Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire (non communiqué) enregistrés le 2 août 2019 et le 6 décembre 2019, l'ADAPEI 69, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant que qu'il a fait droit à la demande d'annulation de M. A... et de rejeter ladite demande ;
2°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de M. A... en première instance est irrecevable, dès lors qu'elle est intervenue de manière prématurée ;
- l'inspecteur du travail a respecté la procédure contradictoire avant de prendre sa décision ;
- les faits reprochés sont réels, imputables à M. A..., fautifs et de nature à justifier une procédure disciplinaire ;
- les fautes commises par M. A... sont suffisamment graves ;
- il n'y a pas de lien entre la procédure de licenciement engagée à l'encontre de M. A... et son mandat.
Par mémoire enregistré le 7 novembre 2019, M. E... A... représenté par Me F... conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il reprend les moyens présentés en première instance.
Par mémoire enregistré le 31 décembre 2019, le ministre du travail s'associe aux conclusions de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.
Par ordonnance du 10 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 3 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me C..., substituant Me B..., pour l'ADAPEI 69, ainsi que celles de Me D..., substituant Me F..., pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. L'ADAPEI 69 relève appel du jugement du 28 mai 2019 en tant que le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 8 septembre 2017 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement disciplinaire de M. A... et la décision implicite de rejet du recours hiérarchique de M. A..., décision née le 21 février 2018.
Sur le fond du litige :
2. Aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours (...) du salarié (...) / Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification (...) de la décision attaquée ". Il ressort des pièces du dossier que M. A... a formé un recours hiérarchique réceptionné, le 20 octobre 2017, contre la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement. Une décision implicite de rejet est ainsi née le 21 février 2018. Il était donc recevable à contester cette décision dès le 17 avril 2018, alors même qu'il avait demandé la communication des motifs de ce rejet implicite le 28 mars 2018. Par suite, la fin de non-recevoir tiré du défaut d'objet de la demande de première instance doit être rejetée.
3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
4. M. A... est chef de service éducatif depuis le 1er décembre 2003 au sein des établissements Madeleine et foyer Jodard dédiés à l'hébergement d'adultes handicapés mentaux et membre titulaire du comité d'entreprise. Pour autoriser l'ADAPEI 69 à le licencier, l'inspecteur du travail a retenu des accès de colère fréquents, notamment le 19 mai 2017, et un comportement hiérarchique anormal mélangeant vie privée et vie professionnelle. En revanche, si l'inspecteur du travail a, dans sa décision, fait allusion au comportement imputé à l'intéressé à l'égard du personnel féminin, la demande adressée par l'employeur ne reposait pas sur ce grief.
5. Or et d'une part, si M. A... a méconnu la note du 28 mai 2016 par l'usage du téléphone personnel (pratique d'ailleurs tolérée) et par l'utilisation des boîtes de messagerie privées des salariés pour les communications professionnelles, ces faits pouvaient faire l'objet d'un rappel à l'ordre de l'employeur et n'étaient pas d'une gravité telle qu'ils justifiaient un licenciement.
6. D'autre part, seul l'accès de colère du 19 mai 2017 est établi. S'il est fautif, il demeure isolé au regard de l'ancienneté de M. A... et de son absence d'antécédent disciplinaire et ne peut ainsi être regardé comme une faute d'une gravité suffisante pour justifier une mesure de licenciement.
7. Il résulte de ce qui précède que l'ADAPEI 69 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 8 septembre 2017, ainsi que la décision ayant implicitement rejeté le recours hiérarchique formé à son encontre par M. A..., ayant autorisé le licenciement de celui-ci. Les conclusions de sa requête doivent, dès lors, être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les conclusions présentées par l'ADAPEI 69, partie perdante, doivent être rejetées, tandis qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de faire droit aux conclusions que M. A... présente contre l'État.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'ADAPEI 69 est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ADAPEI 69, au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à M. E... A....
Délibéré après l'audience du 8 avril 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
Mme Djebiri, premier conseiller ;
Mme Burnichon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.
N° 19LY03079 2
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