- les modifications effectuées au projet initial de la SCI Mama autorisé par un permis de construire délivré le 1er mars 2016 ne pouvaient justifier un simple permis modificatif ; le pétitionnaire ne démontre pas un commencement de travaux du permis initial trois ans après sa délivrance ;
- le pétitionnaire ne démontre pas que les terrains d'assiette du projet ont été rendus constructibles avant le 4 juillet 2003 en méconnaissance de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme ; ainsi, aucune autorisation d'exploitation commerciale ne pouvait être délivrée ;
- le projet méconnaît l'article L. 752-6 du code de commerce et porte atteinte aux objectifs d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs ce qui aurait dû conduire la Commission nationale d'aménagement commercial à émettre un avis défavorable.
Par deux mémoires, enregistrés les 15 avril 2020 et 15 décembre 2020 (non communiqué), la commune de Magland, représentée par Me B..., conclut à l'irrecevabilité et au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête de la société d'exploitation Provencia est irrecevable faute pour la requérante de présenter un intérêt pour agir ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par deux mémoires, enregistrés les 6 novembre 2020 et 29 janvier 2021 (non communiqué), la société Mama, représentée par Me A..., conclut à l'irrecevabilité et au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête de la société d'exploitation Provencia est irrecevable faute pour la requérante de présenter un intérêt pour agir et de justifier du respect des exigences de l'article R. 600-4 du code de l'urbanisme ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 10 novembre 2020 a fixé la clôture de l'instruction au 15 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour la société d'exploitation Provencia, de Me C... pour la commune de Magland et de Me E... pour la société Mama.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'exploitation Provencia, en application de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme et de l'article L. 752-17 du code de commerce, a formé un recours à l'encontre de l'avis favorable du 8 avril 2019 de la Commission départementale d'aménagement commercial de la Haute-Savoie sur le projet, porté par la SCI Mama, de création d'un ensemble commercial sur le territoire de la commune de Magland d'une surface de vente totale de 3 483 m² par extension de 1 039 m² de surface de vente d'un supermarché à l'enseigne " Super U ", création d'une moyenne surface pour la vente de produits alimentaires biologiques d'une surface de vente de 494 m² et changement d'implantation du " drive ". La Commission nationale de l'aménagement commercial a, par avis du 18 juillet 2019, rejeté ce recours et émis un avis favorable au projet. Par arrêté du 3 septembre 2019, le maire de la commune de Magland a délivré un permis de construire modificatif tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale à la SCI Mama en vue de la réalisation du projet susvisé.
Sur la recevabilité de la requête :
2. En vertu des dispositions de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme dans leur rédaction issue de la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, lorsqu'un projet de création ou d'extension de surface de vente de magasin de commerce de détail est soumis à autorisation d'exploitation commerciale en vertu des dispositions de l'article L. 752-1 du code de commerce et qu'il doit également faire l'objet d'un permis de construire, ce dernier tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, dès lors que le projet a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial compétente ou, le cas échéant, d'un avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial saisie d'un recours contre l'avis de la commission départementale.
3. Aux termes du I de l'article L. 752-17 du code de commerce : " Conformément à l'article L.425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial (...) ".
4. La recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale est notamment soumise à la double condition, d'une part que le requérant soit au nombre des personnes, mentionnées au I de l'article L. 75217 du code de commerce, qui ont qualité pour contester le permis dans cette mesure et, d'autre part, que le requérant ait préalablement exercé, si le projet a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial, un recours contre cet avis, régulièrement déposé devant la Commission nationale.
5. Dès lors, il appartient à la cour administrative d'appel saisie d'une requête dirigée contre un permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale de s'assurer, le cas échéant d'office, au vu des pièces du dossier qui lui est soumis et indépendamment de la position préalablement adoptée par la Commission nationale d'aménagement commercial, d'une part, que le requérant est au nombre de ceux qui ont intérêt pour agir devant le juge administratif et notamment, s'il s'agit d'un concurrent, que son activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise du projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci et d'autre part, si le projet a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial, que le requérant a, préalablement à l'introduction de sa requête, déposé contre cet avis un recours devant la Commission nationale qui respecte les conditions de recevabilité fixées aux articles L. 752-17 et R. 752-30 à R. 752-32 du code de commerce.
6. En l'espèce, la société d'exploitation Provencia se borne à soutenir qu'elle dispose d'un intérêt pour agir au sens des dispositions précitées dès lors qu'elle exploite sur le territoire de la commune de Cluses, situé entre 5 et 6 kilomètres du lieu d'implantation du projet, un hypermarché à l'enseigne Carrefour, à dominante alimentaire, et proposant à la clientèle de la zone de chalandise le même type de produits que le magasin à l'enseigne " Super U " exploitée par le pétitionnaire. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire a, dans son dossier soumis à la Commission départementale d'aménagement commercial puis la Commission nationale d'aménagement commercial, mentionné ce magasin Carrefour dans la zone 2 de la zone de chalandise circonscrite à un périmètre accessible à 10 minutes maximum en voiture, il n'est pas contesté que le magasin exploité par la société Provencia se situe à la périphérie de la zone ainsi définie. La requérante n'apporte aucun élément de nature à démontrer que son activité serait susceptible d'être affectée par le projet d'extension en litige de l'ensemble commercial " Super U " existant à Magland depuis 1950 et exploité par la SCI Mama et pas davantage que cette incidence serait significative alors en outre qu'il est constant que la zone a connu un accroissement démographique important et que le projet porte pour partie sur la création d'un magasin de vente de produits alimentaires biologiques dont il n'est pas établi que l'activité entre en concurrence avec les produits vendus par la requérante. Il s'ensuit que la société d'exploitation Provencia ne dispose pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre le permis de construire litigieux. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du 3 septembre 2019 du maire de la commune de Magland accordant un permis de construire modificatif à la société Mama sont irrecevables et doivent, pour ce motif, être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre fin de non-recevoir opposée par la SCI Mama.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Magland, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société d'exploitation Provencia au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de cette instance.
8. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Magland et à la SCI Mama chacune au titre des mêmes frais exposés par elles dans cette instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société d'exploitation Provencia est rejetée.
Article 2 : La société d'exploitation Provencia versera à la commune de Magland et à la SCI Mama une somme de 2 000 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation Provencia, à la commune de Magland, à la SCI Mama et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au président de la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2021.
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N°19LY04013
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