Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2020, M. A..., représenté par Me Reka, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1804991 du 4 juin 2020 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de condamner solidairement la commune de Gervans, le SIRCTOM et la SMACL à lui verser la somme de 69 696,72 euros, réévaluée par application de l'indice de la construction au jour du paiement, au titre du préjudice résultant d'un incendie survenu le 13 juillet 2014 dans une dépendance de son habitation ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Gervans, du SIRCTOM et de la SMACL la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'est pas établi que les conteneurs à déchets à l'origine du départ de feu étaient équipés de roulettes et, à supposer même qu'ils l'aient été, l'absence de fixation au sol ne les prive pas de la qualification d'ouvrage public dès lors que leur vocation est de stocker des déchets sur l'espace public ;
- l'ouvrage public, qui est un dépôt d'ordures, ne repose pas sur la qualification des conteneurs à déchets ;
- il a la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage public, même s'il bénéficie du service d'enlèvement des ordures ménagères ;
- la responsabilité sans faute de la commune de Gervans et du SIRCTOM est ainsi engagée à raison de l'incendie qui a affecté une dépendance de son habitation ;
- la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968 n'était pas acquise le 19 septembre 2019, date à laquelle il a présenté un mémoire complémentaire devant le tribunal administratif de Grenoble invoquant pour la première fois le fondement de la responsabilité pour faute ; cette demande a ainsi été présentée dans le délai de recours contentieux ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que les conclusions qu'il avait présentées le 19 septembre 2019 reposaient sur une cause juridique distincte dès lors qu'il pouvait invoquer un moyen de droit nouveau à tout moment jusqu'à la clôture de l'instruction ;
- la commune de Gervans et le SIRCTOM ont commis une faute en choisissant de placer les conteneurs à déchets à l'aplomb du mur de sa maison, de sorte que leur responsabilité pour faute est engagée ;
- le maire de Gervans a commis une faute en n'usant pas des pouvoirs de police qu'il tient du 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;
- le lien de causalité entre le départ de feu dans l'un des conteneurs déposés contre le mur de sa propriété et le dommage qu'il a subi est rapporté ;
- la compétence de collecte des ordures ménagères a été transférée par la commune de Gervans au SIRCTOM, en application de l'article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales ;
- il a droit à la somme de 69 696,72 euros au titre du préjudice matériel subi, correspondant au coût des travaux nécessaires à la rénovation de sa maison.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 octobre 2020, la commune de Gervans, la SMACL et le SIRCTOM, représentés par Me Matras, concluent au rejet de la requête, subsidiairement à ce que le montant de l'indemnité allouée à M. A... soit ramené à de plus justes proportions, et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les conteneurs à déchets en cause, qui n'étaient ni fixés au sol ni constitutifs d'un accessoire indissociable à un ouvrage public, ne sauraient être qualifiés d'ouvrage public ;
- le dommage causé ne constitue pas un dommage permanent lié à un ouvrage public ;
- les conteneurs en cause ne constituent pas un dépôt d'ordures ;
- le moyen tiré de l'applicabilité du régime de responsabilité sans faute doit être écarté ;
- en toute hypothèse, M. A... n'a pas la qualité de tiers mais d'usager des conteneurs en cause ;
- à l'expiration du délai de recours contentieux, M. A... n'était plus recevable à présenter des conclusions sur le terrain de la responsabilité pour faute ;
- ni la commune ni le SIRCTOM n'ont commis de faute de nature à engager leur responsabilité ;
- la présence des conteneurs ne peut être regardée comme étant à l'origine du dommage ;
- la compétence en matière de collecte d'ordures ménagères ayant été transférée par la commune de Gervans au SIRCTOM, seule la responsabilité de celui-ci peut être recherchée dans le cas d'un dommage causé par les équipements nécessaires à l'exercice de cette compétence ; ainsi, les conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité de la commune sont mal dirigées ;
- subsidiairement, la somme totale des rénovations à entreprendre, n'excéderait pas 51 455 euros, de laquelle il conviendrait de déduire l'indemnité de 24 386 euros déjà versée à M. A... par son assureur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pin, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Buisson, représentant M. A..., et de Me Cunin, représentant la commune de Gervans, la SMACL et le SIRCTOM.
Considérant ce qui suit :
1. Un incendie s'est déclaré le 13 juillet 2014 dans un conteneur à déchets situé sur la voie publique, contre le mur de la propriété de M. A.... Ce dernier, dont l'incendie a gravement endommagé une dépendance de son habitation, relève appel du jugement du 4 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la commune de Gervans, du syndicat intercommunal rhodanien de collecte et de traitement des ordures ménagères (SIRCTOM) et de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) à l'indemniser du préjudice subi.
Sur la responsabilité sans faute pour les dommages causés aux tiers par des ouvrages publics :
2. La responsabilité de la personne publique, maître d'un bien à l'égard du tiers qui a été victime d'un dommage imputé à ce bien, n'est engagée de plein droit en raison de son existence ou de son fonctionnement, sans que l'intéressé ait à établir l'existence d'une faute à la charge de cette personne publique, qu'à la condition que le dommage soit imputable à un bien immobilier, seul susceptible de recevoir la qualification d'ouvrage public.
3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Valence, que l'incendie qui a endommagé une dépendance de l'habitation de M. A... a été provoqué à la suite d'un départ de feu dans un bac à déchet mobile, destiné à la collecte des ordures ménagères des riverains. Si M. A... soutient, pour la première fois en appel, qu'il n'est pas établi que le conteneur à déchets en cause était équipé de roulettes et qu'il n'aurait pas été ancré au sol, il n'apporte, à l'appui de cette allégation, aucun commencement de preuve de nature à contredire les constatations opérées par l'expert quant au caractère mobile de cet équipement. En outre, il résulte de l'instruction, notamment des photographies extraites du rapport d'expertise, que ce conteneur mobile, placé sur la voie publique contre le mur de la propriété du requérant, ne constituait pas, contrairement à ce qui est soutenu, un élément d'un dépôt aménagé spécifiquement pour les besoins du service de tri des ordures ménagères. Ainsi, eu égard à ses caractéristiques et à son emplacement, ce conteneur à déchets ne constitue pas un ouvrage public mais un élément mobilier. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité de la collectivité publique serait engagée à raison de l'existence d'un ouvrage public.
Sur la responsabilité pour faute :
4. Si les dispositions des articles 4 et 6 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques autorisent les personnes publiques à se faire représenter par des avocats dans leurs relations avec les autres personnes publiques ou avec les personnes privées, aucune décision administrative ne saurait toutefois résulter des seules correspondances de ces derniers, en l'absence de transmission, à l'appui de ces correspondances, de la décision prise par la personne publique qu'ils représentent.
5. M. A... s'est borné dans sa requête introductive d'instance devant les premiers juges à invoquer, au soutien de sa demande d'indemnité, la responsabilité sans faute du SIRCTOM et de la commune de Gervans pour les dommages causés aux tiers par des ouvrages publics. Contrairement à ce que soutiennent le SIRCTOM et la commune de Gervans, il résulte du principe énoncé au point 4 que si leur conseil a, par un courrier du 20 juin 2018, dont la date de notification n'est d'ailleurs pas connue, fait part à M. A... du rejet de la réclamation indemnitaire qu'il avait introduite le 2 mai 2018, ce courrier ne saurait être regardé comme une décision administrative et n'était accompagné d'aucune décision de cette nature. Ainsi, le délai de recours contentieux a commencé à courir au plus tard le 2 août 2018, soit la date à laquelle M. A... a introduit sa demande devant le tribunal administratif de Grenoble. Dès lors, les conclusions du requérant, fondées sur la responsabilité pour faute du SIRCTOM et de la commune de Gervans, contenues pour la première fois dans son mémoire en réplique, enregistré le 18 septembre 2019, constituaient une demande nouvelle présentée postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux. Ces conclusions étaient ainsi tardives et par suite irrecevables. La circonstance que la prescription quadriennale prévue par les dispositions de l'article 2 la loi du 31 décembre 1968 n'était pas acquise à la date d'enregistrement de ce mémoire en réplique est sans incidence sur la tardiveté des conclusions présentées en première instance par M. A..., auquel il revenait, s'il s'y croyait fondé, d'introduire une nouvelle demande sur ce fondement.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande indemnitaire. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Gervans, la SMACL et le SIRCTOM au titre des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Gervans, la SMACL et le SMIRCTOM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de Gervans, à la société mutuelle d'assurance des collectivités locales et au syndicat intercommunal rhodanien de collecte et de traitement des ordures ménagères.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.
2
N° 20LY02129