Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 février 2021, M. N... et les autres requérants de première instance, représentés par Me S..., demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 29 janvier 2021 ;
2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent qu'en subordonnant l'octroi d'une mesure d'expertise à la démonstration du bien-fondé d'un recours éventuel ou ultérieur devant le tribunal, le juge des référés a commis une erreur de droit dans l'application de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ; que le juge des référés a également commis une erreur de droit quant à l'application de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, la légalité interne d'un plan de prévention des risques d'inondation (PPRi) pouvant toujours être remise en cause dans le cadre d'un contentieux né de son refus d'abrogation même si l'action directe contre ce PPRi a déjà été exercée et rejetée par les juridictions administratives ; que, contrairement aux affirmations du juge des référés, il y a bien des circonstances nouvelles susceptibles de remettre en cause ce PPRi tenant, d'une part, à des relevés altimétriques postérieurs à sa date d'approbation qui apportent des éléments nouveaux sur le niveau d'eau atteint lors de la crue de référence de 2002, d'autre part, aux travaux de curage effectués sur le Gardon ; que le juge des référés s'est fondé sur le mémoire du préfet qui l'a manifestement induit en erreur s'agissant du niveau d'eau atteint sur les parcelles CW 685 et 710 situées à droite du ruisseau des époux N... ainsi que sur les parcelles CV 170, 90 et 122 de la famille L... et s'agissant des apports de terre sur les parcelles CT 79-81 de Mme X... ; que les données et la méthodologie retenues par le préfet sont contestées et obsolètes ; que la situation de fait des parcelles de chacun des requérants nécessitent une mesure d'expertise.
La requête a été communiquée à la ministre de la transition écologique qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.
2. M. et Mme N..., Mme F..., Mme X..., M. et Mme J..., Mmes L..., A... P... et M. et Mme E... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes de prescrire une expertise aux fins de déterminer les risques d'inondation des parcelles dont ils sont propriétaires sur le territoire de la commune d'Alès, dans la perspective d'un éventuel contentieux portant sur le refus qui pourrait être opposé par le préfet à une demande d'abrogation des dispositions du plan de prévention des risques d'inondation (PPRi) classant les parcelles dont ils sont propriétaires en zone rouge exposée à un aléa fort. Par l'ordonnance attaquée du 29 janvier 2021, le juge des référés a refusé de faire droit à leur demande, au motif que la mesure d'expertise demandée n'apparaît pas utile à la solution d'un litige susceptible d'être porté devant le juge administratif dès lors que les conditions d'une abrogation de ce plan de prévention ne sont pas remplies, aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait n'étant établi depuis le rejet des recours contentieux formés à son encontre.
3. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de référé s'est prononcé sur l'utilité de la mesure d'expertise qui lui était demandée mais de se prononcer directement sur l'argumentation des parties, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Les requérants ne peuvent donc utilement se prévaloir des erreurs de droit que le juge des référés aurait commises pour demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.
4. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher (cf. CE, 14.02.2017, n° 401514).
5. D'une part, aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 562-4-1 du code de l'environnement : " I. - Le plan de prévention des risques naturels prévisibles peut être révisé selon les formes de son élaboration. Toutefois, lorsque la révision ne porte que sur une partie du territoire couvert par le plan, la concertation, les consultations et l'enquête publique mentionnées à l'article L. 562-3 sont effectuées dans les seules communes sur le territoire desquelles la révision est prescrite. / II. - Le plan de prévention des risques naturels prévisibles peut également être modifié. La procédure de modification est utilisée à condition que la modification envisagée ne porte pas atteinte à l'économie générale du plan. Le dernier alinéa de l'article L. 562-3 n'est pas applicable à la modification. Aux lieu et place de l'enquête publique, le projet de modification et l'exposé de ses motifs sont portés à la connaissance du public en vue de permettre à ce dernier de formuler des observations pendant le délai d'un mois précédant l'approbation par le préfet de la modification ". L'article R. 562-10 du même code précise que : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles peut être révisé selon la procédure décrite aux articles R. 562-1 à R. 562-9. / Lorsque la révision ne porte que sur une partie du territoire couvert par le plan, seuls sont associés les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale concernés et les consultations, la concertation et l'enquête publique mentionnées aux articles R. 562-2, R. 562-7 et R. 562-8 sont effectuées dans les seules communes sur le territoire desquelles la révision est prescrite " et l'article R. 562-10-1 précise que : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles peut être modifié à condition que la modification envisagée ne porte pas atteinte à l'économie générale du plan. La procédure de modification peut notamment être utilisée pour : (...) c) Modifier les documents graphiques délimitant les zones mentionnées aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1, pour prendre en compte un changement dans les circonstances de fait ".
7. En premier lieu, si le préfet est, en application de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, tenu d'abroger les dispositions d'un plan de prévention des risques d'inondation qui seraient illégales, il ne pourrait légalement le faire qu'aux termes de la procédure de révision ou de modification du plan, prévue par les articles L. 562-4-1, R. 562-10 et R. 562-10-1 précités du code de l'environnement.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'arrêt n° 16LY01284 du 6 juin 2017 de la cour administrative d'appel de Lyon, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, le recours pour excès de pouvoir dirigé contre le plan de prévention des risques d'inondation d'Alès a été rejeté. Quand bien même l'autorité de chose jugée qui s'attache à cet arrêt n'est pas opposable aux requérants qui n'étaient pas parties à cette instance, il peut être tenu compte des motifs de cet arrêt pour apprécier l'utilité d'une mesure d'expertise au regard d'une éventuelle nouvelle contestation de la légalité de certaines dispositions de ce plan de prévention, dans le cadre d'un contentieux du refus d'abrogation, d'autant que la cour s'est explicitement prononcée sur plusieurs moyens de fait et de droit contestant le zonage du secteur de la Prairie, dont relèvent les parcelles des requérants. Il résulte ainsi des points 7 à 10 de cet arrêt que " l'élaboration de la carte des aléas dressée en vue de la définition du zonage réglementaire s'est fondée non seulement sur des analyses historique et hydro-géomorphologique faisant apparaître la zone inondable pour un évènement supérieur à la crue de référence mais également sur des travaux de modélisation des écoulements de crue tenant compte, après recensement et analyse comparative des estimations de débit disponibles dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une méconnaissance du système karstique ou une prise en compte insuffisante du barrage de Sainte-Cécile d'Andorge les priverait de pertinence, de la situation particulière du Gardon d'Alès en aval de la confluence avec le Galeizon et dans sa traversée d'Alès, où des travaux d'aménagement ont été effectués en lit mineur et où l'épisode de 2002 a dépassé les valeurs calculées pour l'occurrence centennale " (point 7), qu'il " a été tenu compte, pour les secteurs situés à l'arrière d'ouvrages de protection et en particulier pour le secteur de la Prairie de l'importance de l'emprise du champ majeur et de sa topographie impliquant des écoulements déconnectés, le maillage du modèle permettant, contrairement à ce que soutient la commune d'Alès, de prendre en compte l'effet d'amortissement et de distinguer les écoulements en lit mineur et en champ majeur ; qu'alors que, s'agissant de terrains exposés à des crues soudaines, le seuil différenciant l'aléa fort de l'aléa modéré a été fixé à une hauteur d'eau de 50 cm pour la crue de référence, un aléa spécifique a également été caractérisé sur les secteurs situés en arrière des ouvrages de protection et demeurant exposés à une inondation en cas de crue supérieure à la crue de référence, de rupture éventuelle de ces ouvrages ou de dysfonctionnement hydraulique, un effacement de l'ouvrage de protection sur l'ensemble du linéaire étant alors envisagé pour les secteurs de grande superficie tels celui de la Prairie en vue de déterminer les différentes hauteur d'eau susceptibles d'être atteintes " (point 8), qu'il " ressort des pièces du dossier qu'une surverse du Gardon d'Alès vers le secteur de la Prairie a pu être observée en 2002 au niveau du pont Neuf venant gonfler les écoulements provenant de l'impluvium local ou du ruisseau des Dupines situé plus au sud et que le Gardon d'Alès est susceptible d'inonder par contrôle aval et remontée des eaux une partie du secteur de la Prairie située au sud de la rocade qui le traverse ; que, tenant compte notamment de ce contexte, la carte des aléas fait apparaître que les terrains du secteur de la Prairie dont la commune d'Alès conteste globalement le classement en zone d'aléa fort sont, lorsqu'ils ne sont pas exposés à l'aléa d'une hauteur d'eau de plus de 50 cm au regard de la crue de référence, au nombre de ceux qui (...) sont exposés à un aléa fort au regard du risque spécifique évoqué au point 5, (soit le risque que la présence même d'un ouvrage de protection est susceptible de créer, en cas de sinistre d'une ampleur supérieure à celle pour laquelle il a été dimensionné ou en cas de rupture) dont la survenance n'apparaît pas en l'espèce dénuée de toute probabilité, en raison de leur proximité immédiate ou, plus généralement, de leur situation en arrière et en contrebas de l'ouvrage de protection " (point 9) et qu'ainsi " les circonstances dont les intimés font état, notamment les travaux d'aménagement et d'entretien réalisés depuis 2002 et les résultats de l'étude de l'aléa de rupture de digue menée par Egis Eau en 2012, ne suffisent pas, au regard de l'ensemble des éléments analysés aux points 6 à 9, pour considérer qu'en approuvant le plan de prévention des risques d'inondation définissant le zonage en litige, le préfet du Gard aurait, compte tenu des objectifs poursuivis, des faits constatés, de la méthode suivie ou des hypothèses retenues, méconnu les dispositions précitées du code de l'environnement ou commis une erreur manifeste d'appréciation dans la délimitation des zones du secteur de la Prairie " (point 10).
9. Eu égard à la teneur de la contestation des requérants qui ne porte pas, en dépit de leurs allégations, sur des éléments factuels propres à la configuration de leurs parcelles, mais sur la modélisation de l'aléa qui, ainsi que l'a jugé la cour administrative de Lyon, a pu légalement effacer l'effet des digues de protection pour tenir compte d'une crue supérieure à la crue de référence, d'une rupture éventuelle de ces ouvrages ou d'un dysfonctionnement hydraulique, alors même que ces ouvrages auraient effectivement assuré, lors de la crue de référence de 2002, une protection des parcelles des requérants, il ne résulte pas de l'instruction qu'une mesure d'expertise, qui ne saurait utilement porter sur les principes de cette modélisation, pourrait leur apporter des éléments utiles pour contester la légalité du classement de leurs parcelles dans le plan de prévention des risques d'inondation, à la date de son adoption.
10. Par ailleurs, les relevés altimétriques établis par un géomètre-expert produits par les requérants ne sauraient être regardés comme constituant des circonstances de fait nouvelles, au sens de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors que, quand bien même ils ont été effectués en août 2019, ils ne sauraient rendre compte d'une évolution de l'altitude de leurs terrains depuis l'adoption du plan de prévention. Les travaux d'aménagement et d'entretien réalisés depuis 2002 ne sauraient davantage être regardés comme des circonstances de fait nouvelles dès lors qu'ils sont antérieurs à l'adoption du plan de prévention. Ils ont, du reste, été explicitement pris en compte par la cour administrative d'appel de Lyon, aux points précités 7 et 10 de son arrêt. Les requérants ne sont donc pas davantage fondés à soutenir que la réalisation d'une mesure d'expertise pourrait leur apporter des éléments utiles pour contester la légalité du classement de leurs parcelles dans le plan de prévention des risques d'inondation, au regard d'un changement dans les circonstances de fait.
11. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de M. N... et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. U... N..., à Mme R... O... épouse N..., à Mme M... F..., à Mme Q... X... épouse T..., à M. H... J..., à Mme Q... K... épouse J..., à Mme D... L..., à Mme B... L..., à Mme V... I... veuve L..., à Mme G... P..., à M. W... E..., à Mme Y... E... veuve C... et à la ministre de la transition écologique.
Fait à Marseille, le 15 avril 2021
N° 21MA005946
LH