Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 mars 2017, MmeD..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 30 janvier 2017 du président du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 août 2016 par lequel le président du conseil départemental de la Savoie a mis fin à sa prise en charge provisoire au titre de l'aide sociale à l'enfance, décidée par arrêté du 22 août 2016 ;
3°) d'enjoindre au président du conseil départemental de la Savoie de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner le département de la Savoie à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
5°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge du département de la Savoie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant son recours irrecevable dès lors que l'article L. 222-1 du code de l'action sociale et des familles prévoit que les prestations d'aide sociale à l'enfance sont accordées par décision du président du conseil départemental sans préjudice des pouvoirs reconnus à l'autorité judiciaire ; l'existence d'une autre voie de recours devant le juge pour enfants ne rend pas irrecevable le recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté ;
Par un mémoire, enregistré le 19 septembre 2017, le département de la Savoie, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le recours est irrecevable dès lors qu'en cas de contestation relative à l'admission d'un mineur à l'aide sociale à l'enfance, le contentieux relève du seul juge judiciaire ; le Conseil d'Etat a déjà considéré que l'existence de cette voie de recours par laquelle un mineur peut obtenir du juge qu'il ordonne son admission à l'aide sociale à l'enfance rend irrecevable le recours pour excès de pouvoir porté devant le juge administratif ; cela est d'autant moins contestable que le juge judiciaire a retenu sa compétence pour connaître de la demande d'admission à l'aide sociale à l'enfance présentée par l'intéressée ;
- à défaut, un non-lieu à statuer devra être prononcé dès lors que la décision a été rapportée puisque le conseil départemental a effectivement pris en charge l'intéressée à la suite du jugement du tribunal des enfants du 8 février 2017 ;
- les investigations réalisées par les services du département et la police aux frontières ont clairement établi que Mme D...n'était pas mineure au moment des faits ; la cour d'appel de Chambéry a jugé qu'il n'y avait pas lieu à mesure d'assistance éducative compte tenu de sa majorité.
- la demande de dommages et intérêts est irrecevable faute de liaison préalable du contentieux et il n'a commis aucune faute en mettant fin à la prise en charge provisoire d'une personne majeure.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., née selon ses dires le 18 février 2000 en République démocratique du Congo, a sollicité le 22 août 2016 sa prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance. Par arrêté du 22 août 2016, le président du conseil départemental de la Savoie l'a admise provisoirement à l'aide sociale à l'enfance sur le fondement des dispositions de l'article L. 223-2 du code de l'action sociale et des familles et elle a été orientée vers une famille d'accueil. A la suite des investigations diligentées par le département, le président a, par arrêté du 25 août 2016, mis fin à la prise en charge de Mme D...au motif qu'elle n'établissait pas sa minorité. Il doit ainsi être regardé comme ayant refusé de saisir l'autorité judiciaire à l'issue de l'évaluation prévue par l'article R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles. Par une ordonnance du 30 janvier 2017, le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ainsi que ses demandes accessoires. Par la présente requête, Mme D...relève appel de cette ordonnance.
2. Aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative, issu du décret n° 2019-82 du 7 février 2019, " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ou pour rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance. ".
3. Aux termes de l'article L. 223-2 du code de l'action sociale et des familles, " sauf si un enfant est confié au service par décision judiciaire ou s'il s'agit de prestations en espèces, aucune décision sur le principe ou les modalités de l'admission dans le service de l'aide sociale à l'enfance ne peut être prise sans l'accord écrit des représentants légaux ou du représentant légal du mineur ou du bénéficiaire lui-même s'il est mineur émancipé. / En cas d'urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l'impossibilité de donner son accord, l'enfant est recueilli provisoirement par le service qui en avise immédiatement le procureur de la République. (...) Si, dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, l'enfant n'a pas pu être remis à sa famille ou le représentant légal n'a pas pu ou a refusé de donner son accord dans un délai de cinq jours, le service saisit également l'autorité judiciaire en vue de l'application de l'article 375-5 du code civil. (...) ". L'article 375-5 du code civil dispose que dans cette situation, le procureur de la République ou le juge des enfants auquel la situation d'un mineur isolé a été signalée décide de l'orientation du mineur concerné, laquelle peut consister en application de l'article 375-3 du même code en son admission à l'aide sociale à l'enfance. Si, en revanche, le département qui a recueilli la personne refuse de saisir l'autorité judiciaire, notamment parce qu'il estime que cette personne a atteint la majorité, cette personne peut saisir elle-même le juge des enfants en application de l'article 375 du code civil afin qu'il soit décidé de son orientation.
4. Aux termes de l'article R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles, qui définit la procédure applicable pour la mise en oeuvre de l'article L. 223-2 cité ci-dessus, " I.-Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d'urgence d'une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 223-2. / II.-Au cours de la période d'accueil provisoire d'urgence, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d'évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement. (...) IV.-Au terme du délai mentionné au I, ou avant l'expiration de ce délai si l'évaluation a été conduite avant son terme, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu du quatrième alinéa de l'article L. 223-2 et du second alinéa de l'article 375-5 du code civil. En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I se prolonge tant que n'intervient pas une décision de l'autorité judiciaire. / S'il estime que la situation de la personne mentionnée au présent article ne justifie pas la saisine de l'autorité judiciaire, il notifie à cette personne une décision de refus de prise en charge (...). En ce cas, l'accueil provisoire d'urgence mentionné au I prend fin ".
5. Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, le département refuse de saisir l'autorité judiciaire à l'issue de l'évaluation mentionnée au point précédent, l'existence d'une voie de recours devant le juge des enfants par laquelle le mineur peut obtenir son admission à l'aide sociale rend irrecevable le recours formé devant le juge administratif contre la décision du département. Par suite, en opposant pour ce motif à MmeD..., laquelle d'ailleurs avait saisi le juge des enfants le 30 septembre 2016, l'irrecevabilité de sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 25 août 2016 ainsi que de ses demandes accessoires, le président du tribunal administratif de Grenoble n'a pas commis d'erreur de droit.
6. Il en va de même des conclusions tendant à la condamnation du département au paiement de dommages et intérêts dès lors que Mme D...n'a pas formé, préalablement à son recours juridictionnel, une réclamation indemnitaire préalable auprès du département de la Savoie.
7. Il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté le recours de Mme D...comme entaché d'une irrecevabilité manifeste. Par suite, il y a lieu de rejeter la requête de Mme D...dans toutes ses conclusions, y compris celles tendant à ce que soient mis à la charge du département de la Savoie les frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D...et au département de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller.
Lu en audience publique le 23 mai 2019.
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N° 17LY01366