Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 22 août 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 février 2018, M. D...et MmeF..., représentés par MeE..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 juin 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de condamner le département de l'Isère à verser à M. D...la somme de 1 674,40 euros et à Mme F...la somme de 1 196 euros, sommes assorties des intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 6 février 2015, en réparation des préjudices occasionnés par le sectionnement du tuyau alimentant leurs propriétés en eau de source ;
3°) de condamner le département de l'Isère à leur verser la somme de 1 000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
4°) de mettre à la charge du département de l'Isère la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête relève de la cour administrative d'appel dès lors qu'il s'agit d'une procédure tendant à analyser la responsabilité d'une collectivité ;
- les rapports d'expertise sont clairs et permettent d'établir que le sinistre a été provoqué directement par l'intervention du département ;
- la chaussée n'est pas communale mais départementale et est entretenue par le département ; peu importe la personne morale pour le compte de laquelle les travaux ont été effectués ;
- si la ville de Theys est chargée de l'entretien, du nettoyage et des travaux de surface de la chaussée, la ville n'est pas responsable de la conception de la structure de l'ouvrage ; c'est au nom et pour le compte du département que la ville a engagé les travaux en cause ; ils versent au débat une attestation de la ville qui met fin à tout ambiguïté ;
- les travaux devaient être réalisés sans rompre les canalisations existantes ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les travaux ont été réalisés sans autorisation d'occupation du domaine public ; l'entreprise qui a réalisé les ouvrages bénéficiait d'une autorisation.
Par un mémoire enregistré le 30 janvier 2018, le département de l'Isère, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. D...et de Mme F...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en application des dispositions des articles R. 811-1 et R. 222-14 du code de justice administrative, le tribunal administratif de Grenoble statue en premier et dernier ressort compte tenu de ce que les demandes indemnitaires sont inférieures à 10 000 euros ;
- la preuve de la matérialité des faits n'est pas établie ; les conclusions de l'expertise réalisée à la demande des requérants sont contestables dès lors que l'expertise a eu lieu après les travaux et que l'auteur de l'expertise n'a rien constaté ; il n'est pas établi que la réparation serait la cause du dysfonctionnement de la canalisation ;
- les travaux n'ont pas été réalisés sous la maitrise d'ouvrage du département mais sous celle de la commune ; en application de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales, le maire exerce la police de la circulation en agglomération notamment sur les routes départementales ; l'aménagement des trottoirs y compris ceux longeant une voie départementale entre bien dans le cadre des pouvoirs de police du maire ;
- les requérants ne justifient d'aucune autorisation d'occupation du domaine public de sorte que la canalisation sous le domaine public a été mise en place sans droit ni titre ; en l'absence d'autorisation, il ne saurait lui être reproché d'avoir endommagé un ouvrage illégalement implanté à l'occasion de travaux réalisés sur le domaine public ; l'attestation de l'entreprise Rolando du 9 août 2017 ne saurait suffire à démontrer l'existence d'une autorisation délivrée aux propriétaires de l'ouvrage dès lors que cette autorisation n'est pas produite et le document se borne à évoquer une canalisation de l'association des eaux de Vincents et non un ouvrage appartenant aux requérants ;
- en tout état de cause, la demande indemnitaire au titre d'une supposée résistance abusive n'est pas justifiée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...et MmeF..., propriétaire chacun d'une maison située au lieudit " Les Vincents " sur le territoire de la commune de Theys (département de l'Isère), bénéficient d'un droit d'eau en provenance d'une source acheminée par une canalisation passant sous la route départementale. Au cours de l'été 2012 l'alimentation des habitations en eau de source a été interrompue du fait du bouchage de la portion de la conduite sous la chaussée. Les requérants imputent ce désordre aux travaux d'enfouissement d'un collecteur d'eau pluviale sous la route départementale effectués dans les années 1990 et qui auraient provoqué le sectionnement et le rétrécissement du tuyau alimentant en eau de source les propriétés. M. D... et Mme F... relèvent appel du jugement du 22 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande indemnitaire dirigée contre le département de l'Isère dont ils recherchent la responsabilité en raison des travaux en cause.
2. Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative " (...) le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) 8° Sauf en matière de contrat de la commande publique sur toute action indemnitaire ne relevant pas des dispositions précédentes, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15. (...) ". L'article R. 222-14 du même code fait référence " aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros " et l'article R. 222-15 dispose que : " Ce montant est déterminé par la valeur totale des sommes demandées dans la requête introductive d'instance. Les demandes d'intérêts et celles qui sont présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 sont sans effet sur la détermination de ce montant. Le magistrat n'est compétent pour statuer en application du 10° de l'article R. 222-13 que si aucune demande accessoire, incidente ou reconventionnelle n'est supérieure au taux de sa compétence. Lorsque des indemnités sont demandées, dans une même requête, par plusieurs demandeurs ou contre plusieurs défendeurs, la compétence de ce magistrat est déterminée par la plus élevée d'entre elles. ".
3. Aux termes de l'article R. 351-2 du code de justice administrative : " Lorsqu'une cour administrative d'appel ou un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'État, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'État qui poursuit l'instruction de l'affaire.(...) ". Ces dispositions n'interdisent pas à la cour administrative d'appel qui s'estime incompétemment saisie de transmettre le dossier au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat par un arrêt motivé.
4. Tant la demande indemnitaire formée par M. D... que celle formée par Mme F... dans leur requête introduite devant le tribunal administratif portent sur un montant inférieur à celui déterminé par les dispositions des articles R. 222-14 et R. 222-15 du code de justice administrative et n'ont pas trait à un contrat de la commande publique. Dès lors, les dispositions du 8° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative sont applicables au présent litige qui présente la nature d'une action indemnitaire n'entrant pas dans le champ des 1° à 7°du même article. Par suite, les conclusions des requérants dirigées contre ce jugement ont le caractère d'un pourvoi en cassation qui relève de la compétence du Conseil d'Etat. Il y a ainsi lieu, pour la cour, de transmettre le dossier de la requête au Conseil d'Etat.
DECIDE :
Article 1er : Le dossier de la requête de M. D...et Mme F...est transmis au Conseil d'Etat.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à MmeA... F... et au département de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Caraës, premier conseiller,
Lu en audience publique le 23 mai 2019.
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N° 17LY03224