Par une requête enregistrée le 19 juin 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001639 du 18 mars 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 10 mars 2020 par lesquelles le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne répond pas à l'argumentation de la demande dirigée contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ni ne répond au moyen tiré de ce que le préfet a fait une appréciation erronée de sa situation particulière en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 7° de l'article L. 313-11 du même code ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision lui refusant un délai de départ volontaire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, le préfet ne pouvait légalement l'éloigner en dehors de l'Union européenne alors qu'il justifie bénéficier d'une carte de résident de longue durée en Italie ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du cinquième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il bénéficie d'un droit au séjour en Italie ;
- cette décision est disproportionnée au regard tant de son droit au séjour en Italie que de sa durée de présence sur le territoire français et de la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 3 juin 1973, déclare être entré en France le 2 septembre 2013. Par un arrêté du 9 avril 2015, dont la légalité a été confirmée par un jugement du 14 mars 2016 du tribunal administratif de Grenoble et un arrêt 15 novembre 2016 de cette cour, le préfet de l'Isère a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Par un arrêté du 11 janvier 2019, le préfet a, à nouveau, refusé de l'admettre au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. La légalité de ces mesures a été confirmée par un jugement du 11 avril 2019 du tribunal administratif de Grenoble et une ordonnance du 16 septembre 2019 du président de la cour administrative d'appel de Lyon. A la suite de son interpellation dans le cadre d'un contrôle routier, le préfet de l'Isère, par deux arrêtés du 10 mars 2020, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux années et, d'autre part, l'a assigné à résidence. M. A... relève appel du jugement du 18 mars 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en tant qu'elle était dirigée contre l'arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président ". Aux termes de l'article 43-1 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " Sans préjudice de l'application des dispositions relatives à l'admission provisoire, la juridiction avisée du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle est tenue de surseoir à statuer dans l'attente de la décision statuant sur cette demande. Il en est de même lorsqu'elle est saisie d'une telle demande, qu'elle transmet sans délai au bureau d'aide juridictionnelle compétent. Les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables en cas d'irrecevabilité manifeste de l'action du demandeur à l'aide, insusceptible d'être couverte en cours d'instance ". Aux termes de l'article 62 du même décret : " L'admission provisoire est demandée sans forme au président du bureau ou de la section ou au président de la juridiction saisie. (...). L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué ".
3. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 novembre 2020. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Ainsi que le soutient M. A..., le tribunal a omis de statuer, sur les moyens, qui n'étaient pas inopérants, soulevés à l'encontre, d'une part, de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et tiré de ce que le préfet n'avait pas pris en considération sa situation personnelle et, d'autre part, de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français et tirés de ce que le préfet n'avait pas pris en compte les éléments relatifs à sa situation personnelle et que cette mesure était disproportionnée. Ces omissions rendent irrégulier sur ces points le jugement attaqué, lequel doit, par suite, être annulé dans cette mesure.
5. Par suite, il y a lieu, d'une part, d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à l'annulation des décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et, d'autre part, de statuer, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, sur le surplus des conclusions de sa requête.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, la décision litigieuse comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée.
7. En deuxième lieu, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article L. 313-14 de ce code, lesquelles sont relatives aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'appliquent pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Dès lors, M. A... ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. A... fait valoir qu'il réside sur le territoire français depuis 2013 avec son épouse, de même nationalité, et leurs trois enfants, dont deux sont nés en France. Toutefois, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer sa vie privée et familiale. M. A... a fait l'objet, ainsi qu'il a été dit au point 1, en 2015 et 2019 de deux mesures d'éloignement qu'il n'a pas exécutées et il ne pouvait ignorer qu'il était en situation irrégulière lorsqu'il a développé sa vie privée et familiale en France. En outre, il est constant que son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement. Par ailleurs, rien ne s'oppose à ce que le couple, eu égard à sa nationalité commune, puisse développer, s'il le désire, une vie familiale en Algérie ou en Italie, pays où le requérant dispose d'un titre de séjour comportant la mention " résident longue durée-CE ". Il n'est pas établi que les enfants du couple, eu égard à leur jeune âge, ne puissent vivre dans des conditions satisfaisantes dans le pays dont ils ont la nationalité, ou en Italie, quand bien même deux d'entre eux sont nés en France. M. A..., qui ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française, a vécu hors de France jusqu'à l'âge de quarante ans et dispose d'attaches fortes dans son pays d'origine où vivent notamment ses parents ainsi que les sept membres de sa fratrie. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, et nonobstant la circonstance qu'il y occupe un emploi stable, au demeurant sans titre de séjour, le préfet en adoptant la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
10. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
11. M. A... fait valoir que les deux aînés de ses enfants, âgés de neuf et cinq ans à la date de la décision attaquée, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité en cas de retour en Algérie ou en Italie, notamment parce qu'ils ne parlent ni l'arabe ni l'italien. Toutefois, la décision attaquée n'a pas pour effet de séparer les enfants de l'intéressé de leurs deux parents. Rien ne fait obstacle à ce que les enfants du requérant apprennent la langue arabe ou la langue italienne, s'ils ne les connaissent pas encore et poursuivent leur scolarité dans le pays dont ils ont la nationalité ou en Italie. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée a été prise en méconnaissance du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
12. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 7 et 9, la décision attaquée n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
13. En premier lieu, la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire, qui vise le d) et le h) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui est fondée sur l'existence d'un risque que le requérant se soustraie à cette décision compte tenu, d'une part, de ce qu'il n'a pas exécuté deux précédentes mesures d'éloignement et a déclaré ne pas vouloir mettre à exécution une mesure d'éloignement prononcée à son encontre et, d'autre part, de ce qu'il ne justifie pas d'une adresse permanente et effective en France, est suffisamment motivée en fait et en droit.
14. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; (...) ".
15. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'a fait valoir M. A... devant le tribunal, qu'à la date de la décision attaquée, il justifiait d'une adresse effective et permanente en France, alors même qu'il était hébergé par une association. Dès lors, il n'entrait pas dans le champ des dispositions précitées du h) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En revanche, ainsi qu'il a été dit au point 1, M. A... s'est soustrait à deux précédentes obligations de quitter le territoire français prononcées en 2015 et 2019 et a au surplus déclaré, lors de son audition par les services de police, qu'il n'exécuterait pas une mesure d'éloignement prononcée à son encontre. Ainsi, M. A... entrait dans le champ du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 précité. Il résulte de l'instruction que le préfet de l'Isère aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire n'est pas légalement justifiée.
16. En troisième lieu, eu égard notamment aux motifs énoncés au point 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision privant M. A... d'un délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
17. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité (...) ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. ".
18. En vertu des articles 12, paragraphe 1, et 22, paragraphe 3, de la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, un Etat membre ne peut prendre une décision d'éloignement du territoire de l'Union européenne à l'encontre d'un étranger résident de longue durée dans un autre Etat membre que lorsque l'intéressé représente une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique.
19. Lorsqu'un étranger est résident de longue durée dans un Etat membre de l'Union européenne, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de le reconduire en priorité vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat. Dans le cas où le préfet décide, comme il lui est loisible, d'obliger un tel étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne peut désigner comme pays de destination un ou des pays n'appartenant pas à l'Union européenne qu'à la condition que l'intéressé représente une menace réelle et suffisamment grave pour l'ordre public ou la sécurité publique.
20. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée M. A... disposait d'un titre de séjour comportant la mention " résident longue durée-CE " d'une durée de validité illimitée délivré par les autorités italiennes le 18 novembre 2011. Il ressort des motifs de l'arrêté attaqué que le préfet a estimé que l'intéressé ne représentait pas une menace pour l'ordre public. Dès lors, en désignant, ainsi qu'il l'a fait, les pays à destination desquels M. A... pourrait être reconduit d'office, sans exclure, notamment, comme le relève l'intéressé, le pays dont il a la nationalité, soit l'Algérie, le préfet de l'Isère a commis une erreur de droit. Il suit de là que la décision litigieuse doit être annulée en tant qu'elle désigne le pays d'origine de l'intéressé comme pays de destination, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de ce qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle fait obligation à l'intéressé de quitter le territoire français à destination d'un pays non membre de l'Union européenne.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
21. En premier lieu, la décision litigieuse comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée.
22. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) (...) L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire (...) ".
23. D'une part, il résulte des stipulations de l'article 25 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990, modifiée, que lorsqu'un étranger est titulaire d'un titre de séjour délivré par l'une des parties contractantes, l'Etat signalant limite l'inscription de l'intéressé à sa liste nationale de signalement, à moins que l'Etat qui a délivré ce titre, saisi par l'Etat signalant, estime qu'il existe des motifs sérieux pour retirer le titre de séjour. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. A..., la décision d'interdiction de retour prise à son encontre n'a pas, par elle-même, pour effet de lui interdire de se rendre sur le territoire de l'Etat italien où un titre de séjour d'une durée illimitée lui a été délivré.
24. D'autre part, eu égard aux motifs énoncés au point 9, à la durée de présence de M. A... sur le territoire français et aux conditions de son séjour en France, dès lors, notamment, qu'il s'est soustrait à deux mesures d'éloignement, et en dépit du fait que sa présence sur le territoire français ne représenterait pas une menace pour l'ordre public, le préfet de l'Isère a pu légalement assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de l'intéressé d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
25. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère du 10 mars 2020 fixant le pays de destination en tant qu'elle désigne comme pays de renvoi son pays d'origine.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
26. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mars 2020 en tant que le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français, n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ni de réexaminer sa situation. Par suite, les conclusions du requérant tendant au prononcé d'une telle injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
27. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle présentée par M. A....
Article 2 : Le jugement n° 2001639 du 18 mars 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble, en tant qu'il a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation des décisions du 10 mars 2020 par lesquelles le préfet de l'Isère l'a privé d'un délai de départ volontaire et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, est annulé.
Article 3 : L'arrêté du préfet de l'Isère du 20 mars 2020 est annulé en tant qu'il fixe l'Algérie comme pays de destination.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.
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N° 20LY01644