2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer ledit document dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par jugement n° 1601687 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 juin 2018, MmeD..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 mai 2018;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 23 mars 2015 portant refus de délivrance d'un document de circulation pour étranger mineur à l'enfant HibaD... ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer ledit document dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à charge pour son conseil de renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer, d'une part, sur le moyen tiré du défaut de motivation notamment en droit de la décision préfectorale et ne l'ont pas visé dans le jugement et, d'autre part, sur le moyen tiré du défaut d'examen effectif et particulier de sa situation et de celle de l'enfant et ne l'ont pas visé dans le jugement ;
- l'auteur de cette décision, MmeC..., était incompétente pour prendre et signer une telle décision ;
- cette décision est insuffisamment motivée car ne mentionnant notamment pas l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet a commis une erreur de droit en ne procédant pas l'examen de la demande au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant et des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; il y avait lieu de tenir compte de l'intérêt pour l'enfant de se rendre hors de France et d'y revenir sans être obligée de présenter un visa ;
- le préfet a commis une erreur de droit en ne procédant pas à l'examen de la demande au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle empêche l'enfant Hiba de participer avec elle à certains événements familiaux en Algérie et de voyager hors de l'espace Schengen ; le refus de délivrance d'un tel document induit la nécessité de demander un visa auprès des autorités consulaires françaises en Algérie, procédure qui peut être longue ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'Hiba alors âgée de 3 ans n'a pas pu se rendre à certains événements familiaux en Algérie, dont le mariage de la soeur de MmeD..., et a ainsi été séparée pendant quelques jours de Mme D...qui s'est rendue en Algérie pour y participer ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 10 paragraphe 2 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'elle l'empêche de voyager librement, de quitter la France et de revenir en France avec MmeD... ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 2-2 du protocole n°4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales lequel prévoit la possibilité de quitter n'importe quel pays dès lors qu'elle oblige Hiba à présenter un visa pour revenir en France, ce qui reste une procédure longue et aléatoire et fait obstacle à la liberté de circulation d'Hiba;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales interdisant les discriminations dès lors qu'Hiba en tant qu'enfant recueillie par voie de kafala ne dispose pas des mêmes droits que les autres enfants mineurs étrangers ;
Par mémoire enregistré le 28 décembre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu à sa fin de non-recevoir ;
- à la date de la décision en litige, l'enfant Hiba ne remplit pas les critères de l'article 10 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la délivrance d'un document de circulation pour étranger mineur ;
- cette décision ne méconnaît ni l'intérêt supérieur de l'enfant, ni le droit au respect de la vie privée et familiale de MmeD... ; en l'espèce, à la date de la décision en litige, Hiba avait deux ans et Mme D...pouvait solliciter un visa approprié pour l'enfant ; la délivrance d'un visa pour famille de français n'intervient pas au terme d'une procédure lourde et aléatoire ; aucune discrimination n'existe et il ne faut encourager ni les détournements de procédure d'adoption et d'émigration ni l'instrumentalisation des enfants ; l'intérêt supérieur de l'enfant impose que les Etats fixent des règles pour éviter que les enfants ne soient instrumentalisés par les adultes ;
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole n°4;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 23 mai 2019 :
- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;
- et les observations de Me Pinhel, avocate pour Mme D...et celles de Mme D....
Une note en délibéré a été enregistrée le 23 mai 2019 pour MmeD....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...D..., ressortissante franco-algérienne, a demandé la délivrance d'un document de circulation pour étranger mineur au profit de l'enfant HibaD..., de nationalité algérienne, née le 4 août 2013 de parents inconnus et recueillie en vertu d'un acte de kafala judiciaire rendu par le Tribunal d'Annaba le 17 septembre 2013. Par une décision du 23 septembre 2015, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à sa demande. Mme D...relève appel du jugement du 2 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Dans son mémoire enregistré sur l'application Télérecours le 28 mars 2018, Mme D... a soulevé les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'absence d'examen effectif par le préfet de sa situation personnelle et de l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Le tribunal administratif de Lyon n'a pas répondu à ces moyens, qui n'étaient pas inopérants, et a ainsi entaché son jugement d'une omission à statuer. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B...D...devant le tribunal administratif de Lyon.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Le préfet du Rhône soutient que la demande à fin d'annulation de la décision du 23 septembre 2015 a été déposée par le conseil de Mme D...le 3 mars 2016 à 12H22 sur l'application Télerecours, soit après l'expiration du délai de recours contentieux et est par suite irrecevable. Mme D...oppose que la décision du bureau d'aide juridictionnelle lui accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et désignant Me A...comme avocate pour l'assister, datée du 30 octobre 2015, lui a été notifiée le 6 novembre 2015 et que cette décision du bureau d'aide juridictionnelle n'étant devenue définitive qu'à l'expiration d'un délai de deux mois, sa demande déposée le 3 mars 2016 était recevable.
4. Lorsque le demandeur de première instance a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, seuls le ministère public ou le bâtonnier ont vocation à contester, le cas échéant, cette décision, qui devient ainsi définitive, en l'absence de recours de leur part, à l'issue d'un délai de deux mois. Toutefois, en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, les dispositions précitées de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 selon lesquelles le délai de recours contentieux recommence à courir soit à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle devient définitive, soit, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice, ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée.
5. Eu égard au fait que les recours ouverts par l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 pour contester les décisions des bureaux d'aide juridictionnelle n'ont pas un caractère juridictionnel et qu'ils concernent, d'ailleurs, également l'octroi de l'aide juridictionnelle devant les juridictions judiciaires, pour lesquelles les articles 640 et suivants du code de procédure civile prévoient que de tels délais ne sont pas francs, ces délais de recours ne sont pas des délais francs.
6. En cas de décision d'admission ou de rejet du bureau d'aide juridictionnelle, le délai recommence à courir le jour où cette décision devient définitive, c'est-à-dire le jour où il n'est plus possible d'exercer contre elle l'un des recours prévus à l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 dans les délais prévus à l'article 56 du décret du 19 décembre 1991 ou, si un tel recours est exercé, le jour où il est statué sur ce recours.
7. Le troisième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 dispose que : " (...) Dans tous les cas, ces recours [contre les décisions du bureau d'aide juridictionnelle] peuvent être exercés par les autorités suivantes : -le garde des sceaux, ministre de la justice, pour ceux qui sont intentés contre les décisions du bureau institué près le Conseil d'Etat ;-le ministère public pour ceux qui sont intentés contre les décisions des autres bureaux ;-le président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour ceux qui sont intentés contre les décisions des bureaux institués près ces juridictions et le bâtonnier pour ceux qui sont intentés contre les décisions des autres bureaux. ".
8. Aux termes de l'article 56 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction alors applicable : " Le délai du recours prévu au deuxième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991susvisée est de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision à l'intéressé. /Le délai du recours ouvert par le troisième alinéa de cet article au ministère public, au garde des sceaux, ministre de la justice, au bâtonnier ou au président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation est de deux mois à compter du jour de la décision. ".
9. Aux termes de l'article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré (...), l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : (...) c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. ".
10. Il ressort des pièces du dossier que la décision préfectorale en litige du 23 septembre 2015 mentionne un délai de recours contentieux de deux mois auprès du tribunal administratif de Lyon. Mme D...a déposé le 15 octobre 2015 une demande d'aide juridictionnelle aux fins d'annulation de ladite décision préfectorale. Par décision du 30 octobre 2015, le bureau d'aide juridictionnelle lui a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et a désigné Me A...en tant qu'avocate pour l'assister en précisant que cette dernière avait accepté de prêter son concours. Mme D...mentionne expressément dans ses écritures que cette décision du 30 octobre 2015 lui a été notifiée le 6 novembre 2015, ce qui est au demeurant corroboré par un tampon figurant sur la pièce produite au dossier de première instance par la requérante. Compte tenu du délai non franc auquel sont soumis les recours prévus à l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 et en l'espèce du délai de deux mois à compter du jour de la décision prévus à l'article 56 du décret du 19 décembre 1991 pour le ministère public ou le garde des sceaux qui, courant à compter du 30 octobre 2015 et non du 6 novembre 2015, expirait le 30 décembre 2015 à minuit, le délai de recours contentieux de deux mois ouvert à compter de la date à laquelle la décision d'admission à l'aide juridictionnelle est devenue définitive débutait le 31 décembre 2015 à 0h00 pour s'achever le 1er mars 2016 à minuit. Ainsi le délai de recours contentieux était expiré le 3 mars 2016 à 12h22, date d'enregistrement sur l'application Télérecours de la demande de MmeD.... Par suite, il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Rhône et tirée de ce que les conclusions de Mme D...tendant à l'annulation de la décision du 23 septembre 2015 sont irrecevables car tardives.
11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme D...à fin d'annulation de la décision du 23 septembre 2015 doivent être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1601687 du 2 mai 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande de Mme D...présentée devant le tribunal administratif de Lyon ainsi que le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 23 mai 2019 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président-assesseur,
Mme Cottier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 juin 2019.
1
3
N° 18LY02283