Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 mars 2020, Mme F..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier du 31 octobre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois et lui a imposé de se présenter tous les mardis à la préfecture entre 14 heures et 16 heures ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à Me B... en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le premier juge n'a pas répondu à un moyen soulevé ;
- s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle n'a pas eu connaissance de la possibilité de déposer un titre de séjour en qualité d'étranger malade et, en raison de son état de santé, une mesure de l'éloignement ne pouvait être prononcée en application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- s'agissant du délai de départ volontaire, la décision devait être motivée, en outre un délai supérieur à trente jours devait être accordé et la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
- s'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français, la décision est insuffisamment motivée, est entachée d'erreur d'appréciation, et le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa vie personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.
L'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme F... par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 13 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. E... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... relève appel du jugement du 31 octobre 2019 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de quatre mois et lui a imposé de se présenter tous les mardis à la préfecture entre 14 heures et 16 heures.
Sur la régularité du jugement :
2. La magistrate désignée a répondu au moyen selon lequel le délai de départ de trente jours devait faire, selon l'intéressée, l'objet d'une motivation spécifique, au point 9 de son jugement. Mme F... n'est donc pas fondée à se prévaloir ainsi d'une omission à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a fourni à Mme F..., le 24 avril 2019, date de sa demande d'asile, la notice d'information relative aux possibilités de demander un titre de séjour dès le début de l'examen par la France d'une demande d'asile, notice mentionnant notamment la possibilité de demander un titre de séjour en qualité d'étranger malade, en langue géorgienne. Cette notice, dont le préfet a également produit la traduction en français, n'est pas illisible contrairement à ce qui est soutenu. Elle est datée du 24 avril 2019, comporte le tampon de la préfecture, et est signée par l'intéressée, laquelle a également signé de manière identique le formulaire attestant de la prise en charge de sa demande d'asile au titre de la procédure accélérée. Si le conseil de Mme F... soutient qu'il est " probable " que sa cliente ait, à cette époque, présenté des documents médicaux aux services préfectoraux et qu'il est donc " probable " que la préfecture ait été informée de son état de santé, aucune preuve en ce sens n'est apportée. Dans ces conditions, Mme F... n'est pas, en tout état de cause, fondée à soutenir que les dispositions précitées ont été méconnues.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : ( ...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
6. S'il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de Mme F..., qui doit subir trois séances d'hémodialyse par semaine dans l'attente d'une greffe, présente un caractère dont le défaut de prise en charge pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle de gravité, l'intéressée n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle ne pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à sa pathologie. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions précitées en l'obligeant à quitter le territoire français.
En ce qui concerne le délai de départ volontaire :
7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français ".
8. D'une part, la fixation à trente jours du délai laissé à l'étranger pour exécuter volontairement l'obligation de quitter le territoire qui lui est imposée, résulte directement de l'application des dispositions précitées. Par suite, il n'appartient pas au préfet, alors, au demeurant, que la requérante n'établit pas, ni même n'allègue, avoir sollicité un délai supérieur, de justifier les raisons pour lesquelles il n'a pas jugé utile de lui accorder à titre exceptionnel un tel délai. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
9. D'autre part, Mme F... n'établit pas ne pas être en mesure de voyager sans risque vers la Géorgie ni ne pouvoir recevoir dans son pays d'origine un traitement approprié à sa pathologie, et ne justifie pas de circonstances exceptionnelles justifiant que le préfet lui accorde un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Dès lors, les moyens tirés de l'erreur d'appréciation et de l'erreur de droit entachant cette décision doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
10. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur version en vigueur à la date de la décision litigieuse : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. Sauf s'il n'a pas satisfait à une précédente obligation de quitter le territoire français ou si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, le présent III n'est pas applicable à l'étranger obligé de quitter le territoire français au motif que le titre de séjour qui lui avait été délivré en application de l'article L. 316-1 n'a pas été renouvelé ou a été retiré ou que, titulaire d'un titre de séjour délivré sur le même fondement dans un autre État membre de l'Union européenne, il n'a pas rejoint le territoire de cet État à l'expiration de son droit de circulation sur le territoire français dans le délai qui lui a, le cas échéant, été imparti pour le faire. Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative prononce une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
11. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
12. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
13. La décision, après avoir relevé que Mme F... se maintient irrégulièrement sur le territoire français, mentionne la date d'entrée en France déclarée par l'intéressée et les circonstances que ses liens familiaux en France ne sont pas établis et qu'elle ne justifie pas être démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine. La décision se réfère ainsi à la durée de sa présence sur le territoire français et à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France. Le préfet précise également que l'intéressée ne constitue pas une menace pour l'ordre public et n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Il cite par ailleurs l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision d'interdiction de retour comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit donc être écarté.
14. Ainsi qu'il vient d'être dit, le préfet s'est fondé, pour édicter la décision en litige, sur la date d'entrée en France déclarée par Mme F..., qui est très récente, sur l'absence de liens familiaux en France et sur la circonstance qu'elle ne justifie pas être démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine. Le préfet de l'Hérault s'est ainsi fondé sur les critères mentionnés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prononcer la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français et n'a pas, au vu de ces critères, commis d'erreur d'appréciation, tant sur le principe de l'interdiction de retour sur le territoire français que sur sa durée. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation entachant cette décision ne peut donc qu'être écarté.
15. Enfin, Mme F..., entrée très récemment en France, n'établit pas, comme il a été dit, ne pas être en mesure de voyager sans risque vers la Géorgie ni ne pouvoir recevoir dans son pays d'origine un traitement approprié à sa pathologie. Elle n'établit pas plus l'existence de violences dont elle pourrait être victime en cas de retour en Géorgie. Enfin, elle n'établit pas ne pas pouvoir être représentée par son conseil lors de la procédure devant la cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision sur sa vie personnelle ne peut qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
17. Par voie de conséquence du rejet des conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme F..., il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
18. L'Etat n'étant pas la partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de Me B... présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 22 avril 2021 où siégeaient :
- M. E..., président-assesseur, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D..., première conseillère,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mai 2021.
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N°20MA01197