Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2021, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 septembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 24 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il écarte le moyen tiré du défaut d'examen réel et complet de sa situation ;
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il écarte le moyen tiré du défaut de motivation de l'interdiction de retour ;
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il écarte le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qui entacherait la décision d'interdiction de retour ;
- le magistrat désigné a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours est entachée d'un défaut d'examen réel et complet ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale ;
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et complet ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet n'est pas en situation de compétence liée pour prendre une interdiction de retour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1 III du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité ukrainienne, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet de l'Hérault du 24 juillet 2020 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de sa destination et lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une durée de quatre mois, en reprenant, pour l'essentiel, les moyens invoqués devant le premier juge.
2. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents (...) des formations de jugement des cours (...) peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...), après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ".
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, pour écarter les moyens tirés du défaut d'examen réel et complet de la situation de Mme A... et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui entacheraient la décision portant obligation de quitter le territoire français, le premier juge a considéré que le préfet a examiné les conséquences de la décision au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale et a relevé que la requérante n'a apporté aucun élément nouveau de nature à établir qu'elle encourrait des risques en cas de retour en Ukraine. En outre, pour écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet en prononçant à l'encontre de Mme A... une interdiction de retour d'une durée de quatre mois, le magistrat désigné a considéré qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait porté une appréciation manifestement erronée sur les conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ". Il a, ce faisant, suffisamment motivé son jugement sur ces points. Il a, de même, écarté le moyen tiré de ce que l'interdiction de retour serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation par une motivation suffisante au point 20 du jugement.
4. En deuxième lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme A... ne peut donc utilement se prévaloir de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le premier juge pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. / (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que le préfet, s'il a la faculté d'examiner, le cas échéant d'office, le droit d'un étranger demandeur d'asile auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé de demeurer sur le territoire français à un autre titre que l'asile, ne peut le faire qu'avec les éléments sur la situation de l'intéressé dont il dispose. Il ressort de ces mêmes termes que Mme A... a fait l'objet d'une décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 31 octobre 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 10 octobre 2019, qu'elle a déclaré vivre en concubinage avec un ressortissant ukrainien, qu'elle est mère de deux enfants mineurs et est entrée en France avec sa famille le 24 janvier 2018. En outre, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que le préfet a relevé que l'intéressée " ne remplit pas les conditions pour se voir attribuer une carte de résident (...), n'était pas reconnue réfugié, ni une carte de séjour temporaire (...) ". Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et complet de la situation de Mme A... et de ce que la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...) ". Aux termes des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France le 24 janvier 2018, en compagnie de ses deux enfants mineurs. Ainsi, à la date de la décision contestée, l'intéressée bénéficie d'une durée de séjour récente de deux ans. Par ailleurs, son concubin et père de l'un de ses enfants, qui a la même nationalité, a également fait l'objet d'une décision de rejet de sa demande d'asile et ne dispose d'aucun titre lui permettant de séjourner en France. Or, le droit au respect de la vie privée et familiale ne peut s'interpréter comme comportant pour un Etat l'obligation générale de respecter le choix par des couples de leur domicile commun sur son territoire. Ainsi, alors même que la requérante se prévaut de la présence au foyer de l'enfant D... née le 25 avril 2007, scolarisée en classe de quatrième, ainsi que de l'enfant E... née le 26 septembre 2014, scolarisée en classe de CP, elle ne justifie d'aucun obstacle à ce que la cellule familiale, dont tous les membres ont la même nationalité, se reconstitue en Ukraine, et à ce que les enfants du couple y poursuivent leur scolarité. La requérante ne peut davantage être regardée comme étant dépourvue de toute attache dans son pays d'origine. Enfin, elle ne saurait se prévaloir d'une activité professionnelle qu'elle a débuté postérieurement à l'arrêté préfectoral litigieux. Par suite, eut égard à la durée et aux conditions de séjour en France de Mme A..., le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché d'erreur manifeste son appréciation sur la situation personnelle de Mme A....
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Mme A... ne justifie de l'existence d'aucune atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants, qui peuvent poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine, au sens des stipulations précitées, en cas de retour en Ukraine. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit dès lors être écarté.
11. En cinquième lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire litigieuse, des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont relatives qu'à l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers et dont le préfet n'a pas fait application. Il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier que Mme A... ait déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Compte tenu de ce qui a été exposé précédemment, Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire contestée pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination.
13. Les moyens tirés de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en ne procédant pas à un examen particulier de sa situation et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet dans l'appréciation de sa situation personnelle, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné aux points 14 et 15 de son jugement, la requérante ne justifiant pas plus en appel qu'en première instance de la réalité des risques qu'elle encourrait en cas de retour en Ukraine, et en dépit du rejet de sa demande d'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 31 octobre 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 10 octobre 2019.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :
14. En premier lieu, la mesure d'éloignement n'étant pas entachée d'illégalité, ainsi qu'il résulte des points 6 à 12, Mme A... n'est pas fondée à exciper d'une telle illégalité au soutien de ses conclusions formulées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
15. En second lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'insuffisance de motivation de la décision contestée, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet, qui avaient été précédemment invoqués dans les mêmes termes devant le juge de première instance, par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné aux points 19 et 20 de son jugement. Enfin, il ne ressort pas des termes de l'arrêté que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour prendre à l'encontre de Mme A... une décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
16. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de Mme A..., qui est manifestement dépourvue de fondement, au sens des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée, en application de ces dispositions, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B... A....
Fait à Marseille, le 26 mars 2021.
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N° 21MA00371