Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 9 novembre 2020, M. A... représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le premier juge n'a pu sans entacher l'ordonnance attaquée d'irrégularité regarder sa requête comme tardive, dès lors que la décision préfectorale lui a été notifiée le 19 octobre 2020 ;
- l'arrêté litigieux méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques qu'il encourt au Nigéria ;
- il méconnaît les articles 21 et 22 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013, faute de preuve de saisine effective des autorités italiennes par le préfet du Rhône;
- elle méconnaît également les articles 3 et 17 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013, en raison de la situation d'urgence sanitaire et de sa situation personnelle.
Par mémoire enregistré le 22 décembre 2020, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Le préfet du Rhône s'en rapporte à la cour sur l'appréciation de la régularité du jugement et soutient qu'aucun moyen relatif au fond du litige n'est fondé.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 29 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller ;
- et les observations de Me C..., pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant nigérian né en 1996, déclare être entré irrégulièrement en France, le 29 juillet 2020 et a présenté une demande d'asile mais, par arrêté du 19 octobre 2020, le préfet du Rhône a ordonné sa remise aux autorités italiennes aux fins d'examen de sa demande, la consultation du fichier Eurodac ayant révélé qu'il avait formé des demandes aux mêmes fins dans cet État qui a tacitement accepté le transfert. M. A... relève appel de l'ordonnance rejetant comme tardive sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité de l'ordonnance :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert (...) peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux assorti de la mention des voies et délais de recours, a été notifié, le 19 octobre 2020, à M. A... qui, en application de l'article L. 742-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, disposait d'un délai expirant au 5 novembre 2020 pour le contester devant le tribunal administratif. Il suit de là qu'il est fondé à soutenir que le vice-président du tribunal administratif de Grenoble n'a pu sans entacher d'irrégularité l'ordonnance attaquée, rejeter comme tardive la demande de M. A..., enregistrée le 3 novembre 2020.
4. L'ordonnance du 5 novembre 2020 doit être annulée. Si M. A... ne reprend pas en appel ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2020, il articule des moyens tendant à en contester la légalité auquel le préfet du Rhône a d'ailleurs répondu en concluant au rejet de la demande d'annulation dirigée contre son arrêté. Il suit de là que M. A... ne saurait utilement invoquer la garantie du double degré de juridiction dès lors qu'il bénéficie d'un examen de sa demande par la juridiction d'appel et qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande qu'il a présentée devant le tribunal.
Sur le fond du litige :
5. En premier lieu, l'accusé de réception de la transmission de la requête du point d'accès français, responsables du traitement des données ainsi que la date de réception par les autorités italiennes ayant été produit en défense, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 21 et 22 du règlement UE n° 604/2013 manque en fait.
6. En deuxième lieu, la décision de transfert a pour objet de permettre le réexamen par l'Italie de la demande d'asile de M. A..., non de renvoyer celui-ci au Nigéria depuis l'Italie. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à raison des risques encourus en cas d'éloignement au Nigéria doit être écarté comme inopérant.
7. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen (...) afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre (...), l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". La situation de pandémie dont se prévaut M A... relève des conditions d'exécution du transfert vers l'Italie et n'a pas d'incidence sur la légalité de la décision de transfert. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône a méconnu les dispositions précitées en s'abstenant de faire instruire en France sa demande d'asile.
8. Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". M. A... qui n'invoque aucune circonstance humanitaire tirée de sa situation personnelle justifiant qu'il demeurât en France n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône aurait entaché son arrêté d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de cette disposition.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. A..., devant le tribunal administratif de Grenoble doit être rejetée, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2006496 lue le 5 novembre 2020 du vice-président du tribunal administratif de Grenoble est annulée.
Article 2 : La demande d'annulation présentée par M. A... devant le tribunal administratif et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 mars 2021.
N° 20LY03254 2