Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 décembre 2019, M. E..., représenté par Me Yermia, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 12 décembre 2019 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Cantal de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour est dépourvu de toute motivation ;
- le préfet a omis d'instruire sa demande titre de séjour.
Par lettre du 7 avril 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 6117 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité de la composition de la formation de jugement.
Par un mémoire enregistré le 22 avril 2020, le préfet du Cantal conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. E... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 5 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme B..., présidente assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... E..., ressortissant serbe, né le 15 juin 2000, est entré en France, selon ses déclarations, le 26 juin 2018, accompagné de ses parents et de ses trois frères et soeurs. Sa demande d'asile a été rejetée le 24 septembre 2018, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Ce refus a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, le 3 mai 2019. Le 7 mai 2019, il a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et le 18 septembre 2019, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a déclaré irrecevable sa demande de réexamen de sa demande d'asile. Par décisions du 3 octobre 2019, le préfet du Cantal a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, sur le fondement du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et l'a assigné à résidence. Par un jugement n° 1902019 du 16 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a statué sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire et assignation à résidence, et a renvoyé à la formation de jugement compétente les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour. M. E... relève appel du jugement n° 1902019 du 12 décembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour du 3 octobre 2019.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Lorsque, dans l'hypothèse mentionnée à l'article L. 311-6, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la mesure peut être prise sur le seul fondement du présent 6° ; (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) I bis.- L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. La même procédure s'applique lorsque l'étranger conteste une obligation de quitter le territoire fondée sur le 6° du I dudit article L. 511-1 et une décision relative au séjour intervenue concomitamment. Dans cette hypothèse, le président du tribunal administratif ou le juge qu'il désigne à cette fin statue par une seule décision sur les deux contestations. L'étranger qui fait l'objet d'une interdiction de retour prévue au sixième alinéa du III du même article L. 511-1 peut, dans le délai de quinze jours suivant sa notification, demander l'annulation de cette décision. Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office. Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 du présent code ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévu au III du présent article. (...) "
4. Il résulte des dispositions du deuxième alinéa du I bis de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsqu'une décision relative au séjour est intervenue concomitamment et fait l'objet d'une contestation à l'occasion d'un recours dirigé contre une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1, cette contestation suit le régime contentieux applicable à l'obligation de quitter le territoire.
5. Ainsi qu'il a été dit précédemment, par un jugement n° 1902019 du 16 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a statué sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire et assignation à résidence, et a renvoyé à la formation de jugement compétente les conclusions de la requête de M. E... tendant à l'annulation de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif qui a rendu le jugement attaqué n'était pas saisi simultanément d'une contestation relative à une obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 et d'une contestation relative à un refus de titre de séjour. Ainsi, les conclusions de M. E... tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 octobre 2019 en tant qu'il porte refus de séjour devaient être jugées par une formation collégiale du tribunal administratif et non par le magistrat désigné par le président de la juridiction. Par suite, le jugement attaqué, qui a été rendu par une formation de jugement incompétente, doit être annulé.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. E... tendant à l'annulation de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
7. En premier lieu, la décision litigieuse est motivée, en fait comme en droit, avec une précision suffisante au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
8. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a omis de porter à la connaissance du préfet les documents relatifs notamment à son identité, nécessaires à l'instruction de sa demande de titre de séjour. Le requérant n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'il aurait produit des documents qui auraient pu permettre l'instruction de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le préfet du Cantal a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées par voie de conséquence.
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1902019 du 12 décembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand tendant à l'annulation de la décision du préfet du Cantal en date du 3 octobre 2019 refusant de lui délivrer un titre de séjour et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Cantal.
Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme B..., présidente assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 25 août 2020.
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N° 19LY04662