Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 septembre 2017, M.B..., représenté par la SCP Couderc-Zouine, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 juin 2017 ;
2°) d'annuler la décision du préfet du Rhône du 12 juin 2014 et la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation de regroupement familial en faveur de son épouse et de ses trois enfants dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le préfet a estimé qu'il ne justifiait pas de revenus suffisants au sens de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- c'est à tort que le préfet a estimé qu'il ne disposait pas d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision attaquée méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision de regroupement familial attaquée en tant qu'elle concerne MmeB..., dès lors que, postérieurement à l'enregistrement de la requête, cette dernière a obtenu un titre de séjour d'un an qui a des effets équivalents à celui qu'elle aurait obtenu à la suite du regroupement familial ;
Par un mémoire enregistré le 23 mars 2018, le préfet du Rhône fait valoir que le litige est devenu sans objet Mme B...étant titulaire d'un titre de séjour valable du 5 février 2017 au 4 février 2018 renouvelé le 5 février 2018 pour un an ;
Par un mémoire enregistré le 3 avril 2018, M. B...soutient que l'obtention d'un titre de séjour par Mme B...ne rend pas sans objet sa demande ;
Il soutient que Mme B...s'est maintenue en situation irrégulière de juin 2014 à février 2017 ; la légalité de la décision attaquée a une influence sur d'éventuelles conclusions indemnitaires ;
Par une décision du 22 août 2017, M. B...a été admis au titre de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 alors en vigueur ;
- la loi n° 91-647du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Carrier,
- et les observations de Me Zouine, avocat de M.B....
1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien, titulaire d'un titre de séjour d'une durée d'un an, réside en France avec son épouse et deux de ses enfants mineurs nés respectivement en 2010 et 2012 ; que, le 28 novembre 2013, il a présenté, une demande de regroupement familial en faveur de son épouse afin de régulariser sa situation administrative et en faveur de ses trois fils résidant en Algérie nés respectivement en 1995, 1997 et 2000 ; que, par décision du 12 juin 2014, confirmée implicitement à la suite du recours gracieux présenté le 16 juillet 2014, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à cette demande pour les motifs tirés, d'une part, de ce que les ressources de M.B..., inférieures au SMIC, étaient insuffisantes et, d'autre part, de ce que le logement était composé de deux chambres et, du fait de cette composition, n'était pas adapté pour héberger le couple et ses cinq enfants ; que, par jugement du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation des décisions susmentionnées ; que par sa requête, M. B...interjette appel de ce jugement ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
S'agissant du refus de regroupement familial opposé à MmeB... :
2. Considérant que, postérieurement à l'enregistrement de la requête, Mme B...a obtenu un titre de séjour qui a des effets équivalents à celui qu'elle aurait obtenu en l'absence du refus de regroupement familial attaqué ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions tendant à l'annulation du refus de regroupement familial en tant qu'il concerne Mme B... sont devenues sans objet ;
S'agissant du refus de regroupement familial opposé aux enfants de M.B... :
3. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet en adoptant les décisions attaquées n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé alors qu'il ressort notamment des termes de la décision du 12 juillet 2014 que le préfet s'est interrogé sur l'opportunité d'accorder ou non une mesure dérogatoire de regroupement familial ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants: / 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance. / Le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. Peut être exclu de regroupement familial : / 1 - un membre de la famille atteint d'une maladie inscrite au règlement sanitaire international ;/ 2 - un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français (...) " ; qu'aux termes du titre II du protocole annexé à cet accord : " (...) Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) " ; qu'il résulte de la combinaison des stipulations précitées et des dispositions des articles R. 411-4 et R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui sont compatibles, que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des fiches de salaires, des relevés d'allocations chômage et de l'attestation d'indemnités journalières produits, que les ressources perçues par M. B...au cours de la période de douze mois précédant la demande de regroupement familial, étaient légèrement supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; que, par suite, c'est à tort que le préfet a estimé que les ressources de M. B... n'étaient pas suffisantes au sens des stipulations précitées ;
6. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du document intitulé " enquête logement " que le requérant occupait, à la date de la décision attaquée, un logement d'une superficie de 80 m² composé d'une cuisine de 28 m², d'un séjour/salon de 14 m² et de deux chambres à coucher de 10 et 11 m² ; que M.B... est père d'une fille née en 2012 et de quatre garçons dont les années de naissance s'échelonnent de 1995 à 2010 ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, et en admettant même, au vu des photos produites, que la superficie de la pièce de vie soit en réalité de 28 m² et celle de la cuisine de 14 m² et que, comme le fait valoir le requérant, le séjour /salon puisse également être utilisé comme chambre, le logement susmentionné, eu égard à sa configuration et compte tenu du nombre et de l'âge des enfants ainsi que de la composition de la fratrie, ne peut être considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France ; que, par suite, le préfet pouvait pour ce motif refuser le regroupement familial sollicité en faveur des trois enfants de M. B...résidant en Algérie ; que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce motif ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance..." ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) " ;
8. Considérant que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour développer une vie privée et familiale ; qu'en outre, pour apprécier l'atteinte à la vie privée et familiale, il y a lieu de prendre en considération la durée et l'intensité des liens familiaux dont la personne se prévaut ; qu'en l'espèce, il est constant que les époux B...ont quitté depuis plusieurs années l'Algérie en laissant leurs trois enfants aînés dans leur pays d'origine ; qu'en outre, eu égard à la nationalité commune de l'ensemble des membres de la familleB..., rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer régulièrement en Algérie ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le préfet en refusant de faire droit à la demande de regroupement familial présentée par M. B...en faveur de ses trois enfants aînés, n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel ladite décision a été prise ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ; que, dans les circonstances susrappelées, il n'est pas davantage établi que le préfet aurait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ou commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle et familiale ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Lyon a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande ; que les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par M. B...doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête aux fins d'annulation de la décision de refus de regroupement familial opposée à MmeB....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Carrier, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 mai 2018.
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N° 17LY03478