Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 février 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 11 décembre 2019 ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " salarié ", subsidiairement une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision implicite rejetant son recours gracieux n'est pas motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, alors qu'il doit être regardé comme ayant demandé l'indication des motifs de cette décision implicite ;
- le refus de l'admettre au séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les dispositions du 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés, d'une part, de l'irrégularité du jugement attaqué en ce que le tribunal a omis de soulever d'office un moyen d'ordre public et, d'autre part, de la substitution, comme base légale de la décision contestée, du pouvoir dont dispose le préfet de régulariser la situation d'un étranger au 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicable aux ressortissants algériens, dès lors que le préfet de Saône-et-Loire disposait du même pouvoir d'appréciation et que M. C... n'a été privé d'aucune garantie.
La requête a été communiquée au préfet de la Loire qui n'a pas produit de mémoire.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. C... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant algérien né le 1er novembre 2000, est entré en France le 7 août 2015. Il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance à compter du 16 octobre 2015. Le 24 décembre 2018, il a présenté une demande de titre de séjour, sans en préciser le fondement. Estimant être saisi d'une demande d'admission au séjour présentée sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Saône-et-Loire, a, par une décision du 23 avril 2019, refusé d'y faire droit. M. C... fait appel du jugement du 11 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi que de celle rejetant implicitement son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, sous réserve des conventions internationales. En ce qui concerne les ressortissants algériens, les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles ils peuvent être admis à séjourner en France et à y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Les dispositions de l'article L. 313-15 et celles du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont relatives aux conditions de délivrance d'un titre de séjour, ne sont, dès lors, pas applicables aux ressortissants algériens.
3. Le tribunal administratif de Dijon n'a pas soulevé d'office le moyen d'ordre public, qui ressortait des pièces du dossier, tiré de ce que le préfet de Saône-et-Loire ne pouvait, sans méconnaître le champ d'application de la loi, rejeter la demande d'admission au séjour présentée par M. C... en se fondant sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions mentionnées par les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne sont pas applicables aux ressortissants algériens, ainsi qu'il a été dit au point précédent. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Dijon.
Sur la légalité de la décision du 23 avril 2019 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de la décision implicite portant rejet du recours gracieux :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; (...) ".
6. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur un autre fondement que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
7. Ainsi qu'il a été dit aux points 2 et 3, le préfet de Saône-et-Loire ne pouvait légalement rejeter la demande d'admission au séjour présentée par M. C... en se fondant sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions mentionnées par les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison d'une absence d'assiduité dans le suivi de sa formation et de ce qu'il a fait l'objet de poursuites pénales. Il convient de substituer à cette base légale erronée celle tirée de l'exercice du pouvoir, dont dispose le préfet, de régulariser ou non la situation d'un étranger dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission au séjour présentée sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 précité.
8. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 2 que M. C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont pas applicables aux ressortissants algériens.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...) ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. M. C..., entré en France à l'âge de quatorze ans, a été confié par décisions judiciaires, à compter du 16 octobre 2015, au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Saône-et-Loire alors qu'il était mineur. Il fait valoir qu'il poursuit des études en vue d'obtenir le brevet d'études professionnelles en gestion et administration des entreprises et qu'il a sollicité une prise en charge par le conseil départemental sous la forme d'un " contrat jeune majeur ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui a totalisé 42 demi-journées d'absences non justifiées au cours de l'année scolaire 2017-2018 et 34 au cours du premier trimestre de l'année scolaire 2018-2019, ne justifie pas d'une scolarité assidue. Célibataire et sans charge de famille, le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales proches dans son pays d'origine, dans lequel réside notamment ses parents, avec lesquels il a indiqué entretenir des relations téléphoniques. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que M. C... aurait noué des liens d'une particulière intensité en France, ni qu'il ne pourrait poursuivre son projet scolaire dans son pays d'origine. En outre, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport éducatif produit par le requérant, qu'il a été pénalement condamné le 16 novembre 2017 à accomplir un stage de citoyenneté pour des faits d'usage illicite, transport, détention, offre ou cession et acquisition non autorisés de stupéfiants. Dans ces conditions, la décision refusant de l'admettre au séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Ainsi, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 23 avril 2019 du préfet de Saône-et-Loire portant refus de délivrance d'un titre de séjour. Il suit de là que les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux contre la décision du 23 avril 2019 doivent être rejetées, sans que les vices propres dont cette décision serait entachée puissent être utilement invoqués. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. C... aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901791 du tribunal administratif de Dijon du 11 décembre 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Dijon est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
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N° 20LY00523