Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2021, Mme B... E..., représentée par Me Bechaux, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2005290 du 9 octobre 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 29 juin 2020 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour sinon de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour est illégale car le préfet s'est fondé à tort sur les critères issus de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;
- cette décision est illégale pour violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que leur fille, atteinte d'autisme, bénéficie d'une prise en charge multidisciplinaire avec scolarisation qu'elle doit continuer à poursuivre dans son intérêt et dont elle ne pourra bénéficier dans son pays d'origine ; pour les mêmes raisons, la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnait l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour et pour méconnaissance de l'article 3-1 de la convention précitée ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Mme E... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale selon décision du 9 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,
- et les observations de Me Bechaux, représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 29 juin 2020, le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B... F... épouse E..., née le 21 juin 1986 en Algérie, et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours en fixant le pays de destination. Par un jugement du 9 octobre 2020, dont Mme E... relève appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la décision portant refus de séjour :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Il résulte des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Mme E... soutient que le préfet ne pouvait se fonder, ni sur l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant une autorisation de séjour spécifique pour le parent étranger d'un enfant malade, ni sur le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien s'agissant d'apprécier le droit au séjour de parents algériens d'un enfant malade, mais qu'il devait se fonder sur le seul intérêt supérieur de l'enfant au sens de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Toutefois, il ressort des termes de l'arrêté querellé que le préfet du Rhône s'est fondé sur le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien pour apprécier le droit au séjour de Mme E..., en prenant notamment en compte l'intérêt supérieur de sa fille C... A..., née en Algérie le 14 août 2011, eu égard à son état de santé. Contrairement à ce que la requérante soutient, l'intérêt supérieur d'un enfant malade peut être légalement apprécié selon les conditions reprises par le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et selon la procédure prévue par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévoyant notamment l'avis d'un collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône aurait commis une erreur de droit en estimant que l'éventuel défaut de prise en charge dont bénéficie la jeune C... A... en France n'entrainerait pas pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et l'empêcherait de repartir avec ses parents dans leur pays d'origine, et ainsi que l'intérêt supérieur de cet enfant au vu de son état de santé n'était pas de nature, à lui seul, à faire admettre au séjour ses parents.
4. Si la requérante soutient que son enfant atteinte d'un syndrome autistique moyen à sévère avec retard important du langage et neurosensitif bénéficie en France d'une prise en charge thérapeutique multidisciplinaire avec scolarisation dont elle ne pourrait bénéficier en Algérie, elle n'apporte aucun élément de nature à contester l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel l'état de santé de son enfant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. En effet, les divers certificats produits ne font pas état de ce que le défaut de la prise en charge dont la jeune C... A... bénéficie en France aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais seulement qu'il pourrait lui faire perdre l'évolution favorable de ses divers handicaps. Mme E... ne peut utilement se prévaloir de diverses attestations faisant état d'une prise en charge déficiente de l'autisme par les structures sanitaires algériennes. Par suite, en estimant que l'intérêt supérieur de l'enfant au regard de son état de santé n'était pas méconnu par les décisions querellées, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ou entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... n'est entrée en France que le 14 août 2018 et a fait l'objet d'une décision de refus d'asile selon décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 novembre 2018, confirmée par la cour nationale du droit d'asile le 15 juillet 2019. Son mari, M. D... E... a également fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français selon arrêté du 29 juin 2020. Elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Elle ne fait état d'aucun élément d'intégration. Dès lors, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, la décision portant refus de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
6. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait l'intérêt supérieur de sa fille alors que rien n'empêche à sa famille de revenir en Algérie, pays dont tous les membres ont la nationalité.
7. Eu égard aux points précédents, la requérante ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 29 juin 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonctions et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, également, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F... épouse E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
Mme Conesa-Terrade, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition par le greffe le 14 octobre 2021.
N° 21LY00070 2