Procédure devant la cour
Par requête, enregistrée le 5 novembre 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement du 5 octobre 2020 ainsi que l'arrêté du 27 septembre 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et fixation du pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère d'effacer son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu, du principe des droits de la défense et du droit à une bonne administration protégés par les principes généraux du droit communautaire ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans doit être annulée en raison de l'illégalité des deux décisions précédentes ;
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation, méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code précité et est disproportionnée au regard de l'atteinte portée à sa vie privée et familiale protégée par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte excessive à sa vie privée et familiale.
Par un mémoire, enregistré le 29 décembre 2020, le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant arménien né le 4 octobre 1999, est entré en France en 2012, à l'âge de treize ans. Il a fait l'objet le 11 juillet 2019 d'un arrêté portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Grenoble et qu'il n'a pas exécutée. A la suite d'un contrôle d'identité réalisé le 26 septembre 2020 par les services de police, il s'est notamment vu notifier un arrêté du préfet de l'Isère portant obligation de quitter le territoire français sans délai, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans avec fixation du pays de renvoi. Il relève appel de l'article 4 du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, M. C... réitère en appel, et sans apporter aucun élément nouveau en droit ou fait à l'appui de ceux-ci ni critiquer utilement les motifs par lesquels le premier juge les a écartés, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la mesure d'éloignement prise à son encontre le 27 septembre 2020 et de la méconnaissance de son droit d'être entendu et du principe des droits de la défense et du droit à une bonne administration protégés par les principes généraux du droit communautaire. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale [...]. " M. C... fait valoir résider en France depuis l'âge de 13 ans. Toutefois, âgé de 19 ans à la date de la décision contestée, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas passé l'examen du baccalauréat, qu'il ne poursuit aucune étude ni ne justifie d'une intégration professionnelle sur le territoire. S'il soutient que sa mère et sa soeur vivent en France, il ne justifie pas de leur séjour régulier sur le territoire français ni au surplus de liens particuliers avec elles. M. C..., dépourvu d'attaches privées et familiales en France, conserve en Arménie son père. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige aurait porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été édictée. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent, dès lors, être écartés.
4. En troisième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours (...) / (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 (...) ".
5. Le refus de délai de départ volontaire est en l'espèce fondé sur le II 3 d) et f) de l'article L. 511-1 du code précité et est justifié par le fait que M. C... s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, qu'il ne justifie pas d'un domicile permanent sur le territoire français et est démuni de toute pièce d'identité. Compte tenu de ces éléments et de ses conditions d'entrée et de séjour en France, et alors même que le comportement de M. C... ne constitue pas une menace pour l'ordre public, le préfet de l'Isère pouvait légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire.
6. En quatrième lieu, compte tenu de l'absence d'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, l'appelant ne saurait exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de sa contestation de l'interdiction de retour sur le territoire national.
7. En cinquième lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge, qui sont suffisamment circonstanciés et qui ne sont pas critiqués en appel, il convient d'écarter les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'interdiction de retour prononcée à l'encontre de M. C..., de la méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code précité et de l'atteinte excessive portée à sa vie privée et familiale protégée par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de sa durée.
8. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Si M. C... soutient qu'il serait en danger en cas de retour en Arménie en faisant valoir qu'il n'a pas effectué son service militaire et risque d'encourir de ce fait une peine de prison, il ne produit aucun élément probant permettant d'établir la réalité et l'actualité des risques ainsi allégués ni ne justifie qu'il serait amené à participer au conflit dans le Haut-Karabakh.
9. En septième lieu, contrairement ce qu'il soutient, M. C... n'avait pas soulevé dans sa requête devant le tribunal à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi un moyen, au demeurant inopérant, tiré de l'atteinte excessive à sa vie privée et familiale protégée par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, auquel le premier juge n'aurait pas répondu. Ce moyen, soulevé devant la Cour, est inopérant à l'encontre de la décision fixant le pays de destination laquelle n'a pas, par elle-même, pour objet ou pour effet d'éloigner l'intéressé ou de le séparer de sa famille.
10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 septembre 2020 pris à son encontre par le préfet de l'Isère. Les conclusions qu'il présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 avril 2021.
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N°20LY03237