Par un jugement n° 1905321 du 22 novembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2020, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1905321 du tribunal administratif de Grenoble du 22 novembre 2019 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;
3°) d'enjoindre, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation après remise d'une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il doit être regardé comme n'ayant pas en Guinée des liens familiaux tels qu'ils feraient obstacle à ce qu'un titre de séjour lui soit accordé sur ce fondement.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- et les observations de Me B..., pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant de nationalité guinéenne né le 10 mars 2001 à Conakry, est entré irrégulièrement en France, le 10 février 2017 selon ses déclarations, et, à la suite d'une ordonnance de placement provisoire, il a été confié aux services de la protection de l'enfance de l'Isère. Il a sollicité, le 10 janvier 2019, un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 23 juillet 2019, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel (...), la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année suivant son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.
4. En l'espèce, pour rejeter la demande de titre de séjour de M. A... présentée sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de l'Isère, après avoir constaté que l'intéressé avait été confié à l'aide sociale à l'enfance, que l'avis de la structure d'accueil était favorable et qu'il justifiait suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, un CAP d'agent polyvalent de restauration, a pris en compte, d'une part, l'absence de démonstration du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation et, d'autre part, l'existence d'attaches familiales dans son pays d'origine, où réside une tante.
5. D'une part, il ressort toutefois des pièces du dossier et, en particulier, du rapport social de la structure d'accueil, mentionnant son absence de lien avec sa famille en Guinée, que M. A... était orphelin avant de quitter son pays d'origine où il n'a conservé que de rares contacts avec une tante, ainsi que le mentionne au demeurant la décision en litige. Dès lors, le préfet de l'Isère ne pouvait prendre en compte le maintien par M. A... d'attaches familiales dans son pays d'origine.
6. D'autre part, il ressort également de ces pièces, et notamment des bulletins de note de M. A... au cours de l'année scolaire 2018-2019, que ses résultats scolaires, qui se caractérisent par des notes au-dessus de la moyenne pour toutes les matières enseignées, à l'exception de deux d'entre elles au second semestre, ont donné lieu à des appréciations élogieuses de la part de ses enseignants qui ont relevé le caractère sérieux et impliqué de cet élève, et démontrent le caractère sérieux du suivi de la formation professionnelle de M. A.... Dès lors le préfet de l'Isère ne pouvait davantage tenir compte d'un manque de sérieux pour justifier la décision de refus de titre de séjour en litige.
7. Il suit de là qu'en estimant que ce bilan n'ouvrait pas droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le préfet de l'Isère, qui ne fait état d'aucun élément lui permettant une appréciation contraire, a entaché le refus de titre litigieux d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. A....
8. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
9. L'annulation prononcée ci-dessus du refus de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des décisions prises par voie de conséquence n'implique pas, eu égard au fait que le titre prévu par ces dispositions est délivré dans l'année qui suit le dix-huitième anniversaire de l'intéressé, la délivrance, à la date à laquelle la cour statue, d'un tel titre à l'appelant. Il y a lieu, dans ces conditions, d'enjoindre seulement au préfet de l'Isère de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
10. M. A... étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, son avocat peut prétendre au bénéfice des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, l'État versera, en application de ces dispositions, la somme de 1 000 euros à Me B..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1905321 du 22 novembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble et l'arrêté du 23 juillet 2019 du préfet de l'Isère sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la situation de M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : En application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'État versera la somme de 1 000 euros à Me B..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président-assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.
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N° 20LY00337