Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 23 mars 2020, la société Tempo Log 71, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée au tribunal par M. A... ;
2°) de mettre à la charge de M. A..., le versement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que M. A... n'a pas été mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense ;
- les autres moyens invoqués par M. A... devant le tribunal n'étaient pas fondés.
Par mémoire enregistré le 4 août 2020, M. C... A..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Tempo Log 71 le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'inspecteur du travail ne l'a pas informé de la teneur des éléments à charge à son encontre en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- les faits reprochés ne sont pas établis alors que le reproche relatif à la remise de munition à un ancien salarié a eu lieu hors du temps de travail ;
- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec son mandat.
La requête a été communiquée au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Tempo Log 71 relève appel du jugement lu le 28 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 24 janvier 2019 de l'inspecteur du travail en charge de la 8ème section de l'unité de contrôle Ouest du département de Saône-et-Loire l'autorisant à licencier M. A..., recruté en contrat à durée indéterminée depuis juin 2015, occupant en dernier lieu la fonction de chef d'équipe et investi des mandats de délégué du personnel délégué syndical.
2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. À l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, les articles R. 2421-4 et R. 2121-11 du code du travail disposent que l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ".
3. Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. C'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.
4. Il ressort des pièces du dossier que lors de l'audition de M. A..., le 27 décembre 2018 par l'inspecteur du travail, ce dernier aurait informé l'intéressé de l'existence d'attestations et témoignages de collègues produits par son employeur et visionné avec M. A... une vidéo surveillance de l'atelier montrant une conversation entre Mme D, auteure de la plainte déposée pour harcèlement auprès de l'employeur et M. A..., le 12 septembre 2018. Toutefois, en l'absence de procès-verbal d'audition notamment, il n'est pas démontré que l'intéressé aurait été mis à même de prendre connaissance des pièces produites à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement ni du contenu des auditions entre l'inspecteur du travail, le directeur de la société et le délégué du personnel suppléant qui ont eu lieu postérieurement à l'audition du salarié. L'accès, dans le cadre de l'enquête contradictoire prévue par les articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail, à l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, dans des conditions et des délais permettant de présenter utilement sa défense, constitue une garantie pour le salarié protégé.
5. Il résulte de ce qui précède que la société Tempo Log 71 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 24 janvier 2019 de l'inspectrice du travail autorisant le licenciement de M. A....
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Tempo Log 71 le versement à M. A... de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Tempo Log 71 est rejetée.
Article 2 : La société Tempo Log 71 versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la société Tempo Log 71 et au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.
N° 20LY01170