Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2018, et des mémoires complémentaires, enregistrés le 16 janvier 2019, les 13 et 18 novembre 2019 et le 28 juin 2020, Mme F... C..., représentée par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 16 octobre 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) de condamner l'ONIAM à lui verser, à titre principal, une somme de 150 000 euros en vue de lui permettre l'achat et l'aménagement d'un logement et, à titre subsidiaire, une somme de 56 974,52 euros en vue de lui permettre de s'installer chez sa belle-fille, sommes assorties des intérêts de droit et de la capitalisation des intérêts ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer ses besoins exacts pour se loger compte tenu des conséquences de l'infection dont elle a été atteinte ;
4°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- devant le tribunal administratif, elle a invoqué des éléments précis sur les travaux qu'elle entendait effectuer dans la maison qu'elle était susceptible d'occuper et pour laquelle une offre de vente lui a été faite ; l'association qui la gère en tutelle avait indiqué que cette maison correspondait au mieux à ses besoins compte tenu du très grave handicap moteur dont elle est atteinte et de sa cécité ;
- son handicap moteur comme la cécité sont en lien avec l'infection nosocomiale ; la distinction opérée par le tribunal administratif entre son handicap moteur et la cécité pour déterminer la nature des travaux relevant ou non d'une indemnisation par l'ONIAM est artificielle ;
- la cour avait réservé sa décision en ce qui concerne les nécessités matérielles relatives à son hébergement ; le tribunal administratif devait se placer à la date de son jugement pour évaluer le préjudice ;
- elle produit le titre de propriété pour un logement dans lequel elle a entrepris de se réinstaller ; elle produit trois propositions de logement susceptible de permettre l'accueil d'une tierce personne ; on ne peut lui opposer la circonstance que son mobil home a brûlé dès lors que les travaux à effectuer dans ce logement était d'un coût supérieur à 100 000 euros ;
- sa belle-fille, Mme E..., s'est proposée de l'accueillir ; les travaux nécessaire dans la maison de Mme E... consisteront en un réfection des enduits, des sols et de la fenêtre et la mise en place de rampes ou de prises électriques facilement accessibles ; il faudra également un monte-escalier pour que Mme C... puisse se déplacer ; il faudra également installer par ailleurs un élévateur et un appareil de transfert latéral dans la salle de bain ; elle aura également besoin d'un second fauteuil roulant, d'un véritable fauteuil de repos, d'une armoire adaptée pour ses affaires et d'un appareil de télévision ;
- elle sollicite également une indemnisation pour les frais d'acquisition d'un véhicule adapté à son handicap et des frais de déménagement.
Par un mémoire, enregistré le 5 décembre 2019, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- Mme C... a fait valoir qu'elle avait quitté le logement qu'elle occupait à Vias ; elle ne dispose pas d'un logement stable ; elle a produit un courrier de l'APSH34 du 22 novembre 2017 indiquant qu'elle réside avec son fils et sa famille dans un logement en location à Agde, parfaitement adapté à son handicap et à ses difficultés de mobilité, et qu'elle souhaite l'acquérir ; elle est retournée vivre à Vias dans un mobil home, qui lui appartenait mais a brûlé, et depuis elle se déplace de logement provisoire en logement provisoire ;
- l'indemnisation des frais de logement adapté ne peut être allouée que sur la base de justificatifs ; elle ne peut solliciter une indemnisation qu'au titre des frais nécessités par l'aménagement d'un logement dans lequel elle vit effectivement ; les conditions d'aménagement du logement dans lequel elle réside ne sont pas connues ; l'indemnisation ne peut avoir pour objet de financer des travaux de remise en état d'un logement qui n'est par ailleurs pas entretenu et qui sont indépendants des conséquences de l'infection nosocomiale ;
- l'indemnisation ne peut avoir pour objet de financer l'acquisition d'un logement neuf dont la nécessité en lien direct avec les conséquences de l'infection n'est pas justifiée ; aucune des pièces produites ne justifie la somme demandée comme étant en lien direct avec ses séquelles ;
- elle est susceptible de percevoir des prestations au titre de l'aménagement de son logement par la maison départementale des personnes handicapées ; ces prestations doivent être déduites de l'indemnisation allouée au titre des frais de logement adapté conformément aux termes de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique ;
- la demande d'expertise est injustifiée dès lors qu'il n'a pas été constaté que l'ancien logement de Mme C... ne pouvait être adapté et qu'elle a déménagé à de nombreuses reprises.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêt du 23 juin 2011, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Lyon a mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales le versement d'une somme totale de 397 908 euros, sous déduction des sommes déjà versées à titre provisionnel, et celui d'une rente annuelle de 22 000 euros, revalorisée par application des coefficients prévus par l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, en réparation de certains préjudices subis par Mme C... et causés par une endophtalmie d'origine infectieuse lors de sa prise en charge au centre hospitalier d'Aurillac en 2005. La cour administrative d'appel n'a pas alloué d'indemnité en réparation du préjudice tenant à la nécessité d'adaptation du logement aux contraintes liées au handicap, au motif que Mme C... se bornait à évoquer le coût d'achat d'une nouvelle maison sans justifier de la nature et du montant d'éventuels travaux d'adaptation ou de l'éventuel surcoût d'acquisition d'un nouveau logement. Par un courrier du 4 décembre 2015, Mme C... a saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales d'une demande de réparation de ce chef de préjudice qui a été rejetée par une décision du 22 décembre 2015. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a également rejeté, par une décision du 18 janvier 2016, le recours gracieux formé le 6 janvier 2016. Mme C... relève appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser la somme de 250 000 euros au titre des frais d'aménagement ou d'achat d'un logement adapté et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise préalable afin de déterminer le montant de l'indemnité due à ce titre.
Sur les conclusions indemnitaires de la requête :
2. Mme C... fait valoir que son handicap moteur comme sa cécité sont en lien avec l'infection nosocomiale dont elle a été victime et que ces deux handicaps nécessitent l'indemnisation des frais d'acquisition ou d'adaptation de son logement ainsi que des frais d'acquisition d'un véhicule. Toutefois, la cour administrative d'appel de Lyon a jugé, dans son arrêt du 23 juin 2011, que son handicap au genou est sans lien avec l'endophtalmie. Si elle a fait l'objet d'une hospitalisation en juin 2017 pour un sepsis sur sa prothèse totale de la hanche gauche, elle n'établit pas que ce sepsis serait en lien avec l'infection nosocomiale dont elle a été victime à la suite de sa prise en charge au centre hospitalier d'Aurillac en 2005. Il s'ensuit que Mme C... ne peut se prévaloir que des seuls frais en lien avec la cécité dont elle a été victime à la suite de son infection nosocomiale.
3. Il en résulte que sa demande tendant à la prise en charge des frais d'acquisition d'un véhicule adapté à son handicap, dont il n'est pas établi qu'ils seraient en lien avec sa cécité, ne peut être accueillie.
4. Mme C... fait état de la nécessité d'aménager un logement compte tenu de ses handicaps.
5. Si les frais d'aménagement du logement sont indemnisables, il incombe à la victime de fournir au juge des éléments d'appréciation de la réalité et de l'étendue de ces charges en lien avec le handicap résultant de l'infection nosocomiale, conformément à ce qui a été dit au point 2. En l'espèce, Mme C... n'établit pas le coût des frais correspondant à cet aménagement en lien avec sa cécité en se bornant à produire un courrier du 10 octobre 2017 par lequel le service de protection des majeurs de l'association pour personnes en situation de handicap indique que Mme C... demeure dans un logement situé à Agde et qu'elle a fait réaliser des travaux d'adaptation de ce logement au niveau de la salle de bain à hauteur de 3 872,95 euros et correspondant, selon la facture, à l'aménagement d'une douche permettant l'accès en fauteuil et à des travaux d'électricité sans lien avec la cécité dont elle demeure atteinte, un courrier du 22 novembre 2017 par lequel le service de protection des majeurs de l'association pour personnes en situation de handicap précise que Mme C... réside dans un logement en location à Agde composé de quatre chambres dont elle souhaite devenir propriétaire au prix de 250 000 euros et qu'elle a quitté depuis pour trouver un logement plus adapté en vue de l'accueil des personnes résidant avec elle. Mme C... n'établit pas plus en première instance qu'en appel le coût de ces frais d'aménagement en produisant l'acte d'acquisition du 9 décembre 2011 d'une parcelle sur laquelle est implanté un mobil home et qui a été depuis détruit lors d'un incendie et des offres d'acquisition de biens immobiliers parues sur un site internet dont le coût est estimé entre 55 000 euros et 139 500 euros.
6. Dans le dernier état de ses écritures, elle produit une lettre de sa belle-fille, Mme E... du 19 mars 2020, qui accepte de recevoir Mme C... à son domicile situé à Tanavelle dans le Cantal, sa belle-fille soulignant également que son actuel domicile n'est pas adapté et qu'elle envisage de déménager pour " trouver une maison adaptée à tous ". Il ne résulte pas de l'instruction que les travaux nécessaires à l'installation d'un monte-escalier prévus dans un devis du 8 juin 2020, les travaux prévus dans un devis du 5 juin 2020 et relatif à la pose d'une rampe de seuil, d'un élévateur de bain, d'un revêtement blanc, d'un kit de rampe et d'une planche de transfert sont en lien avec la cécité de Mme C.... Il en va de même concernant le devis du 5 juin 2020 établi par la société Méridienne médicale pour l'achat d'un fauteuil roulant, des factures But du 9 juin 2020 pour l'achat d'un fauteuil de repos et d'une armoire. Concernant l'achat d'une télévision, le chef de service de l'association tutélaire de gestion a demandé au conseil de Mme C..., dans la prévision de son déménagement, de bien " vouloir préparer ses effets personnels (...) ainsi que ses deux fauteuils roulants, la table de lit médical sur laquelle elle mange et son téléviseur ". Par suite, la nécessité de l'achat d'un nouveau téléviseur n'est pas établie. Il s'ensuit que les demandes tendant à la prise en charge du coût d'achat et d'installation d'un monte-escalier, d'un élévateur et d'un appareil de transfert latéral dans la salle de bain et du coût d'achat d'un second fauteuil roulant et d'un véritable fauteuil dont il n'est pas établi que ces demandes seraient en lien avec la cécité dont Mme C... est atteinte ne peuvent être accueillies. Mme C... n'est, dès lors, pas fondée à solliciter la prise en charge par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales des frais d'acquisition ou d'aménagement d'un logement qu'elle invoque.
7. Si Mme C... fait valoir que son déménagement engendrera des frais de déplacement évalués à 1 700 euros, ces frais résultent du choix de Mme C... de s'installer chez sa belle-fille dans le Cantal et ne présentent pas un lien de causalité direct et certain avec la cécité dont elle est atteinte.
8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales qui n'est pas la partie perdante, la somme dont Mme C... demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, à l'Association Tutélaire de Gestion et à l'association tutélaire du Cantal (AT15).
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 novembre 2020.
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N° 18LY04607