2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.
Par un jugement n° 1503022 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2015, Mme D...demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2015 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du préfet de l'Isère du 31 décembre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ce jugement est irrégulier car le tribunal a statué compte tenu d'un mémoire enregistré avant la clôture de l'instruction, qui ne lui a pas été communiqué, et qu'elle n'a pas pu répliquer, en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure ;
- ce jugement est irrégulier car insuffisamment motivé ;
En ce qui concerne le refus de titre :
- le préfet a commis une erreur de droit en n'examinant pas tous les fondements de sa demande qui avait été présentée non seulement au regard de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien, mais aussi au regard de l'article 7 bis en tant qu'ascendant à charge de Français ou de conjoint de Français, son fils étant marié à une Française et ils ont 3 enfants ;
- la décision en litige porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car si elle est mariée en Algérie, elle est séparée de son époux et y serait complètement isolée, n'ayant ni logement, ni ressource, ayant été hébergée pendant 20 ans par sa soeur de 80 ans désormais malade et qui ne peut plus l'héberger, elle n'a plus de liens avec ses autres enfants et n'a des liens qu'avec son fils qui vit en France;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
- bien qu'elle n'ait pas demandé un titre de séjour sur le fondement de son état de santé, elle peut se prévaloir à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire des dispositions de l'article L. 511-4-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son état de santé l'empêchant de retourner en Algérie comme mentionné dans le certificat médical du 23 mars 2015 qu'elle a produit ;
- la décision en litige porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard notamment à ce certificat médical ;
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2015, du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
En application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative, le rapporteur public a, sur sa proposition, été dispensé d'exposer ses conclusions à l'audience ;
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Cottier, premier conseiller.
1. Considérant que Mme A...D..., ressortissante algérienne née le 18 mai 1941, est entrée en France le 11 décembre 2013 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa court séjour valable 90 jours ; qu'elle a sollicité par comparution personnelle le 27 février 2014 la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que par décisions du 31 décembre 2014, le préfet de l'Isère lui a refusé un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que le tribunal administratif de Grenoble, par jugement du 9 juillet 2015, a rejeté la demande de Mme D...tendant à l'annulation de ces décisions du 31 décembre 2014 ; que Mme D...fait appel de ce jugement du 9 juillet 2015 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ; qu'il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité ; qu'il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de premier instance que le premier mémoire en défense produit par le préfet de l'Isère, le 19 juin 2015, n'a pas été communiqué à Mme D...en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ; que cette méconnaissance ne saurait, eu égard aux motifs retenus par le tribunal notamment sur l'incompétence du signataire et sur sa vie privée et familiale, être regardée comme étant demeurée sans influence sur l'issue du litige ; que Mme D... est, par suite, fondée à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Sur la légalité de la décision portant refus d'un titre de séjour :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien susvisé : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour (...) b) (...) aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge " ;
6. Considérant, en premier lieu, que MmeD..., qui a sollicité, le 27 février 2014 dans le cadre d'une comparution personnelle auprès des services de la préfecture de l'Isère, un certificat de résidence sur le fondement du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, n'établit pas avoir également demandé un titre sur le fondement de l'article 7 bis du même accord en tant qu'ascendante à charge d'un ressortissant français et de son conjoint ; que la copie d'une lettre datée du 14 février 2014, au demeurant dépourvue de trace probante d'expédition ou de réception, de son fils algérien résidant en France, et la lettre du 7 novembre 2014 de sa belle-fille de nationalité française, qui n'évoquent pas un tel fondement, ne sauraient valoir demande sur un tel fondement ; que les attestations du 13 février 2015 de son fils résidant en France et de sa belle-fille, postérieures à la décision en litige, et relatives à des voyages réguliers tous les deux ou trois mois de son fils en Algérie pour verser à sa mère en liquide l'équivalent de 200 euros depuis vingt ans, ne sauraient en tout état de cause établir l'existence d'une demande de titre de séjour sur le fondement du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien antérieurement à la décision en litige ; que le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commis à cet égard le préfet en examinant pas sa demande sur ce fondement doit être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
8. Considérant que la requérante fait valoir qu'elle est séparée de son époux depuis plus de vingt ans, qu'elle est sans ressources personnelles propres et a été hébergée depuis lors par sa soeur âgée aujourd'hui de 80 ans et désormais malade qui ne peut plus l'accueillir, qu'elle est complètement isolée en Algérie, n'a pas de lien avec ses autres enfants et n'a de liens qu'avec son fils qui vit en France avec son épouse de nationalité française et leurs trois enfants ; que toutefois, aussi bien en première instance qu'en appel, l'absence de tout lien avec ses sept autres enfants et leurs familles vivant en Algérie ne peut être regardée comme démontrée, alors qu'elle ne conteste pas que ces derniers y résident toujours ; que, de même, elle ne produit aucun élément probant relatif à sa séparation avec son mari et à sa situation financière ; que MmeD..., qui est arrivée en France le 11 décembre 2013 à l'âge de 72 ans, a vécu l'essentiel de sa vie en Algérie, pays où elle conserve des fortes attaches familiales et sociales en la présence de sept enfants et de son mari ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la courte durée de séjour en France de la requérante, d'un an à la date de la décision en litige, la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
9. Considérant que pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de l'intéressée ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :
10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...)" ;
11. Considérant que le 31 décembre 2014, MmeD..., à qui le préfet de l'Isère avait refusé un titre de séjour, se trouvait dans le cas prévu par ces dispositions, dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
12. Considérant en deuxième lieu, qu'eu égard à ce qui a été exposé précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
13. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) "
14. Considérant que, MmeD..., qui reconnaît n'avoir pas demandé de titre de séjour au regard de difficultés de santé, se borne à produire en première instance et en appel un certificat médical du 23 mars 2015, au demeurant postérieur à la décision en litige, rédigé de manière très approximative et peu circonstanciée, faisant état d'un syndrôme anxio-dépressif dont elle serait atteinte sans autre précision sur la gravité de celui-ci et sans mention d'un quelconque traitement médical suivi ou à mettre en place ; que par suite un tel certificat médical ne saurait établir que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dès lors, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle pourrait comporter pour sa situation personnelle ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 31 décembre 2014 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus des conclusions de Mme D...présentées en appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D...et au ministre de l'intérieur. Il en sera adressé copie au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
M.Seillet, président,
M. B...et Mme Cottier, premiers conseillers.
Lu en audience publique le 18 février 2016.
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N° 15LY02519 6