Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2020, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001833 du 21 juillet 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 6 novembre 2019 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois courant à compter de la notification de la décision à intervenir, sinon de lui octroyer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours ;
4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 1 300 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de séjour est entachée de vices de procédure tenant à ce que l'avis des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration comporte des fac-similés de signature numérisée non conforme à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, qu'il n'est pas établi que ces médecins aient délibéré collégialement alors que leur lieu d'exercice est différent et que le préfet possède la preuve du mode de délibération par l'application Thémis ;
- la décision précitée méconnait l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors que, souffrant d'un polytraumatisme comprenant en particulier une paraplégie, des troubles digestifs et urologiques, elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, notamment les médicaments prescrits, le matériel d'auto-sondage, l'injection de toxine botulique, le suivi psychiatrique et elle ne pourra être prise en charge par le système algérien de protection sociale en l'absence d'activité professionnelle et compte tenu de son isolement, ne lui permettant pas d'espérer un soutien moral ou financier de proches ;
- la même décision méconnait l'article 6-5 de l'accord précité et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle vit en France avec ses deux enfants nés les 25 juillet 2012 et 19 avril 2016 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour, pour méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et dès lors qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Mme B... a été admise au bénéficie de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gayrard, président assesseur ;
- et les observations de Me A..., avocat de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 6 novembre 2019, le préfet du Rhône a refusé de délivrer le certificat de résidence mention " vie privée et familiale " sollicité par Mme C... B..., née le 11 septembre 1987 en Algérie, et l'a obligée à quitter le territoire français en fixant le pays de destination. Par un jugement du 21 juillet 2020, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7° au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable en l'espèce en l'absence de stipulations de l'accord franco-algérien traitant la procédure de délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis (...) au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le collège (...) composé de trois médecins, émet un avis (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016 dispose que : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
3. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que les signatures des trois médecins du collège de l'OFII ayant émis l'avis du 28 décembre 2018 concernant le dossier de Mme B... ne seraient pas authentiques comme l'allègue la requérante. La mention portée sur l'avis du collège des médecins de l'Office française de l'immigration et de l'intégration selon laquelle " après en avoir délibéré, les médecins de l'OII émet l'avis suivant " fait foi jusqu'à preuve du contraire du caractère collégial dudit avis. La circonstance soulignée par la requérante que les trois médecins ayant statué sur son dossier ont des lieux d'exercice professionnel éloignés les uns des autres n'est pas de nature à apporter la preuve contraire alors que l'article 6 de l'arrêté visé au point précédent permet la tenue de conférence téléphonique ou audiovisuelle. Par suite, le préfet n'est nullement tenu de produire un extrait de l'application Thémis comme le demande la requérante.
4. D'autre part, l'avis du 28 décembre 2018 des médecins du collège de l'OFII ayant examiné le dossier médical de Mme B..., conclut que si son état de santé nécessite une prise en charge médicale pouvant entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié et son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... souffre d'un polytraumatisme, découlant d'un accident de voiture survenue en Algérie le 14 mai 2013 selon ses dires, comprenant une paraplégie motrice complète de niveau supérieur et sensitive polymodale incomplète de niveau supérieur, des troubles vésico-sphinctériens, une constipation d'origine neurogène, des douleurs neuropathiques, des tendinites bilatérales des épaules, un conflit sous-acromial bilatéral, une dysthyroïdie et un syndrome de stress post-traumatique et anxio-dépressif sévère réactionnel.
5. D'abord, si la requérante soutient que les traitements nécessaires à son état de santé ne sont pas disponibles en Algérie, elle produit une attestation d'un pharmacien de Sidi Boubkeur établie le 30 janvier 2020 ou d'un psychiatre de Béchar du 23 février 2020 qui ne peuvent être regardées comme justifiant d'une absence de disponibilité de ces médicaments dans tout le pays alors qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Rhône a produit devant les premiers juges des fiches établissant que les médicaments ou molécules prescrits à l'intéressée (antalgiques, laxatifs, antidépresseurs, anxyolytiques, etc.) sont commercialisés en Algérie. Si la requérante fait également valoir que le matériel d'autosondage adéquat est indisponible en Algérie, l'attestation d'un pharmacien de Béchar du 15 février 2020 et d'un urologue du 5 février 2020 ne suffisent pas non plus à contredire les éléments fournis par le préfet justifiant de la disponibilité de ces dispositifs en Algérie. De même, l'attestation d'un néphrologue du 30 janvier 2020 ne permet pas de regarder les traitements par injection de toxine botulique comme n'étant pas disponibles dans son pays d'origine où elle a été d'abord prise en charge avant son départ pour la France pendant plus d'un an après son accident. Le préfet a également produit une liste d'hôpitaux et de cliniques en Algérie susceptibles d'apporter la prise en charge pluridisciplinaire dont la requérante bénéficie en France. Les éléments médicaux produits par l'intéressée en première instance ne sont donc pas suffisants pour remettre en cause l'avis du 28 décembre 2018 des médecins du collège de l'OFII en ce qui concerne la disponibilité des soins en Algérie et la possibilité de voyager sans risque pour sa santé, ni davantage pour justifier de circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêchant de revenir dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans, et d'accéder effectivement audit traitement. Ensuite, si Mme B... soutient qu'elle n'aurait pas accès à une prise en charge par la sécurité sociale de son pays faute de justifier d'une activité professionnelle, l'Algérie dispose d'une couverture médicale permettent l'accès aux soins gratuits dans les structures publiques de santé. La circonstance que la requérante serait isolée en Algérie, à la supposer établie, est sans incidence sur son accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine. Enfin, elle n'apporte aucun élément suffisamment probant pour contredire l'avis précité selon lequel elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Par suite, doit être écarté comme non fondé le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7° du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.
6. En second lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
7. Si Mme B... invoque une rupture de ses liens avec l'ensemble de sa famille en Algérie, elle n'en justifie qu'au travers de ses propres déclarations reprises par des tiers, seul son divorce prononcé en juillet 2018 étant établi. Elle ne justifie donc pas être dénuée d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. Si elle fait valoir qu'elle est entrée en France le 5 juin 2014 et vit avec ses deux enfants nés le 25 juillet 2012 en Algérie et le 19 avril 2016 en France, rien n'empêche ses enfants de la suivre en cas d'éloignement vers l'Algérie. Elle n'a pas déféré à une précédente décision du préfet du Rhône du 29 mars 2016 refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français. Enfin elle ne justifie d'aucun élément d'intégration dans la société française. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Au vu de tout ce qui précède, la décision en litige n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle, notamment sanitaire, de la requérante.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 que Mme B... n'est pas fondée à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité du refus de titre de séjour.
10. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points 4 et 5, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lequel : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
11. En deuxième lieu, il découle de ce qui a été dit au point 7 que le moyen tiré de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
12. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant la décision querellée.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 12 que Mme B... n'est pas fondée à exciper, à l'encontre de cette décision, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français en fixant le pays de destination, ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d'injonction ou présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête, en ce compris ses conclusions à fins d'injonction ou fondées sur l'article L. 761-1 du code précité.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 20 avril 2021.
N° 20LY03193 2