Par jugement n° 2001675 lu le 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté du 16 décembre 2019 du préfet de l'Isère en tant qu'il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A....
Procédure devant la cour
Par requête, enregistrée le 16 décembre 2020, présentée pour Mme A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2001675 du tribunal administratif de Lyon lu le 6 octobre 2020 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", " étudiant " ou " salarié ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois après remise d'une autorisation provisoire de séjour et de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges, pour écarter le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se sont fondés sur l'existence de liens familiaux dans son pays d'origine, qui résulterait d'un document signé par une personne dont le nom correspond à l'un de ses frères, alors que ces liens avec son pays d'origine, qui ne doivent pas être opposés systématiquement, notamment si ces liens sont inexistants, ténus ou profondément dégradés, selon une circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, ne sont en l'espèce qu'éventuels ; c'est également à tort que les premiers juges a pris en compte le caractère insuffisant des résultats scolaires, dès lors que seul doit être pris en compte le caractère réel et sérieux du suivi de la formation.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observation.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 2 décembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante ivoirienne née le 22 mai 2001 à Attécoubé (Côte d'Ivoire), déclare être entrée irrégulièrement en France en janvier 2018 alors qu'elle était encore mineure et a été confiée aux services de l'aide sociale à l'enfance à compter du 26 janvier 2018. Elle a demandé, le 20 mai 2019, la délivrance d'une carte de séjour temporaire de jeune majeur. Par arrêté du 16 décembre 2019, le préfet de l'Isère la lui a refusée, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté en tant qu'il porte refus de titre de séjour.
2. Aux termes des dispositions alors en vigueur de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire (...) qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge, saisi d'un moyen en ce sens de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste sur l'appréciation ainsi portée de la situation personnelle de l'intéressé.
4. Or, il ressort des pièces du dossier que Mme A... répond aux conditions d'âge, de prise en charge par l'aide sociale à l'enfance et de suivi d'une formation professionnelle de plus de six mois et sa demande a fait l'objet d'un avis favorable de la structure d'accueil. Au regard de ces critères, le préfet de l'Isère a entaché d'erreur manifeste d'appréciation le bilan de la présence en France de Mme A... en refusant de délivrer le titre demandé aux motifs, d'une part, que ses résultats du deuxième semestre de sa formation de CAP " commercialisation et services en hôtel-café-restaurant " étaient insuffisants, alors que ceux du premier semestre de la même formation étaient satisfaisants et que les efforts de travail de l'intéressée étaient relevés par les formateurs qui avaient également souligné ses difficultés de compréhension et, d'autre part, des liens familiaux qu'elle conserverait en Côte d'Ivoire, eu égard à l'obtention de documents officiels après son entrée en France, alors qu'il n'est pas contesté que ses parents sont décédés. Par suite Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté litigieux en tant qu'il refuse de lui délivrer un titre de séjour et à demander l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour qui lui a été opposée.
5. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du préfet de l'Isère du 16 décembre 2019, en tant qu'il porte refus de titre de séjour, et le jugement n° 2001675 du tribunal administratif de Lyon lu le 6 octobre 2020 doivent être annulés.
6. Eu égard au motif qui la fonde et aux circonstances de fait en vigueur à la date du présent arrêt, la présente annulation implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, mais seulement, que le préfet de l'Isère réexamine le droit au séjour de Mme A.... Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocat de Mme A... renonce à percevoir l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros à verser à Me Huard, au titre des frais exposés à l'occasion du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 2001675 lu le 6 octobre 2020 et l'arrêté du 16 décembre 2019 du préfet de l'Isère en tant qu'il a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A... au séjour sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de statuer de nouveau sur le droit au séjour de Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera une somme de 1 000 euros à Me Huard au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.
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N° 20LY03751