Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 décembre 2014 et 30 juin 2016, M. et Mme D..., représentés par Me E..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 octobre 2014 ;
2°) à titre principal de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Toulon ;
3°) subsidiairement, de faire application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme en annulant le permis de construire seulement en tant qu'il autorise le revêtement en zinc de la toiture ;
4°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la construction est légale et ne peut être remise en cause dès lors qu'elle existait avant l'année 1968 ;
- le service instructeur disposait de l'ensemble des éléments nécessaires pour apprécier la nature de la modification apportée à la toiture ;
- leur propriété bénéficie d'une servitude de cour commune permettant de déroger aux règles de prospect ;
- la hauteur du bâtiment, s'appréciant à l'égout du toit, est inchangée ;
- les modifications apportées à la toiture ne portent pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants et ne sont pas visibles depuis le rivage ;
- les dispositions de l'article L. 600-5 permettent l'annulation partielle du permis de construire.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 août 2015 et 28 juillet 2016, Mme C... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge solidaire de la commune de Carqueiranne et de M. et Mme D... la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le projet consiste en une surélévation du bâtiment interdite par les dispositions de l'article ND 10 du plan d'occupation des sols ;
- les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 27 juillet 2015, la commune de Carqueiranne demande à la Cour l'annulation du jugement susvisé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gonneau,
- les conclusions de Mme Giocanti,
- et les observations de Me E..., représentant M. et Mme D..., et de Me A..., substituant Me F..., représentant Mme C....
1. Considérant que, par un arrêté du 13 avril 2012, le maire de la commune de Carqueiranne a délivré à M. et Mme D... un permis de construire pour étendre un bâtiment existant, en modifier la toiture ainsi que des ouvertures en façades et supprimer un balcon ; que M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 15 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision à la demande de Mme C... ;
2. Considérant que les conclusions d'appel de la commune de Carqueiranne, partie au litige en première instance, qui ont été présentées au-delà du délai d'appel de deux mois décompté à compter de la date de notification du jugement attaqué, ne peuvent être accueillies ni regardées comme une intervention dans le présent litige ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant en premier lieu qu'il ressort des pièces du dossier que la construction de la villa faisant l'objet des travaux en litige a été autorisée par un arrêté du 2 mai 1956 produit pour la première fois en appel ; que les circonstances que cet arrêté ne comporte pas la signature du maire et que les plans annexés ne sont pas visés ne sont pas de nature à remettre en cause l'existence et l'authenticité de cet arrêté ; qu'il n'est pas non plus établi par Mme C... que la villa aurait été édifiée en méconnaissance de ce permis de construire ; que c'est ainsi à tort que le tribunal a considéré que ce bâtiment n'avait pas d'existence légale et que les travaux en litige ne pouvaient être autorisés en l'absence de régularisation du bâtiment dans sa totalité ;
4. Considérant en deuxième lieu que la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable ;
5. Considérant qu'en l'espèce le dossier de demande de permis de construire comprenait des plans de façade et un plan de masse annotés ainsi qu'une note architecturale succincte qui permettaient d'identifier les modifications apportées au bâtiment ; que les éléments constituant le dossier en cause, alors qu'en outre la demande d'autorisation se référait expressément au permis de construire obtenu peu de temps auparavant, n'étaient ainsi pas de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet, d'une portée limitée consistant à agrandir un bâtiment existant de quelques mètres carrés, à en modifier la toiture ainsi que des ouvertures en façades et à supprimer un balcon ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal a considéré que le dossier de demande de permis de construire était insuffisant au regard des dispositions des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article ND 11 du plan d'occupation des sols : " En aucun cas, les constructions et installations ne doivent, par leur situation, leurs dimensions ou leur aspect extérieur, porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites et aux paysages naturels " ;
7. Considérant que si la villa en cause est située près du rivage, elle fait toutefois partie d'un ensemble urbanisé de manière diffuse constitué par des villas de type traditionnelle ou avec des toits-terrasses et qui ne revêt pas de caractère ou d'intérêt particulier tel que les travaux autorisés pourraient être regardés comme y portant atteinte ; qu'en outre la partie du toit concernée par les travaux en litige n'est pas visible du rivage ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal a estimé que le projet en cause méconnaissait les dispositions précitées de l'article ND 11 au motif qu'il comportait la réalisation d'une haute toiture métallique à pente inversée visible depuis le rivage ;
8. Considérant toutefois qu'aux termes de l'article ND 7 du plan d'occupation des sols : " 1° La distance comptée horizontalement de tout point d'un bâtiment au point le plus proche des limites séparatives du terrain, doit être au moins égal à 4 m et jamais inférieure à la différence d'altitude entre ces deux points (...) " ; qu'eu égard à la finalité de cette disposition, qui vise à limiter la hauteur des bâtiments en limite séparative, il y a lieu de mesurer cette hauteur au faîtage et non à l'égout du toit, lorsque la façade, correspondant à un mur pignon, ne comporte pas d'égout du toit face au point le plus rapproché de la limite parcellaire ;
9. Considérant que la façade Ouest du bâtiment faisant l'objet de l'autorisation contestée n'est pas surmontée d'une toiture et correspond ainsi à un mur pignon ; que sa hauteur doit en conséquence être mesurée au faîtage, lequel est coté à 26,78 m, alors que la limite parcellaire face à ce point est coté à 18,80 m ; qu'ainsi la distance de 6 m séparant ce point de la limite parcellaire est inférieure, en méconnaissance des dispositions précitées, à leur différence d'altitude ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 471-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'en application des dispositions d'urbanisme la délivrance du permis de construire est subordonnée, en ce qui concerne les distances qui doivent séparer les constructions, à la création, sur un terrain voisin, de servitudes de ne pas bâtir ou de ne pas dépasser une certaine hauteur en construisant, ces servitudes, dites "de cours communes", peuvent, à défaut d'accord amiable entre les propriétaires intéressés, être imposées par la voie judiciaire dans des conditions définies par décret. Les mêmes servitudes peuvent être instituées en l'absence de document d'urbanisme ou de mention explicite dans le document d'urbanisme applicable " ;
11. Considérant que la stipulation de l'acte de vente de la villa en cause du 13 mai 1968 selon laquelle le vendeur autorise " à agrandir la construction actuellement existante sur la parcelle vendue, jusqu'à la limite séparant la propriété présentement vendue et la propriété restant à [lui] appartenir " constitue un simple accord pour construire en limite de propriété et non pas une servitude frappant d'inconstructibilité le terrain voisin pour l'application de règles de prospect dont, en l'espèce, il n'est pas même établi qu'à la date de l'acte du 13 mai 1968 elles auraient existé ; que le moyen tiré de l'existence d'une servitude de cour commune doit, par suite, être écarté ;
12. Considérant que la circonstance qu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan d'occupation des sols régulièrement approuvé ne s'oppose pas, en l'absence de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, à la délivrance ultérieure d'un permis de construire s'il s'agit de travaux qui, ou bien doivent rendre l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues, ou bien sont étrangers à ces dispositions ; qu'aux termes de l'article 4 des dispositions générales du plan d'occupation des sols : " Lorsqu'un immeuble bâti existant n'est pas conforme aux règles édictées par le règlement applicable à la zone, le permis de construire ne peut être accordé que pour des travaux qui ont pour objet d'améliorer la conformité de ces immeubles avec lesdites règles, ou qui sont sans effet à leur égard. " ;
13. Considérant que les travaux de surélévation partielle de la toiture n'ont pas pour objet d'améliorer la conformité du bâtiment en cause aux dispositions de l'article ND 7 et qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 8 et 9 qu'elles ne sont pas sans effet à leur égard ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation. " ;
15. Considérant qu'il ressort des points 8 à 13 que la méconnaissance des dispositions de l'article ND 7 du plan d'occupation des sols n'est pas régularisable par un permis modificatif ; que c'est par suite à bon droit que les premiers juges n'ont pas fait application des dispositions précitées ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 13 avril 2012 du maire de Carqueiranne ;
Sur les conclusions de M. et Mme D... présentées en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :
17. Considérant que ces conclusions doivent être rejetées par les mêmes motifs que ceux exposés au point 15 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administratif :
18. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
19. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. et Mme D... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font aussi obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Carqueiranne, qui n'est pas partie dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme D... le versement à Mme C... d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme D... verseront à Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de Mme C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées à l'encontre de la commune de Carqueiranne sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... D...et à Mme C....
Copie en sera adressée à la commune de Carqueiranne.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Josset, présidente assesseure,
- M. Gonneau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2016.
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N° 14MA05118