Par requête enregistrée le 13 octobre 2020, présentée pour M. et Mme D..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2001951, 2001952 du 17 juillet 2020 en tant qu'il a rejeté les conclusions de leurs demandes ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de les admettre au séjour au titre de l'asile et à tout le moins de réexaminer leur situation dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à leur conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 300 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les décisions sont insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen particulier de leur situation ;
- les décisions méconnaissent les articles 3 et 17 du règlement du 26 juin 2013, eu égard à l'état de grossesse pathologique de Mme D... à la date des décisions en litige et de l'hospitalisation de leur enfant de seize mois.
Par mémoire enregistré le 2 décembre 2020, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 septembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., de nationalité algérienne, né le 6 juin 1978 à Oran (Algérie), et son épouse, Mme B... E... épouse D..., également de nationalité algérienne, née le 6 mars 1984 à Oran, entrés en France le 7 septembre 2019, selon leurs déclarations, ont chacun déposé une demande d'asile enregistrée à la préfecture du Rhône le 27 septembre 2019. L'examen de leurs passeports a révélé qu'ils avaient bénéficié d'un visa de court séjour délivré par les autorités bulgares, valable jusqu'au 9 septembre 2019. Les autorités bulgares, saisies de demandes de prise en charge de M. et Mme D..., le 26 décembre 2019, ont fait connaître leur accord explicite pour leur réadmission le 2 janvier 2020. Par des arrêtés du 25 février 2020, le préfet du Rhône a ordonné leur transfert aux autorités bulgares responsables de leurs demandes d'asile. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 17 juillet 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions du préfet du Rhône du 25 février 2020.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".
3. En application des dispositions précitées, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
4. Les décisions de transfert en litige visent le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et notamment son article 12. Elles indiquent que l'examen de leurs passeports a révélé que M. et Mme D... avaient bénéficié d'un visa de court séjour délivré par les autorités bulgares, valable jusqu'au 9 septembre 2019 et que les autorités bulgares, saisies de demandes de prise en charge de M. et Mme D..., le 26 décembre 2019, sur le fondement de l'article 12 du règlement, avaient fait connaître leur accord explicite pour leur réadmission le 2 janvier 2020. Ces énonciations ont mis les intéressés à même de comprendre les motifs des décisions pour leur permettre d'exercer utilement un recours. Dès lors, les décisions litigieuses sont suffisamment motivées au regard des exigences qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en dépit de la circonstance que lesdites décisions ne mentionnent pas la grossesse de Mme D... ni l'hospitalisation, depuis le 16 février 2020, d'un de leurs enfants, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces faits avaient été portés à la connaissance du préfet du Rhône à la date des décisions en litige, à laquelle s'apprécie leur légalité, alors même qu'il en aurait été informé, comme l'affirment les requérants, lors de la notification de ces décisions. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. et Mme D... au regard des informations dont il disposait à la date des décisions contestées.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation (...), chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers (...), même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté qu'ont les autorités françaises d'examiner une demande d'asile présentée par un ressortissant d'un État tiers, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de l'entier pouvoir discrétionnaire du préfet, et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date des arrêtés portant transfert aux autorités bulgares de M. et Mme D..., cette dernière était entrée dans son septième mois de grossesse, ainsi qu'en atteste un certificat médical du 4 mars 2020 lequel, s'il mentionne la nécessité prévisible d'une césarienne entre le 3 et le 10 avril, ne comporte, pas davantage que les autres pièces produites par les requérants, un élément médical faisant état d'une grossesse pathologique de Mme D... nécessitant des conditions d'accueil particulières ni de difficultés dans le suivi de sa grossesse. Dans ces conditions, et à supposer même que le préfet ait eu connaissance de l'état de grossesse de Mme D... à la date de l'édiction de ses arrêtés, ce qui n'est pas démontré en l'absence en particulier de mention de cette grossesse lors des entretiens en préfecture le 27 septembre 2019, cet état ne faisait pas obstacle à son transfert en Bulgarie, notamment à une date postérieure à son accouchement. D'autre part, s'il résulte des pièces médicales produites par les requérants que leur enfant C..., alors âgée de seize mois, était, à la date des arrêtés en litige, hospitalisée depuis un accident survenu le 16 février 2020, dans un service hospitalier lyonnais spécialisé dans le traitement des brûlés, avant d'être transférée en mars 2020 dans un centre de rééducation pédiatrique où elle a été traitée avant de bénéficier d'un dispositif de soins à la maison, ainsi qu'en atteste un certificat du 14 avril 2020, il n'est pas établi qu'un tel traitement ne pourrait être suivi en Bulgarie. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue au 1 de l'article 17 précité du règlement (UE) n° 604/2013.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. (...) ".
8. M. et Mme D... invoquent l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie. Toutefois, la Bulgarie est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En l'absence d'existence avérée de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités bulgares, qui ont donné leur accord aux demandes de prise en charge adressées par les autorités françaises, ne sont pas en mesure de traiter la demande d'asile des requérants dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile Les décision de transfert contestées ne méconnaissent donc pas les dispositions précitées du 2 de l'article 3 du règlement (UE) du 26 juin 2013.
9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et tendant à la mise à la charge de l'État au profit de leur conseil des frais exposés à l'occasion de la présente instance dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B... E... épouse D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
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N° 20LY02949
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