2°) d'annuler les décisions du 22 décembre 2017 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, et lui a interdit d'y revenir pendant une durée de douze mois ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour son avocat de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
Par un jugement n° 1709146 en date du 1er mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 16 mars 2018, le préfet du Rhône demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n°1709146 du 1er mars 2018 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par M. A...devant le tribunal administratif de Lyon.
Il soutient que :
- le jugement méconnaît les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le tribunal a statué dans un délai de jugement qui a excédé six semaines ;
- contrairement aux motifs du jugement attaqué, les décisions attaquées ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2019, M.A..., représenté par Me H..., conclut à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire, au rejet de la requête du préfet, à ce qu'il soit enjoint à ce dernier de lui délivrer dans le délai d'un mois une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail , à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux est entaché d'un défaut d'examen particulier ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet a méconnu sa compétence en n'examinant pas la possibilité de régulariser sa situation ;
- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français entraîne l'illégalité du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;
- il était hébergé par sa soeur et l'adresse qu'il avait donnée était vérifiable ;
- l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus d'octroi d'un délai de départ volontaire entraîne l'illégalité de l'interdiction de retour ;
- cette mesure est disproportionnée ;
Par une décision du 27 février 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M.F....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pommier, président.
Considérant ce qui suit :
1. M. E...A..., ressortissant algérien né le 14 mars 1993, est entré irrégulièrement en France en août 2017. Par un arrêté du 22 décembre 2017, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de douze mois. Le préfet du Rhône relève appel du jugement du 1er mars 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 22 décembre 2017.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) I bis. (...) Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou parmi les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. (...). II. L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon les cas, aux I ou I bis. (...) ".
3. Le préfet du Rhône reproche au jugement attaqué d'avoir statué dans un délai excédant celui qui est prévu par les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, le délai de six semaines imparti par ces dispositions pour statuer ne revêt pas de caractère impératif. Par conséquent, le jugement n'est nullement entaché d'irrégularité pour ce motif.
Sur la légalité de l'arrêté en litige du 22 décembre 2017 :
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
5. Pour annuler l'arrêté préfectoral du 22 décembre 2017 faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français sans délai et lui interdisant d'y revenir pendant douze mois, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a considéré, d'une part, que l'intéressé était entré en France pour rejoindre sa compagne, ressortissante française, avec laquelle il avait un projet de mariage, d'autre part, que leur relation présentait un caractère sérieux et qu'ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales étaient méconnues.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré irrégulièrement en France en août 2017. Il avait précédemment sollicité à deux reprises un visa de court séjour afin de séjourner en France, mais ses demandes ont été rejetées en 2009 et 2014. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que sa fiancée à la date de la décision attaquée, Mme B...K..., est de nationalité française, d'autre part, qu'ils ont été hébergés par la soeur du requérant qui réside régulièrement en France, enfin, qu'ils ont déposé en novembre 2017 un dossier de mariage à Saint-Priest. Postérieurement à la date de la décision attaquée, M. A...et Mme K...ont contracté ensemble un bail d'habitation à compter du 15 janvier 2018 et se sont mariés le 24 février 2018. Cependant, le requérant et sa compagne ne pouvaient ignorer, dès le début de leur relation, que leurs perspectives d'installation commune en France étaient incertaines, en l'absence de droit au séjour détenu par l'intéressé. De plus, si M. A...allègue que ses parents résident en France, il ne le démontre pas. Par ailleurs, M. A..., qui n'avait pas sollicité de titre de séjour auprès des autorités pour régulariser sa situation, ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière en France. Si en appel il indique disposer d'une promesse d'embauche, il ne l'établit pas. Dans ces conditions, eu égard à la faible durée de son séjour en France et au caractère récent de sa relation avec sa compagne à la date de la décision attaquée et alors qu'il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans en Algérie, l'arrêté contesté ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale et par conséquent ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé pour ce motif son arrêté du 22 décembre 2017 par lequel il a fait obligation à M. A...de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de douze mois.
7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Lyon et devant la cour.
En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions :
8. En premier lieu, l'arrêté du préfet du Rhône en date du 31 octobre 2017 portant délégation de signature figure au recueil des actes administratifs spécial n° 69-2017-104, publié le 3 novembre 2017 : son article 1er donne délégation aux directeurs et chefs de bureau désignés, et notamment Mme D...G..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer d'une manière permanente les actes administratifs relevant de leurs services. Son article 2 prévoit qu'en cas d'absence de MmeG..., délégation de signature est donnée à MmeC..., cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux. Son article 12 prévoit, en cas d'absence ou d'empêchement de MmeC..., une subdélégation pour la signature des documents mentionnés. À cet effet, M. I...J..., attaché, chef de la section éloignement, a reçu compétence pour signer l'arrêté litigieux. Par conséquent, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.
9. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par conséquent, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 22 décembre 2017 doit être écarté comme manquant en fait.
10. En troisième lieu, il ressort des mentions mêmes de l'arrêté contesté que le préfet du Rhône a effectivement procédé à un examen préalable de la situation personnelle de M. A... avant de l'obliger à quitter le territoire français sans délai et de lui interdire de revenir sur le territoire français pour une durée de douze mois, et ce alors même qu'il n'a pas fait explicitement mention de son projet de mariage.
En ce qui concerne le moyen propre à la décision obligeant M. A...à quitter le territoire français :
11. M. A... soutient que la décision litigieuse est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Cependant, ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 6.
En ce qui concerne les moyens propres au refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
12. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) ".
13. Le requérant n'établit ni son entrée régulière sur le territoire français, ni avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour depuis son arrivée sur le territoire français. Dans ces conditions, le préfet du Rhône pouvait légalement se fonder sur les dispositions du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire. En outre, si l'intéressé estime présenter des garanties de représentation suffisantes, il ressort toutefois des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal d'audition du 22 décembre 2018, qu'il a indiqué ne pas être en possession de son passeport qu'il avait " laissé au bled ". Dès lors, le préfet du Rhône a pu également fonder légalement sa décision sur le f) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'il avait indiqué résider à Saint-Priest chez sa soeur dont il avait donné l'adresse. Enfin, la présence en France de sa compagne et la perspective prochaine de leur mariage à la date de la décision contestée ne suffit pas à caractériser, à elle-seule, l'existence de circonstances particulières au sens des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. En second lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. A...n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne les moyens propres à la décision interdisant à M. A...de revenir sur le territoire français pendant un délai de douze mois :
15. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti./ Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...)./ L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. (...)/ La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
16. En premier lieu, il résulte des termes de la décision attaquée que le préfet a pris en compte pour fixer la durée de l'interdiction de retour les critères énoncés au dernier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il a suffisamment motivé cette décision.
17. En deuxième lieu, la présence en France de la compagne et future épouse du requérant ne saurait, dans les circonstances de l'espèce, être qualifiée de circonstance humanitaire au sens des dispositions précitées. Ainsi, le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur d'appréciation en assortissant sa mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français durant douze mois, laquelle ne porte pas une atteinte disproportionnée à sa vie familiale, pour les motifs énoncés plus haut.
18. En troisième lieu, les moyens dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ayant été écartés, M. A...n'est pas fondé à exciper de leur illégalité à l'encontre de la décision portant interdiction de retour.
19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 22 décembre 2017 par lequel il a fait obligation à M. A...de quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée de douze mois.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit à M. A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sans qu'il y ait lieu de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1709146 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 1er mars 2018 est annulé.
Article 2 : Les conclusions d'appel et la demande de première instance présentées par M. A...sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 avril 2019.
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N° 18LY01040