Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 juillet et 21 août 2020, M. E..., représenté par Me B..., avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1902695 du 30 janvier 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et dans l'attente, de lui délivrer, dans un délai de quarante-huit heures, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de la Loire de procéder à un réexamen de sa situation et dans l'attente, de lui délivrer, dans un délai de quarante-huit heures, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) d'enjoindre au préfet de la Loire d'effacer son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
6°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas régulièrement signé et ne présente aucune garantie de fiabilité, ce qui remet en cause son caractère collégial ; en outre, il comporte une date et des mentions différentes de celui communiqué par l'administration ;
- son état de santé justifiait la délivrance d'un titre de séjour et le préfet qui a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile a également entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet qui ne pouvait l'obliger à quitter le territoire français, compte tenu de son état de santé a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale, du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité des autres décisions ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité des autres décisions.
Par un mémoire enregistré le 6 août 2020, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne comporte que des signatures manuscrites ; en tout état de cause, cet avis ne constitue pas un acte relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration et le requérant n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'intégrité de cet avis ainsi que son caractère collégial ;
- pour le surplus, il s'en remet à ses écritures de première instance.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., présidente assesseure,
- les observations de Me B..., représentant M. E... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., de nationalité arménienne, né le 26 juillet 1955, est entré irrégulièrement en France le 7 août 2012. Le 21 décembre 2017, il a présenté une demande de titre de séjour pour des raisons de santé. Par décisions du 25 janvier 2019, le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. E... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 25 janvier 2019.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". L'article R. 313-23 du même code précise que : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé dispose que : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. "
4. Il ressort des pièces du dossier que pour prendre le refus de titre de séjour en litige, le préfet s'est fondé sur un avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le 4 décembre 2018, qui a été produit en première instance, qui porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Pour contester la régularité de cet avis, le requérant produit une copie d'un avis du collège des médecins que l'OFII lui a transmis et qui mentionne la date du 3 et non du 4 décembre 2018 et qui fait état de ce que M. E... n'aurait pas été convoqué à des examens complémentaires, alors que l'avis produit par le préfet indique l'inverse et que des examens complémentaires ont été effectivement réalisés. Le requérant fait également valoir que l'avis qui lui a été communiqué mentionne sa nationalité, ce qui n'apparaît pas dans l'avis produit par le préfet et que les signatures des médecins sont apposées dans un ordre différent, avec parfois des indications différentes. Toutefois, en dépit des différences dont il est fait état, le document qui a été transmis à l'intéressé ne saurait constituer la preuve contraire de ce que l'avis sur lequel s'est fondé le préfet n'aurait pas été rendu de manière collégiale. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'avis rendu le 4 décembre 2018 par le collège de médecins de l'OFII, est revêtu de la signature manuscrite de chacun des trois médecins ayant délibéré et ne comporte donc pas de signatures électroniques. Dès lors, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entaché cet avis du fait de la présence de signatures ne respectant pas les exigences relatives à la sécurité, à la confidentialité et à l'horodatage fixées par l'article 9 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que dans son avis du 4 décembre 2018, le collège de médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. E... qui souffre de plusieurs pathologies nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais a précisé qu'un traitement approprié était disponible en Arménie. Si le requérant produit plusieurs certificats médicaux et ordonnances attestant de la gravité de ses pathologies et de l'importance des traitements suivis, ces documents ne permettent pas de contredire utilement l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII selon lequel l'intéressé pourrait effectivement bénéficier en Arménie, d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la sûreté publique, (...) à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales (...) ".
7. M. E... fait valoir qu'il est présent en France depuis près de sept ans, que son fils, sa belle-fille et sa petite-fille y résident et qu'il bénéficie de soins en raison de son état de santé. Toutefois, le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il ne disposerait d'aucune attache en Arménie, où il a vécu durant la majeure partie de sa vie, et où, ainsi qu'il a été dit précédemment, il pourra bénéficier de soins adaptés à son état de santé. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions du séjour en France de l'intéressé, la décision litigieuse ne porte pas au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " 1 Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ". En se bornant à soutenir qu'il prend soin de sa petitefille qui réside régulièrement en France, M. E... n'apporte aucun élément susceptible d'établir que l'intérêt supérieur de cette enfant serait menacé par la décision lui refusant un titre de séjour. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cette décision méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés aux points précédents, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences du refus de titre de séjour sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour que M. E... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.
11. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés concernant le refus de titre de séjour, la décision obligeant M. E... à quitter le territoire français ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant. Elle n'est pas, non plus, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
12. En dernier lieu, pour les motifs exposés au point 5, la décision obligeant M. E... à quitter le territoire français ne méconnaît pas le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision octroyant un délai de départ volontaire de trente jours :
13. Il résulte de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour et de celle de l'obligation de quitter le territoire français que M. E... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui octroyant un délai de départ volontaire de trente jours.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
14. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi.
15. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1990.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.
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N° 20LY01900