Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2017, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 octobre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 avril 2017 du préfet de l'Isère ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt et, à défaut, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est âgé de 20 ans, qu'il est arrivé en France à l'âge de 17 ans et a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance et est, depuis sa majorité, pris en charge par l'AREPI dans le cadre d'un accompagnement jeune adulte (AJA) ; il a signé un contrat d'AJA le 14 octobre 2015 qui a été renouvelé et a débuté un CAP en alternance ; il est inscrit à l'IMT de Grenoble jusqu'en septembre 2018 et a trouvé un employeur pour son contrat d'apprentissage ; son employeur a fait les démarches nécessaires auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et il a perçu des salaires ; il a tissé des liens amicaux en France et poursuit son parcours scolaire et universitaire ; la seule présence en Algérie de sa mère et de ses frères alors qu'il n'a plus de relation avec eux ne saurait suffire à établir qu'il a maintenu une vie privée en Algérie ;
- son manque d'investissement dans sa scolarité en CAP plasturgie s'explique par l'absence de possibilité de s'inscrire en CAP plomberie faute d'avoir trouvé un contrat en alternance ; le manque de rigueur reproché par le tribunal dans le suivi de sa scolarité devait être mis en balance avec son jeune âge et son isolement en France ;
- les décisions l'empêchent de poursuivre sa formation professionnelle en plomberie à laquelle il n'a pas renoncé ;
- l'obligation de quitter le territoire est illégale en raison de l'illégalité affectant le refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- c'est à tort que le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du titre III de l'accord franco-algérien dès lors qu'il justifiait suivre des études en CAP, d'un contrat d'apprentissage valable jusqu'en juillet 2018 et de moyens d'existence suffisants ; le préfet a commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner les autres éléments fondant sa demande en ne prenant en considération que l'absence de visa de long séjour ; il a méconnu l'étendue de son pouvoir de régularisation ;
- le préfet a commis une erreur de droit en rejetant sa demande sur le fondement de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il est de nationalité algérienne ;
Par une décision du 17 avril 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M.B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Caraës.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant algérien né le 16 juillet 1997, est entré en France le 6 août 2014 sous couvert d'un visa de court séjour. Par jugement du 3 novembre 2014, il a été confié en tant que mineur isolé au service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Isère. Le 3 avril 2015, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du titre III de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par arrêté du 6 avril 2017, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B...relève appel du jugement du 17 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. B...fait valoir qu'il est entré en France à l'âge de 17 ans et qu'il a fait l'objet, en sa qualité de mineur isolé, d'un placement auprès du service de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Isère par jugement du 3 novembre 2014. Durant l'année scolaire 2015-2016, il a été scolarisé au lycée Vaucanson en première année de certificat d'aptitude professionnelle (CAP) " plasturgie " faute d'avoir pu s'orienter vers un CAP " plomberie " en l'absence de contrat d'alternance. Pour l'année scolaire 2016-2017, il s'est inscrit en CAP " vente " à l'institut des métiers et des techniques et a conclu un contrat d'apprentissage. Cependant, lors de son CAP " vente ", les absences non justifiées de M. B...se sont élevées à 37 heures pour le premier semestre et ne permettent pas de justifier d'une intégration sociale et professionnelle particulière. Par ailleurs, l'intéressé est célibataire et sans charge de famille sur le territoire français. Il n'établit pas être dépourvu de tout lien ou de toute attache dans son pays d'origine dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de dix-sept ans et où résident sa mère et ses frères avec lesquels il se borne à alléguer n'avoir plus de lien. Dès lors, au regard des conditions de son séjour en France et de sa durée, la décision de refus de titre de séjour en litige ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par la mesure. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa situation doivent être écartés.
4. Aux termes du titre III du protocole en date du 22 décembre 1985 annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (...) reçoivent, sur présentation soit d'une attestation de préinscription ou d'inscription dans un établissement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention " étudiant " ou " stagiaire " et aux termes de l'article 9 § 2 du même accord : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) (a à d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ".
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... remplissait, à la date de la décision en litige, les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour en qualité d'étudiant sur le fondement des stipulations précitées du titre III du protocole en date du 22 décembre 1985 annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dont la délivrance est soumise, en particulier, aux termes de l'article 9 de l'accord franco-algérien, à la justification d'un visa de long séjour. Dès lors, le préfet a pu à bon droit, pour ce seul motif et sans erreur de droit, refuser de délivrer au requérant le titre de séjour sollicité. Ce refus ne révèle pas davantage un défaut d'examen particulier de la demande présentée par le requérant.
6. L'arrêté attaqué indique qu' " une mesure dérogatoire n'a pas paru justifiée ". Ainsi le préfet a bien examiné la possibilité de faire usage de son pouvoir de régularisation. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet se serait borné à retenir l'absence de visa de long séjour et aurait méconnu l'étendue du pouvoir de régularisation dont il dispose.
7. Si le requérant fait encore valoir que ces décisions ne lui permettent pas de poursuivre une formation professionnelle en plomberie, il n'établit pas qu'il aurait entrepris des démarches en vue de s'inscrire dans une telle formation.
8. Aux termes de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Peut être exempté, sur décision du préfet, de l'obligation de présentation du visa de long séjour prescrite au 3° de l'article R.°313-1 : 1° L'étranger qui suit en France un enseignement ou y fait des études, en cas de nécessité liée au déroulement des études. Sauf cas particulier, l'étranger doit justifier avoir accompli quatre années d'études supérieures et être titulaire d'un diplôme, titre ou certificat au moins équivalent à celui d'un deuxième cycle universitaire ou d'un titre d'ingénieur. Il est tenu compte des motifs pour lesquels le visa de long séjour ne peut être présenté à l'appui de la demande de titre de séjour, du niveau de formation de l'intéressé, ainsi que des conséquences que présenterait un refus de séjour pour la suite de ses études ; (...) ".
9. Si le préfet de l'Isère ne pouvait appliquer à la situation de M. B...les dispositions de l'article R. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'accord franco-algérien régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il ressort de l'arrêté critiqué que le préfet de l'Isère s'est borné à indiquer que l'intéressé ne présentait aucun élément établissant qu'il pourrait bénéficier des dispositions de l'article précité. En tout état de cause il ressort des pièces du dossier et notamment des motifs de l'arrêté que le préfet, qui a indiqué que l'accord franco-algérien régit entièrement le droit à séjourner en France des ressortissants algériens, aurait pris la même décision s'il s'était fondé exclusivement sur les stipulations de cet accord.
10. M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français pris à son encontre.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de délivrance d'un titre de séjour, de l'obligation de quitter le territoire français pris à son encontre et de la décision fixant le pays de destination. Les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 16 mai 2019.
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N° 17LY03913