Par une requête enregistrée le 30 mai 2016, la société Almerys représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1402931 du 29 mars 2016 du tribunal administratif de Grenoble susmentionné ;
2°) d'annuler l'opposition à tiers détenteur n° 80100/2014/2446792717 du 3 février 2014 émise par la trésorerie de Grenoble pour la somme de 17 313,57 euros ramenée à la somme de 3 530,13 euros ;
3°) d'annuler la décision de refus implicite opposée au recours gracieux formé par la SAS ALMERYS contre l'opposition à tiers détenteur n° 80100/2014/2446792717 du 3 février 2014 émise par la trésorerie de Grenoble pour la somme de 17 313,57 euros ;
4°) d'enjoindre au centre hospitalier universitaire de Grenoble et à la trésorerie de Grenoble de lui rembourser la somme de 3 530,13 euros ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble ou du trésorier du centre hospitalier universitaire de Grenoble la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- c'est à tort que le centre hospitalier universitaire de Grenoble a refusé de la décharger de l'obligation de payer la somme en litige dès lors que la somme qui lui est réclamée n'est pas due ; en effet, soit elle a déjà payé les créances en litige, soit le patient à l'origine de la créance en litige ne bénéficiait pas du tiers payant Almerys, soit le bénéficiaire des soins n'était pas couvert par un contrat d'assurance complémentaire bénéficiant des services de tiers-payant Almerys pour les prestations concernées, soit le bénéficiaire des soins n'était pas couvert par un contrat d'assurance complémentaire bénéficiant des services de tiers-payant Almerys aux dates des prestations indiquées, soit la facture n'était pas conforme à la prise en charge, soit le contrat d'assurance du bénéficiaire des soins ne prévoyait pas le remboursement des prestations facturées ;
Par un mémoire enregistré le 2 mars 2018, le centre hospitalier universitaire de Grenoble, représenté par Me C...et MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Almerys la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les créances en litige sont prescrites ; en effet, la société Almerys n'a contesté les titres exécutoires en litige qu'en 2014 alors qu'ils lui ont été notifiés en 2010 et 2011 et qu'une lettre du 17 août 2011 lui a rappelé les titres non soldés ;
- la requête est irrecevable dès lors que la société requérante n'a pas respecté l'obligation préalable de règlement amiable prévue par les stipulations de l'article 6.4 de la convention de délégation de paiement dite " tiers payant " des dépenses d'hospitalisation et de soins externes pour la part assurance maladie complémentaire conclue le 22 février 2008 ;
- les créances en litige sont fondées en l'absence d'élément pertinent de nature à établir le contraire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 22 mars 2018 :
- le rapport de M. Carrier,
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.
1. Considérant que la société Almerys, qui assure pour le compte d'organismes d'assurance maladie complémentaire le bénéfice du tiers payant pour la part des dépenses non couvertes par la sécurité sociale, s'est vu notifier une opposition à tiers détenteur émise le 3 février 2014 à son encontre par le trésorier du centre hospitalier universitaire de Grenoble pour avoir paiement de la somme de 17 313,57 euros correspondant à des créances hospitalières ; que, par jugement du 29 mars 2016, les juges de première instance ont rejeté la demande de la société Almerys, après avoir constaté que le litige ne portait plus que sur la somme de 8 363,69 euros ; que la société Almerys demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 mars 2016 et la décharge de l'obligation de payer la somme de 3 530,13 euros ;
Sur la recevabilité :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 6.4 de la convention de délégation de paiement dite " tiers payant " des dépenses d'hospitalisation et de soins externes pour la part assurance maladie complémentaire conclue entre la société Almerys et le centre hospitalier universitaire de Grenoble le 22 février 2008 : " Dans le cadre du présent contrat et afin de préserver en permanence les droits du malade, tout litige survenant entre la société Almerys et l'établissement sera soumis à la commission de conciliation préalablement à toute action judiciaire. " ; que, toutefois, le centre hospitalier universitaire de Grenoble en émettant des titres exécutoires à l'encontre de la société Almerys a usé de la prérogative de puissance publique qui lui permettait, sans recours préalable au juge, de contraindre ladite société au paiement des sommes qu'il lui réclamait ; que, dès lors, eu égard aux effets de ces titres exécutoires équivalents à ceux d'une décision juridictionnelle obtenue à l'issue d'une action contentieuse, la société Almerys n'était pas tenue, avant de contester devant le tribunal administratif de Grenoble le bien-fondé des créances dont le paiement lui était réclamé, de saisir de ce litige la commission de conciliation prévue par les stipulations précitées ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier et tirée du non-respect de la procédure de conciliation susmentionnée ne peut être accueillie ;
3. Considérant, en second lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ; qu'aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite. " ; qu'il en résulte que le non-respect de l'obligation d'informer le débiteur sur les voies et délais de recours, prévue par la première de ces dispositions, ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion, prévu par la seconde, lui soit opposable ; que, toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; que, s'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance ;
4. Considérant, d'autre part, que les dispositions précitées du 2° de l'article 1617-5 du code général des collectivités territoriales ne soumettent pas la recevabilité de l'action dont dispose un débiteur pour contester un titre exécutoire à un recours préalable obligatoire et n'ont ni pour objet, ni pour effet d'exclure l'exercice par le débiteur d'un recours administratif, qu'il soit gracieux ou hiérarchique, qui, introduit dans le délai de recours contentieux, interrompt ce délai ;
5. Considérant, qu'en l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction qu'antérieurement à l'opposition à tiers détenteur émise le 3 février 2014, le centre hospitalier universitaire de Grenoble aurait notifié régulièrement à la société requérante les titres exécutoires concernant les créances en litige ; que, par ailleurs, il n'est pas davantage établi par les pièces produites par le centre hospitalier universitaire de Grenoble que la société Almerys aurait eu connaissance de ces créances plus d'un an avant la notification de l'opposition à tiers détenteur émise le 3 février 2014 ; qu'à cet égard, si l'établissement hospitalier fait état, dans son mémoire en défense de première instance, d'une lettre du 17 août 2011, par laquelle il a demandé à la société Almerys de lui rembourser un certain nombre de créances, aucune pièce du dossier ne permet d'établir que cette lettre aurait été effectivement reçue par la société requérante et concernait les créances en litige ; qu'enfin, il n'est pas contesté que la société Almerys a présenté un recours gracieux le 7 mars 2014 qui a interrompu le délai de recours contentieux en l'absence de son rejet exprès ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête doit être écartée ;
Sur les conclusions aux fins de décharge de l'obligation de payer :
6. Considérant qu'il n'est pas contesté que la somme en litige n'est désormais plus que de 3 530,13 euros ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention du 22 février 2008 susmentionnée : " 3.1 ... Les dépenses ouvrant droit à l'application de la présente convention sont celles correspondant à des soins compris dans la période de validité de la carte almerys et dont la demande de remboursement a été transmise dans un délai de 24 mois maximum courant à compter de la date de réalisation des soins ou de délivrance des produits et prestations. 3.2 Conformément à la réglementation, pour les actes pris en charge par le régime obligatoire, le tarif des prestations de soin est celui correspondant aux tarifs officiels... Ces actes... sont pris en charge à l'issue de la consultation du serveur almerys ou au vu de la carte tiers payant Almerys. Pour les autres prestations, le tarif est celui pratiqué par l'établissement... Ces actes peuvent donner lieu à tiers payant après acceptation des parties au présent contrat. Cette acceptation est matérialisée par la prise en charge demandée par l'établissement de soins et délivrée par almerys à l'issue de la consultation du serveur almerys. La demande de prise en charge peut être obtenue sur le site almerys.com. 3.3 Le bénéfice de la présente convention est limité au montant des dépenses effectivement couvertes par l'organisme complémentaire santé éventuellement sous déduction des montants pris en charge au titre du régime obligatoire de sécurité sociale... Les signataires s'engagent à respecter la valeur des lettres clés et des frais accessoires prévus aux tarifs conventionnels retenus par les régimes obligatoires d'assurance maladie, ainsi que la cotation indiquée à la nomenclature générale des actes professionnels. " ; qu'aux termes de l'article 4 de cette convention : " La société Almerys s'engage à ne délivrer la carte de bénéficiaire, sur laquelle figurent les informations relatives à l'assurance complémentaire, qu'aux assurés sociaux pouvant y prétendre, à tenir à jour en permanence un fichier électronique des cartes de bénéficiaires en état de validité, précisant l'état des droits et des garanties couvrant le bénéficiaire. L'établissement peut consulter ce fichier sur le site almerys.com. " ; qu'aux termes de l'article 5 de ladite convention : " L'établissement s'engage à respecter la procédure suivante : l'établissement, en accord avec almerys, accepte la carte almérys, la carte vitale ou tout autre support fourni par le patient, en tant que moyen d'identification permettant l'accès au tiers payant. 5.1.1 Engagement de l'établissement dans le cadre de l'hospitalisation et/ou en matière de chirurgie ambulatoire : les actes et prestations peuvent donner lieu à tiers payant sur acceptation matérialisée par la prise en charge délivrée par cet organisme à l'issue de la consultation du serveur almerys. L'établissement s'engage à réaliser une demande de prise en charge modèle " SP4 " ou un bordereau dont le modèle figure en annexe 1, adressée à almerys par fax... L'établissement s'engage à renseigner préalablement la discipline médico tarifaire 5DMT). Sur la base des éléments reçus par fax, almerys procèdera à l'interrogation du fichier informatique pour le compte de l'établissement et lui transmettra, par fax ou par mail la réponse à la demande de prise en charge dans un délai de deux jours ouvrés de la réception de la demande par almerys. Cette consultation du fichier informatique indique à l'établissement le montant remboursé par l'assurance maladie complémentaire en fonction de l'étendue de la garantie du bénéficiaire et de la demande de prise en charge du bénéficiaire.... 5.1.2 Engagement de l'établissement en matière de soins externes : L'établissement s'engage à contrôler la validité des droits du bénéficiaire : soit au vu des informations portées sur la carte du bénéficiaire sur laquelle figurent les informations relatives à l'assurance maladie complémentaire, soit par l'interrogation du fichier informatique qu'almerys met à sa disposition par un accès internet sur le site : www.almerys.com " ; qu'aux termes de son article 6.2 : " Au cas où l'établissement n'a pas respecté les procédures des articles 3 et 5, la société Almerys peut refuser les versements des sommes en cause si l'état des droits ou le périmètre des garanties ne couvre pas la prestation réalisée, ou le cas échéant, engager toute action en recouvrement, étant toutefois admis qu'il pourra être procédé, à l'initiative de la société Almerys, à des compensations entre les sommes à recouvrer les sommes éventuellement dues par la société Almerys à l'établissement. " ;
8. Considérant, d'une part, qu'il résulte des stipulations précitées de la convention du 22 février 2008, que le remboursement par la société Almerys au centre hospitalier universitaire de Grenoble des dépenses relevant de l'assurance maladie complémentaire soumises au mécanisme du tiers payant ne présente pas un caractère général mais est soumis à un certain nombre de conditions ; que, d'autre part, il appartient, en principe, à l'émetteur d'un titre exécutoire d'apporter les justifications de nature à établir le bien-fondé dudit titre ; qu'ainsi, c'est, en principe, au centre hospitalier universitaire de Grenoble d'apporter des éléments permettant de démontrer que la société Almerys était effectivement redevable des créances dont le paiement lui a été réclamé par l'opposition à tiers détenteur contesté ; que, toutefois, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ;
9. Considérant, qu'en l'espèce, le centre hospitalier universitaire de Grenoble se borne dans son mémoire en défense produit en appel à énoncer que " les créances encore contestées par la société Almerys sont fondées en l'absence d'éléments pertinents de nature à établir le contraire " et n'apporte aucun élément de nature à établir le bien-fondé des créances dont il réclame le paiement alors qu'en vertu des stipulations de la convention précitées, il disposait des informations permettant d'en justifier ; que, s'agissant de la société Almerys, elle apporte en appel, pour chaque titre exécutoire en litige, des éléments précis permettant de justifier pour quelle raison elle estime ne pas être redevable des sommes qui lui sont réclamées ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment aux éléments produits et aux conditions posées par la convention de délégation de paiement dite " tiers payant " du 22 février 2008, l'existence des créances demeurant ...;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête de la société Almerys ; que, par suite, la société requérante doit être déchargée de l'obligation de payer la somme de 3 530,13 euros, sans qu'il y ait lieu d'annuler la décision implicite de rejet de son recours gracieux, la cour statuant en cette matière en tant que juge de plein contentieux ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
11. Considérant que l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la somme de 3 530,13 euros prélevée en exécution de l'opposition à tiers détenteur du 3 février 2014 soit restituée à la société Almerys ; qu'il résulte de l'instruction que cette somme a été saisie sur le compte bancaire de la société Almerys en exécution dudit acte ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au directeur du centre hospitalier universitaire de Grenoble, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de restituer à la société Almerys la somme de 3 530,13 euros dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susvisées présentées par la société Almerys ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Almerys, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le centre hospitalier universitaire de Grenoble au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement de tribunal administratif de Grenoble du 29 mars 2016 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société Almerys aux fins de décharge de l'obligation de payer la somme de 3 530,13 euros.
Article 2 : La société Almerys est déchargée de l'obligation de payer la somme de 3 530,13 euros.
Article 3 : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier universitaire de Grenoble de restituer à la société Almerys la somme de 3 530,13 euros dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Almerys est rejeté.
Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Grenoble tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Almerys, au centre hospitalier universitaire de Grenoble et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Carrier, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mai 2018.
N° 16LY01824 2