Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2021, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2020 du préfet du Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'autorité préfectorale n'a pas justifié de la nécessité de recourir à un interprète par téléphone, de sorte que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure pour avoir méconnu les articles L. 111-8 et L. 111-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'est pas non plus justifié que l'interprète, dont les coordonnées ne figurent pas sur le procès-verbal de notification, serait inscrit sur l'une des listes prévues par ces dispositions ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, plusieurs éléments attestaient de l'existence d'une demande d'asile déposée en Espagne le 24 janvier 2020, de sorte que l'arrêté du 1er décembre 2020, qui ne fait état que d'un franchissement irrégulier des frontières, repose sur des faits matériellement inexacts et procède d'une erreur de droit en lui appliquant les dispositions des articles 13 et 22 du règlement du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- le préfet a méconnu le droit à l'information prévu par l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, aucune explication ne lui ayant été donnée sur son classement en procédure " Dublin " ;
- le préfet a méconnu le droit à un entretien préalable prévu par l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ;
- elle a droit à la communication de l'intégralité du dossier la concernant détenu par la préfecture ;
- l'arrêté est entaché d'erreur de fait dès lors qu'elle n'a pas seulement franchi la frontière espagnole mais a effectivement déposé une demande d'asile en Espagne ;
- l'arrêté attaqué, fondé sur les dispositions de l'article 13 du règlement n° 604/2013, est ainsi entaché d'un défaut de base légale, au motif que le transfert aurait dû être prononcé en application de l'article 18 du règlement ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant, dans les circonstances exceptionnelles d'épidémie mondiale, de suspendre l'application du règlement et de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la notification de la décision de réadmission est insuffisante en méconnaissance de l'article 26 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2021, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme D..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante de République de Guinée née le 1er juin 1993, a déclaré être entrée en France le 10 mars 2020. Elle demande à la cour d'annuler le jugement du 17 décembre 2020 par lequel un magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er décembre 2020 par lequel le préfet du Rhône, à l'issue de la procédure de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile enregistrée en France le 2 juillet 2020, a ordonné son transfert en Espagne.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ". L'article L. 111-9 du même code renvoie à un décret en Conseil d'Etat les modalités d'application de cet article, et notamment les conditions d'inscription des interprètes sur les listes. L'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale prévoit le principe d'un entretien individuel avec le demandeur d'une telle protection, permettant de vérifier notamment sa bonne compréhension des informations devant lui être fournies en application de l'article 4 du même règlement.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a bénéficié le 2 juillet 2020 d'un entretien individuel en préfecture, avec l'assistance d'un interprète par téléphone en soussou, seule langue qu'elle a déclaré comprendre. La rareté de cette langue suffit à justifier de la nécessité de recourir aux services de la société ISM Interprétariat, dont il n'est pas contesté qu'elle est agréée par le ministère de l'intérieur et dont les coordonnées, de même que le nom de l'interprète ayant traduit l'entretien, ont été communiquées à la requérante sur le résumé de son entretien, signé par l'intéressée, qui a reconnu avoir compris la procédure dont elle faisait l'objet. La circonstance que l'interprétariat ait été réalisé par un organisme agréé rend inopérant le grief tiré d'une absence d'inscription de l'interprète sur les listes mentionnées à l'article L. 111-9 du code. Le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait intervenu au terme d'une procédure ayant méconnu les dispositions précitées des articles L. 111-8 et L. 111-9 doit, par suite, être écarté.
4. En deuxième lieu, Mme C... reprend en appel les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué serait fondé sur des faits matériellement inexacts et une base légale erronée, au motif qu'elle aurait déposé une demande d'asile en Espagne et n'aurait pas simplement franchi irrégulièrement la frontière. Elle se borne toutefois à se prévaloir à nouveau d'une mention manifestement erronée affectant le courrier du ministère de l'intérieur relatif aux résultats d'identification de ses empreintes et un premier arrêté de transfert du 30 octobre 2020, ultérieurement annulé, sans apporter en appel de nouvel élément probant justifiant de la réalité d'une éventuelle demande d'asile en Espagne. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.
5. En dernier lieu, Mme C... reprend également en appel ses moyens de première instance tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué, du vice de procédure tiré de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'irrégularité alléguée de la notification de l'arrêté attaqué, au regard notamment du 2° de l'article 26 du même règlement, de la méconnaissance alléguée du droit à la communication à l'intégralité de son dossier, et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013. Il y a lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par conséquent, être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse au conseil de Mme C... la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2021, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Dèche, présidente assesseure,
Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2021.
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N° 21LY00293