Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 août 2017, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;
3°) d'annuler l'arrêté du 28 juillet 2017 du préfet de l'Hérault lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai assorti d'une interdiction de retour de trois années ;
4°) d'annuler le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
5°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation administrative ;
6°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des article 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 200 euros à verser à Me C..., qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- les dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la durée de trois années de cette mesure méconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés et renvoie à ses écritures de première instance.
La demande d'aide juridictionnelle de M. D... a été rejetée par une décision du 30 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations du public avec l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Silvy, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A... D..., ressortissant tunisien né le 17 mars 1982, relève appel du jugement du 8 août 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 28 juillet 2017 qui lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois années ;
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. D... relative à la présente procédure a été rejetée par une décision du 30 octobre 2017; qu'il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions de sa requête tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision faisant obligation de quitter le territoire français :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III.. (...) / II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) " ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle (...) " ;
6. Considérant, en premier lieu, que la décision d'éloignement attaquée comporte l'indication des textes dont il a été fait application et notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles L. 511-1 I (1°, 3° et 7°) et L. 511-1 II (1° et 3° a, d et f) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle fait état des circonstances d'entrée irrégulière sur le territoire français du requérant, de l'exécution de la peine d'emprisonnement prononcée par le tribunal correctionnel de Béziers et de ses précédentes condamnations pénales, du défaut d'exécution d'une précédente décision lui faisant obligation de quitter le territoire français prononcée le 25 juillet 2013 par le préfet des Alpes-Maritimes et des trois décisions d'interdiction de territoire ; qu'elle fait également état de ses déclarations relatives à son épouse et à son fils, qui résideraient sur le territoire de la commune de Béziers, en contradiction avec les propos tenus lors d'une précédente audition du 23 juin 2017 par les services de police ; que la circonstance que l'autorité administrative a estimé que M. D... ne justifiait pas, au cours de l'entretien du 11 juillet 2017, avoir reconnu son fils et contribuer à son entretien et à son éducation est sans incidence sur le caractère circonstancié des motifs de droit et de fait qu'elle a retenus ; que, par suite, la décision attaquée du préfet de l'Hérault portant obligation de quitter le territoire français comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent et doit être regardée comme suffisamment motivée ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit dès lors, être écarté comme manquant en fait ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que, si M. D... fait valoir que le préfet de l'Hérault a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant la mesure d'éloignement en litige, les dispositions de cet article sont applicables aux seules mesures d'expulsion régies par les articles L. 521-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont, par suite, sans incidence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige ; que ce moyen doit, par suite, être écarté comme inopérant ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D... n'établit pas, par des pièces probantes, les cinq années de séjour irrégulier sur le territoire français dont il se prévaut ; qu'il est célibataire, ne justifie pas de la relation de concubinage qu'il allègue avec la mère de son fils et qu'il n'est pas contesté qu'il conserve des attaches familiales en Tunisie, pays dans lequel il a vécu plus de trente années ; qu'il se borne, enfin, à produire des attestations et des preuves de virement bancaires à la mère de son fils, depuis l'établissement pénitentiaire dans lequel il est détenu, qui sont utilement contredites par la démonstration par l'autorité administrative de virements à son profit émanant de la mère du jeune E...D..., lesquelles opérations ont pour effet de neutraliser, en tout ou partie, ces prétendues contributions ; qu'il en résulte que le préfet de l'Hérault n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive en lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai au regard des finalités poursuivies par cette mesure et de ses effets ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté ;
En ce qui concerne la décision faisant interdiction de retour sur le territoire français :
10. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. (...) / Lorsque l'étranger faisant l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu'il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l'obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l'interdiction de retour poursuit ses effets, l'autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans. / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) / Lorsqu'un étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire assortie d'une interdiction de retour justifie, selon des modalités déterminées par voie réglementaire, avoir satisfait à cette obligation dans le délai imparti, au plus tard deux mois suivant l'expiration de ce délai de départ volontaire, l'interdiction de retour est abrogée. Toutefois, par décision motivée, l'autorité administrative peut refuser cette abrogation au regard de circonstances particulières tenant à la situation et au comportement de l'intéressé. " ;
11. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des termes de l'arrêté du préfet de l'Hérault et de ce qui a été dit au point 4 que la décision faisant interdiction de retour sur le territoire français à M. D... est suffisamment motivée en droit ; qu'elle fait état des quatre condamnations pénales de celui-ci, dont l'une pour des faits de violence sur conjoint ou ex-conjoint qui a justifié le prononcé d'une peine d'une année d'emprisonnement ; que l'autorité administrative a relevé que sa durée de présence alléguée sur le territoire français n'était pas sérieusement établie et qu'il avait déjà fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement auxquelles il n'avait pas déféré ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français doit par suite, être écarté comme manquant en fait ;
12. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et de ce qui a été dit au point 7 que M. D... n'établit pas l'ancienneté et l'intensité de ses attaches familiales en France et notamment de liens particuliers avec son fils français ; qu'il est également constant que M. D... a été poursuivi en quatre occasions pour des infractions à la loi pénale et en dernier lieu pour des actes de violences volontaires ; que, dans ces circonstances, la décision du préfet de l'Hérault lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois années n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard de son objet et de ses effets ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. D..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation administrative et de faire procéder à la suppression de son signalement aux fins de non-admission dans le Système d'Information Schengen ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
14. Considérant qu'en vertu des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. D... doivent, dès lors, être rejetées ; qu'en l'absence de dépens dans la présente instance, les conclusions tendant à la condamnation de l'État à supporter les entiers dépens ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle à titre provisoire présentée par M. D....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2018, où siégeaient :
- M. Poujade, président de chambre,
- Mme B..., première conseillère,
- M. Silvy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2018.
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N° 17MA03686