Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 4 août 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mars 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 13 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que sa requête est recevable.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- la décision attaquée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour emporte l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations en défense.
M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- et les observations de Me D... représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 11 juin 1982, a demandé au préfet des Bouches-du-Rhône un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 31 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 13 novembre 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination.
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est père de deux enfants, respectivement nés sur le territoire français en mai 2017 et en février 2020, issus d'une union avec Mme C..., mère d'un enfant français et titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2029. S'il s'est momentanément séparé de cette dernière, l'attestation de Mme C... ainsi que des photographies démontrent que pendant la période de séparation du couple, M. A... continuait de subvenir aux besoins de son premier enfant, né avant la date de la décision attaquée. A ce titre, il produit de copies de virements effectués à destination de Mme C..., de novembre 2018 à juillet 2019, au titre de la contribution alimentaire d'un montant de 50 euros fixée par le jugement du 2 avril 2019 du juge des affaires familiales ainsi que de nombreuses factures portant sur des achats réguliers d'articles de puériculture de mars 2017 à décembre 2019. Il produit en outre la rupture du pacte civil de solidarité conclu avec son ex-compagne, Mme B..., du 5 août 2019, et déclare s'être désormais installé définitivement chez la mère de ses enfants depuis le mois de novembre 2019. Dans ces conditions, M. A... justifie de l'intensité des liens qui l'unissent à son premier enfant et de son implication dans l'éducation et la vie de celui-ci. Ainsi, en refusant le titre de séjour sollicité et en prenant à l'encontre de M. A... une mesure d'éloignement, le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant du requérant et que, par suite, la décision en litige est entachée d'illégalité au regard des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Elle doit, dès lors, pour ce seul motif, être annulée.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par suite, le jugement et l'arrêté attaqué doivent être annulés.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et ressortant des pièces du dossier, la délivrance à l'intéressé d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, sur le fondement des dispositions précitées, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, de délivrer à M. A... ce titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au conseil de M. A... en application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1911004 du 31 mars 2020 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 13 novembre 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. A... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros au conseil de M. A... en application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me D... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., au ministre de l'intérieur et à Me D....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. E..., président de chambre,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2020.
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N° 20MA02693
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