Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 25 juillet 2019, la société CEAT Électronique représentée par Me B... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions susmentionnées ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'enquête contradictoire est entachée d'un vice substantiel dès lors qu'elle n'a pas été destinataire de l'ensemble des éléments recueillis ;
- l'inspecteur du travail a estimé à tort que la procédure avait été viciée du fait de la présence d'un témoin lors de l'entretien de licenciement ;
- la décision de la ministre du travail se fonde également sur des éléments qui ne lui ont pas été communiqués ;
- la contre-enquête n'a pas été menée dans des conditions assurant l'impartialité ;
- les griefs reprochés à M. A... C... en matière de déloyauté sont établis et sont d'une gravité suffisante pour autoriser son licenciement ;
- le non-respect de la réglementation en matière de santé et sécurité au travail constitue un fait fautif ;
- il n'existe aucun lien entre le mandat détenu par le salarié et son licenciement ;
- aucun motif d'intérêt général n'est de nature à s'opposer à ce licenciement.
L'affaire a été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
La société CEAT Électronique ayant été régulièrement avertie du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., pour la société CEAT Électronique ;
Considérant ce qui suit :
1. La société CEAT Électronique a saisi, le 13 décembre 2017, l'administration du travail d'une demande d'autorisation de licenciement disciplinaire de M. A... C..., technicien de maintenance polyvalent et représentant de la section syndicale CFTC CSFC Bourgogne. L'inspecteur du travail a rejeté cette demande par décision du 13 février 2018 confirmée implicitement sur recours hiérarchique, puis explicitement, le 27 août 2018, par une décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. La société CEAT Électronique relève appel du jugement du 28 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions successives.
2. D'une part, aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur (...) / Ce recours doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur (...) ". Pour l'application de ces dispositions, lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent, qui ne statue pas alors sur la demande d'autorisation présentée par l'employeur mais sur la légalité de la décision prise par l'inspecteur du travail, doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision.
3. D'autre part, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale.
4. En premier lieu, le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation.
5. Or, il ressort des pièces du dossier que par courrier du 5 février 2018, l'inspecteur du travail a informé la société CEAT Électronique de l'identité des personnes qu'il avait auditionnées et de la teneur des éléments qu'il avait recueillis à cette occasion, notamment de ceux qui étaient susceptibles de démentir la version donnée par l'employeur des circonstances de l'accident survenu le 19 octobre 2017. Cette circonstance permet de regarder l'intéressée comme ayant été mise à même de demander communication de ces témoignages, et d'y répliquer ce qu'elle a fait par courrier adressé, le 12 février 2018, à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que l'enquête de l'administration aurait été entachée de défaut de contradictoire.
6. En deuxième lieu et d'une part, s'il ressort des pièces du dossier que bien que M. A... C... a bien exercé les fonctions de technicien de maintenance polyvalent de septembre 2016 à mai 2017, la société requérante s'était engagée à l'affecter à brefs délais sur un poste hiérarchiquement équivalent à celui qu'il occupait auparavant et qui avait été supprimé. Alors qu'elle ne lui a pas adressé de proposition en invoquant l'absence de tout débouché au sein de ses services, elle n'est pas fondée à soutenir que la dégradation des relations qui est résulté de la pérennisation de cette situation constituerait, de la part du salarié, une faute de nature à justifier une demande de licenciement.
7. D'autre part, si M A... C... s'est présenté de son propre chef et sans équipement de sécurité dans l'entrepôt, le 19 octobre 2017 afin d'aider un collègue qui ne le lui avait pas demandé et s'y est blessé, et si le non-respect des consignes de sécurité constitue une faute, ce manquement demeure isolé et ne peut être regardé comme faute d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement.
8. En troisième lieu, M. Gass, secrétaire du CHSCT, a gardé le silence lors de l'entretien préalable au licenciement organisé le 29 novembre 2017 et n'a pas eu un rôle d'enquêteur, sa présence n'a ainsi pas vicié la procédure, contrairement à ce que mentionne l'inspecteur du travail dans sa décision. Dès lors sa présence n'a pu vicier la procédure d'instruction et, compte tenu du caractère surabondant de cette mention, elle n'a pu avoir d'incidence sur le sens de la décision litigieuse du 13 février 2018.
9. Enfin, la décision de refus d'autorisation de licencier ne reposant pas sur l'existence d'un lien entre le mandat détenu par M. A... C... et la demande de licenciement, la contestation de l'appréciation d'un tel lien doit être écartée comme inopérante.
10. Il résulte de ce qui précède que la société CEAT Électronique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation. Les conclusions de sa requête présentées aux mêmes fins doivent être rejetées, ainsi que par voie de conséquence, celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société CEAT Électronique est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Centre Électronique de l'Audiovisuel et des Transmissions (CEAT Électronique).
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.
N° 19LY02964 2
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