l'audience. Le jugement attaqué a exposé, en ses points 1 et 3, les motifs de fait et de droit l'ayant conduit à écarter ces moyens. Il est, par suite, suffisamment motivé.
3. Le bien-fondé des motifs retenus par le juge pour écarter un moyen n'est pas de nature à entacher ce dernier d'irrégularité. Par suite, la circonstance que le tribunal n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation au regard de son état de santé n'est, en tout état de cause, pas de nature à entacher le jugement d'irrégularité.
Sur la légalité des décisions :
4. En premier lieu, il ressort de la décision de refus de titre de séjour en litige que celle-ci vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers dont elle fait application, et notamment ses articles L. 313-11 7°, L. 313-11 11° et L. 313-14, ainsi que les éléments de fait pertinents pour leur application. Le préfet, qui a exposé les éléments de la situation familiale et personnelle de Mme D... dont il avait connaissance, a suffisamment exposé les motifs pour lesquels il estimait qu'elle ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet n'était pas tenu d'exposer les motifs pour lesquels il n'a pas entendu mettre en oeuvre son pouvoir de régularisation. Le refus de titre de séjour répond ainsi à l'obligation de motivation en droit et en fait telle qu'elle résulte notamment des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ".
6. Il ressort de la décision litigieuse que le préfet de Saône-et-Loire, après avoir reproduit les termes de l'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, a indiqué que Mme D... ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade. En procédant de la sorte, le préfet, qui n'a pas commis d'erreur de droit, a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de Mme D....
7. En troisième lieu, Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale. ".
9. Mme D... fait valoir qu'elle résidait en France depuis huit ans à la date de l'arrêté litigieux, qu'elle a eu deux enfants qui sont scolarisés et que son époux, qui a travaillé pendant trois ans, a obtenu un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de serveur en novembre 2016. Toutefois, elle avait fait l'objet le 14 septembre 2017 d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français qu'elle n'a pas exécuté. Son conjoint, qui ne justifie pas de la poursuite de son contrat de travail après le 27 avril 2017, se trouve également en situation irrégulière en France. Rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Macédoine, où il n'est pas allégué que les enfants, très jeunes, ne pourraient poursuivre leur scolarité. Elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. Dès lors, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour litigieux porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaitrait, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, doivent être écartés les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme G..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.
La rapporteure,
A. G... Le président,
F. Bourrachot
La greffière,
C. Langlet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 19LY00755
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