Procédure devant la Cour :
I°) Par une requête enregistrée le 13 novembre 2020 sous le n° 20MA04337, Mme B... épouse A..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 octobre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de l'admettre au séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnait les articles 7 ter et 7 quater de l'accord franco-tunisien ainsi que les articles L. 313-11 4° et L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme B... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2021
II°) Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2020, sous le n° 20MA04338, Mme B... épouse A..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 14 octobre 2020 ;
2°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables ;
- elle invoque des moyens sérieux et justifie remplir les conditions d'obtention d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'accord franco-tunisien ;
- la décision attaquée emportera des conséquences difficilement réparables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme B... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 11 juin 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de renouvellement de titre de séjour que lui avait présentée le 27 janvier 2020 Mme A..., ressortissante tunisienne, en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par une requête enregistrée sous le n° 20MA04337, Mme A... relève appel du jugement du 14 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Et par une requête enregistrée sous le n° 20MA04338, elle demande à la Cour de surseoir à l'exécution dudit jugement.
Sur la jonction :
2. Les affaires enregistrées sous les nos 20MA04337 et 20MA04338 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, Mme A... qui n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces stipulations.
4. En deuxième lieu, en vertu de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Par ailleurs, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à 1'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / 1 a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé ... ", l'article 11 de cet accord stipulant que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation ". En outre, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français". Et selon l'article L. 313-12 du même code, en vigueur à la date de la décision attaquée : " La carte délivrée au titre de l'article L. 313-11 donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ... ".
5. D'une part, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre. Par l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu créer un droit particulier au séjour au profit des personnes victimes de violences conjugales ayant conduit à la rupture de la vie commune avec leur conjoint de nationalité française. La circonstance que l'article 10 de l'accord franco-tunisien ne prévoit pas le cas des personnes pour lesquelles la communauté de vie a été rompue, pour le motif évoqué ci-dessus, ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, il incombe à l'autorité préfectorale, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'intéressé justifie le renouvellement du titre à la date où il se prononce, en tenant compte, notamment, du délai qui s'est écoulé depuis la cessation de la vie commune et des conséquences qui peuvent encore résulter, à cette date, des violences subies.
6. En l'espèce, il est constant que la communauté de vie avait cessé entre Mme A... et son époux de nationalité française depuis le 21 septembre 2019. Par suite, elle ne peut se prévaloir de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, ni, en tout état de cause, du 4° l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Si la requérante soutient avoir fait l'objet de violences physiques et psychologiques et produit la copie d'un procès-verbal de plainte qu'elle a déposée au commissariat le 7 octobre 2019 pour violences conjugales, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une suite judiciaire ait été donnée à cette plainte. En outre, l'attestation établie le 10 novembre 2020 par la psychologue et l'infirmière du centre d'hébergement Edouard Toulouse qui la suivent depuis le mois de novembre 2019 se borne, s'agissant des violences alléguées, à reprendre les dires de l'intéressée. Dans ces conditions, la réalité des violences invoquées par la requérante n'est pas établie et elle n'est donc pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué méconnait l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En troisième et dernier lieu, la requérante, âgée de cinquante-trois ans à la date de la décision attaquée, est arrivée en France le 25 février 2019, dans le cadre d'une procédure de regroupement familial, et était donc présente en France depuis seulement seize mois à la date de la décision attaquée. Elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a passé la majeure partie de sa vie. Et elle ne justifie pas d'une insertion socio-professionnelle en France suffisante en produisant plusieurs contrats de travail à durée déterminée, pour des périodes variant d'une journée à plusieurs mois entre le 16 octobre 2019 et la date de la décision attaquée, ainsi qu'un contrat d'engagement réciproque conclu avec l'association intermédiaire " ADPEI " pour la période du 10 février 2020 au 10 février 2021. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2020. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :
10. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement attaqué du 14 octobre 2020, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20MA04338 de Mme A....
Article 2 : Les conclusions de la requête n° 20MA04337 de Mme A... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A..., au ministre de l'intérieur et à Me E....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 avril 2021, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 avril 2021.
Le rapporteur,
Signé
I. D...La présidente,
Signé
L. HELMLINGER
La greffière,
signé
D. GIORDANO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 20MA04337, 20MA04338
nb