Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 mai 2019, la commune de Bormes-Les-Mimosas, représentés par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 mars 2019 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de rejeter la demande de la SCI Laurie ;
3°) de mettre à la charge de la SCI Laurie la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable, faute pour la SCI Laurie de justifier d'un intérêt à agir ;
- le tribunal a retenu à tort l'existence d'une fraude liée à la réalisation de travaux de remblaiement ;
- le permis de construire autorisé ne méconnaît pas l'article UD7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Bormes-Les-Mimosas.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., substituant Me D..., représentant la commune de Bormes-Les-Mimosas.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 7 juin 2016, le maire de la commune de Bormes-Les-Mimosas a délivré à M. A... un permis de construire des bureaux avec garage, pour une surface de plancher totale de 37 m², sur une parcelle située 338 chemin de la Mer-La Favière, cadastrée section AX n° 238p. La SCI Laurie a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler cet arrêté. La commune de Bormes-Les-Mimosas relève appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel le tribunal a fait droit à cette demande et a annulé l'arrêté du 7 juin 2016.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article L. 60012 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire (...) que si la construction, (...) ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 26115 du code de la construction et de l'habitation ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments, suffisamment précis et étayés, de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Il appartient ensuite au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celuici. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. Il ressort des pièces du dossier que la construction objet du permis de construire en litige prend appui sur le garage de la maison d'habitation située sur la parcelle cadastrée section AX n° 241, propriété de la SCI Laurie. La réalisation de ce garage s'appuyant sur un bâtiment dépourvu jusqu'alors de mitoyenneté est susceptible d'entraîner une dévalorisation de la propriété de la SCI Laurie, fut-elle modeste. En outre, la SCI Laurie fait état de remontées d'humidité dans son garage, consécutives au remblaiement qui a rendu, selon elle, possible la délivrance du permis de construire. La SCI Laurie, voisine immédiate, invoque ainsi des éléments relatifs à la nature, à l'importance et à la localisation du projet de construction et justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité à agir.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". En vertu de ces dispositions, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions précitées de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges.
6. En premier lieu, l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme dispose : " Le projet architectural comprend une notice précisant :1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet :a) l'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ;d) Les matériaux et les couleurs des constructions ;e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ". Aux termes de l'article UD 10 du règlement du plan local d'urbanisme : " A l'intérieur des secteurs UDa, UDb, UDc et UDe : Les hauteurs absolues H et h sont définies et mesurées comme il est indiqué à l'annexe 10 du présent règlement. - la hauteur H est fixée à un maximum de 7 mètres sauf dispositions contraires portées sur le document graphique dans le secteur UDe. - la hauteur h ne peut excéder 2,5 mètres. Toutefois une tolérance de 1 mètre maximum au-delà de cette hauteur peut être admise pour les superstructures et édicules techniques dans le cas de contraintes techniques dûment justifiées. Pour les constructions annexes situées sur les limites séparatives, la hauteur (H) est de 2,50 mètres et la hauteur h est limitée à 1 mètre (...) ". Enfin, l'annexe 10 du règlement dispose que " la hauteur H [est] mesurée depuis le niveau du sol naturel ou excavé jusqu'à l'égout des toitures en pente ou à l'arête supérieure de l'acrotère des toitures terrasse ".
7. D'une part, le garage du projet en litige implanté en limite séparative de propriété, constitue une annexe au sens des dispositions précitées, et sa hauteur à l'égout du toit ne peut excéder 2,50 mètres. C'est du reste la hauteur du garage telle qu'elle figure au plan de coupe.
8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des échanges de correspondances entre la commune de Bormes-Les-Mimosas et des habitants du quartier, que M. A... a procédé à un remblaiement de son terrain, en l'exhaussant d'une hauteur d'environ 50 centimètres. M. A... n'a apporté aucune explication sur la réalisation de ces travaux de remblaiement et doit être regardé comme y ayant procédé afin de réaliser un garage à une hauteur supérieure à celle autorisée par le règlement du plan local d'urbanisme. Ainsi que l'a jugé le tribunal, il a omis d'indiquer dans sa demande de permis de construire les modifications apportées au niveau de son terrain pour induire en erreur le service instructeur de sa demande de permis de construire. Il a ainsi usé de manoeuvres frauduleuses pour pouvoir réaliser son projet de construction. C'est donc à bon droit que le tribunal a annulé pour ce motif l'arrêté portant permis de construire.
9. En deuxième lieu, le tribunal a retenu également le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UD7 du règlement du plan local d'urbanisme, lequel dispose : " Dans les secteurs UDa. UDb et UDc 1. Les constructions doivent être implantées à une distance minimale de 4 mètres des limites séparatives. 2. Toutefois, la construction sur la limite séparative est autorisée : Lorsqu'il s'agit d'édifier des bâtiments jointifs ou mitoyens de hauteur et de caractère sensiblement identiques Lorsqu'il s'agit d'édifier un bâtiment nouveau adossé à un bâtiment existant situé en limite séparative, dès lors que le bâtiment nouveau est de hauteur et de caractéristique sensiblement identiques au bâtiment existant. Dans le cas où la limite séparative correspond à une limite de zone du PLU, la hauteur maximale du bâtiment nouveau ne doit pas excéder la hauteur autorisée dans la zone. Lorsqu'il s'agit d'édifier des constructions annexes à la construction principale à condition que la longueur en mitoyenneté de la totalité des constructions (annexes et principales) n'excède pas le 1/3 de la longueur de la limite séparative.
10. Le tribunal a relevé que la longueur de la construction annexe implantée en limite séparative excède le 1/3 de la longueur de la limite séparative avec la propriété de la SCI Laurie. Contrairement à ce que soutient la commune de Bormes-Les-Mimosas, eu égard à l'objet de la règle énoncée ci-dessus, qui est de protéger les propriétaires mitoyens, la longueur de la limite séparative ne doit pas être déterminée en prenant en compte l'ensemble des propriétés qui jouxtent la propriété de M. A..., mais en prenant en compte la longueur de la limite séparative entre la propriété de M. A... et celle de la SCI Laurie. C'est ainsi à bon droit que le tribunal a jugé que le permis de construire en litige méconnaît l'article UD7 du règlement précité du plan local d'urbanisme de la commune de Bormes-Les-Mimosas.
11. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bormes-Les-Mimosas n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 7 juin 2016. Par suite ses conclusions accessoires fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Bormes-Les-Mimosas est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bormes-Les-Mimosas et à la SCI Laurie.
Délibéré après l'audience du 4 février 2021, où siégeaient :
- M. Poujade, président,
- M. B..., président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 février 2021
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N°20MA02284
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