- de condamner la commune de Marseille à lui verser une provision d'un montant de 47 443 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
- de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 1900322 du 1er avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 avril et 22 mai 2019, sous le n° 19MA01666, la SAS Pièces auto Méditerranée, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 1er avril 2019 ;
2°) de condamner la commune de Marseille à lui verser une provision d'un montant de 110 700 euros et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'ordonnance à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- une créance non sérieusement contestable existe en raison de la carence du maire de Marseille dans l'exercice de ses pouvoirs de police sur l'immeuble situé au numéro 234 avenue Roger Salengro ;
- cette carence fautive ne trouve pas sa source directe dans l'arrêté du maire du 30 novembre 2018 mais dans l'absence de prise en compte de cette situation connue depuis 8 ans ;
- le fait que la situation de péril ordinaire de 2013 ne soit pas de même intensité qu'en 2019 n'est pas de nature à ôter toute responsabilité de la commune alors que les troubles sont les mêmes et que la dégradation ne trouve sa source que dans l'absence de travaux de réparations ;
- les diligences réalisées par la commune depuis 2013 ne sont pas de nature à démontrer une absence de négligence dès lors que la commune n'a pas procédé d'office à la réalisation des travaux contrairement aux dispositions de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation ;
- la carence se poursuit actuellement nonobstant le dépôt des conclusions de l'expertise sur l'immeuble n°234 ;
- la commune lui a notifié le 15 mars 2019, soit tardivement, une abrogation datée du 12 décembre 2018 de l'arrêté n°2018-03187-VDM en date du 5 décembre 2018 qui portait interdiction " d'occuper l'immeuble sis 232 et 236 rue Roger Salengro " faisant ainsi obstacle à une reprise de son activité dans les meilleurs délais ;
- la provision, d'une particulière nécessité en l'espèce, doit être égale à la moitié de son préjudice, soit la somme de 110 700 euros.
Vu, enregistré le 9 mai 2019, le mémoire présenté pour la commune de Marseille, représentée par MeB..., tendant au rejet de la requête, à titre subsidiaire au constat du caractère injustifié ou en tout cas excessif de la somme réclamée et à la mise à la charge de la société requérante d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition de l'obligation non sérieusement contestable est absente ;
- la somme réclamée est contestable et en tout cas excessive.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a désigné M. Philippe Bocquet, premier vice-président, président de la 5ème chambre, pour statuer sur les appels formés devant la Cour contre les décisions rendues par le juge des référés des tribunaux administratifs du ressort.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Pièces auto Méditerranée, titulaire d'un bail commercial en date du 4 janvier 2016, exploite au numéro 236 avenue Roger Salengro un magasin de vente de pièces automobiles. Suite à une expertise judiciaire, le maire de Marseille, par un arrêté n°2018-03112-VDM du 30 novembre 2018 a, pour des raisons de sécurité liées à un danger grave et imminent constituées par des désordres constatés au sein de l'immeuble situé au 234 de l'avenue Roger Salengro et ayant un impact sur la sécurité des occupants des immeubles adjacents sis aux numéros 232 et 236, décidé l'évacuation immédiate des occupants et interdit, jusqu'à nouvel ordre, sur ces immeubles l'accès, l'occupation et l'habitation.
2. La société Pièces auto Méditerranée, empêchée de poursuivre son activité commerciale, a saisi le 15 janvier 2019 le juge des référés du tribunal administratif de Marseille sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative afin d'obtenir une provision d'un montant de 47 443 euros. Par une ordonnance en date du 1er avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande. La société Pièces auto Méditerranée relève appel de cette ordonnance et porte le montant de sa provision à la somme de 110 700 euros.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
3. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude.
4. La SAS Pièces auto Méditerranée soutient que sa créance n'est pas sérieusement contestable en raison de la carence du maire de Marseille dans l'exercice de ses pouvoirs de police sur l'immeuble situé au numéro 234 avenue Roger Salengro lequel connaît des désordres depuis huit ans. La société précise que la circonstance que la situation de péril ordinaire de 2013 ne soit pas de même intensité qu'en 2018 n'est pas de nature à ôter toute responsabilité de la commune alors que les troubles sont les mêmes et que la dégradation ne trouve sa source que dans l'absence de travaux de réparations et dans la carence du maire qui se poursuit actuellement.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'un arrêté de péril simple a été pris par le maire de Marseille le 22 mars 2013 sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation pour obliger les copropriétaires de l'immeuble sis 234 avenue Roger Salengro sous un délai de trois mois à réaliser des travaux de réparation pour mettre fin durablement au péril. S'agissant de cet arrêté, la commune de Marseille soutient qu'elle n'a pas fait preuve de négligence et que l'arrêté de péril simple du 22 mars 2013 n'impliquait pas la prise de mesures conservatoires notamment en l'absence de risque identifié pour les immeubles voisins. A cet égard, la collectivité précise que le syndic de la copropriété a procédé à la consignation des sommes nécessaires à la réalisation des travaux. Elle produit aussi une lettre de relance du maire datée du 21 février 2014 et une transmission par le syndic le 25 mars 2014 à la commune d'un procès-verbal de l'assemblée générale du 23 juillet 2013 votant l'étude de sol et le passage caméra dans l'immeuble et les bons pour accord pour le commencement de ces travaux. Il résulte également de l'instruction que le 18 mai 2015, le syndic de la copropriété informait la commune que son expert d'assurance mettait en cause la descente d'eau usée de l'immeuble mitoyen et l'état du réseau entretenu par le service d'assainissement Marseille Métropole. Par un courrier du 28 janvier 2016, le maire de Marseille réclamait au syndic de copropriété les conclusions de l'expert d'assurance et mettait en demeure les 18 avril et 13 mai suivant les propriétaires d'exécuter les prescriptions de l'arrêté du 22 mars 2013. Par des courriers datés des 29 janvier et 27 juin 2017, le conseil du syndicat des copropriétaires de l'immeuble informait la commune de Marseille que, selon des informations recueillies notamment par le service d'assainissement Marseille Métropole, des branchements illicites sur la descente d'eaux pluviales existeraient au numéro 232 et des défectuosités affecteraient le réseau d'eaux en sous-sol du numéro 234. Il résulte de ce qui précède et alors même que l'exécution d'office des travaux n'a pas été décidée sur l'immeuble n°234 frappé de cet arrêté de péril qui ne comportait pas une interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux, que les services de la commune ont suivi la procédure.
6. En deuxième lieu et comme mentionné à juste titre dans l'ordonnance attaquée, les désordres constatés à la fin de l'année 2018 caractérisent un péril imminent sans commune mesure avec ceux observés en 2013. Ainsi, l'expert désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille note le 30 novembre 2018 que les désordres de l'immeuble n°234 constitués en particulier par une déformation très importante du mur principal menace de s'effondrer avec un possible " effet domino " sur les deux immeubles n°232 et n°236. Par ailleurs, la société requérante ne peut valablement affirmer que la négligence de la commune se poursuit actuellement dès lors que la collectivité a produit l'arrêté du maire n° 2018-03502-VDM du 5 janvier 2019 portant péril imminent des trois immeubles qui oblige notamment les copropriétaires de l'immeuble n°234 à prendre toutes mesures propres à assurer la sécurité publique en faisant réaliser les travaux nécessaires d'urgence sous vingt-et-un jours.
7. En troisième lieu, la SAS Pièces auto Méditerranée reproche une notification tardive en date du 15 mars 2019 de l'arrêté n°2018-03296-VDM daté du 12 décembre 2018 portant abrogation de l'arrêté n°2018-03187-VDM en date du 5 décembre 2018, non versé au dossier, qui portait interdiction " d'occuper l'immeuble sis 232 et 236 rue Roger Salengro ", laquelle a fait ainsi obstacle à une reprise de son activité dans les meilleurs délais. Mais, en tout état de cause, l'arrêté n°2018-03112-VDM du 30 novembre 2018 décidant l'évacuation immédiate des occupants des immeubles et l'interdiction d'accès, d'occupation et d'habitation, qui était affiché sur les façades des immeubles selon les mentions de son article 4, demeurait en vigueur jusqu'à son abrogation par l'arrêté n° 2018-03502-VDM du 5 janvier 2019 lui-même affiché et notifié aux propriétaires ainsi qu'aux occupants des immeubles.
8. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction et outre qu'il n'appartient pas au juge des référés de la provision de trancher des questions de droit se rapportant au bien-fondé de l'obligation invoquée ni des questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi, l'existence de l'obligation dont se prévaut la SAS Pièces auto Méditerranée ne peut être regardée comme non sérieusement contestable au sens des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative.
9. Il résulte de ce qui précède que la SAS Pièces auto Méditerranée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande de provision. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Marseille présentées sur le même fondement.
ORDONNE :
Article 1er : La requête de la SAS Pièces auto Méditerranée est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Marseille présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS Pièces auto Méditerranée et à la commune de Marseille.
Fait à Marseille, le 5 juin 2019.
N° 19MA01666 5