Par un jugement n° 1602145 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune de Sanary-sur-Mer à verser à Mme E... la somme de 9 354 euros et à la CPAM du Var les sommes de 13 377 euros au titre des débours et 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et a mis à sa charge les frais de l'expertise médicale.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 septembre 2019 et le 31 juillet 2020, la commune de Sanary-sur-Mer, représentée par la SCP Margall, B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 5 juillet 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif de Toulon et les conclusions de la CPAM du Var ;
3°) de mettre à la charge de Mme E... la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les circonstances de l'accident ne sont pas établies par des attestations rédigées plus d'un an après les faits qui n'ont pas de valeur probante ;
- aucun défaut d'entretien ne peut lui être reproché ;
- la victime, qui avait connaissance des lieux, a manqué d'attention ;
- les frais d'assistance à expertise et le déficit fonctionnel permanent sont surévalués ;
- le déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire et le préjudice esthétique permanent ont été suffisamment évalués ;
- l'aide par une tierce personne, le préjudice d'agrément permanent et le préjudice sexuel permanent ne sont pas établis ;
- le préjudice d'agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire ont été indemnisés dans la cadre du déficit fonctionnel temporaire ;
- les frais d'expertise ne doivent pas être mis à sa charge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2020, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- de réformer le jugement du 5 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a limité à la somme de 9 354 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Sanary-sur-Mer en réparation du préjudice qu'elle a subi ;
- de porter à la somme de 31 465 euros le montant de l'indemnité due ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité de la commune de Sanary-sur-Mer est engagée pour défaut d'entretien normal du trottoir ;
- le lien de causalité entre la chute et la présence de feuilles mortes sur le trottoir est établie ;
- aucune inattention ou imprudence ne peut lui être reprochée ;
- les frais d'assistance à expertise et le déficit fonctionnel permanent ont été suffisamment indemnisés ;
- il y a lieu d'indemniser l'aide par une tierce personne, le préjudice d'agrément temporaire et les préjudices sexuels temporaire et définitif ;
- les autres préjudices ont été sous-évalués.
Par des mémoires, enregistrés le 27 février 2020 et le 24 septembre 2020, la CPAM du Var, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de réformer le jugement du 5 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a limité à la somme de 13 377 euros le montant des débours au versement duquel il a condamné la commune de Sanary-sur-Mer ;
3°) de porter aux sommes de 26 755,37 euros le montant des débours et 1 091 euros l'indemnité forfaitaire de gestion ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle justifie des débours exposés pour son assurée sociale en lien avec la chute pour une somme de 26 755,37 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la commune de Sanary-sur-Mer.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Sanary-sur-Mer relève appel jugement du 5 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon, après avoir retenu que sa responsabilité était engagée, à hauteur de 50%, en raison de la chute dont Mme E... a été victime le 17 décembre 2013, l'a condamnée à verser à cette dernière la somme de 9 354 euros et, à la CPAM du Var, les sommes de 13 377 euros au titre des débours et de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et a mis à sa charge les frais d'expertise. Mme E... conclut au rejet de la requête et sollicite, par la voie de l'appel incident, que le montant des indemnités qui lui sont dues soit porté à la somme de 31 165 euros. La CPAM du Var sollicite un meilleur remboursement des débours qu'elle a exposés pour le compte de son assurée.
Sur la responsabilité :
2. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit que l'ouvrage était en état d'entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.
3. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement des attestations de trois témoins oculaires, que le 17 décembre 2013 en fin de matinée Mme E... a glissé sur les feuilles mortes jonchant le trottoir du chemin des Mas de l'Huide devant la piscine municipale et est tombée contre l'arrête de l'espace délimitant le tour d'un arbre. La valeur probante de ces attestations n'est pas susceptible d'être remise en cause par l'appelante, quand bien même elles ont été établies plus d'un an après l'accident, dès lors qu'elles sont particulièrement circonstanciées sans être identiques et qu'elles ont été réitérées par leurs auteurs en 2018 dans des termes similaires. Il suit de là que, contrairement à ce qui est soutenu par la commune de Sanary-sur-Mer, la matérialité des faits et le lien de causalité entre le dommage et l'ouvrage public sont démontrés ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges.
4. La présence d'un tapis de feuilles mortes sur les lieux de l'accident depuis plusieurs jours est établie par ces mêmes attestations ainsi que par d'autres témoignages, qui ne sont pas dépourvus de valeur probante pour les mêmes raisons que celles précisées au point précédent. Ainsi, et dès lors qu'elle n'établit, ni même n'allègue, que ses services de propreté procèdent à un nettoyage régulier ou, à tout le moins, à un enlèvement régulier des feuilles mortes qui encombrent le trottoir sur lequel a chuté Mme E..., la commune de Sanary-sur-Mer n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu que la présence de ces feuilles révèle un défaut d'entretien normal de la voie publique de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la victime.
5. Il résulte toutefois de l'instruction que Mme E... connaissait les lieux pour se rendre souvent à la piscine devant laquelle elle est tombée. Ainsi, et alors que la présence de feuilles mortes recouvrant totalement le trottoir aurait dû l'inciter à davantage de prudence, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la victime avait manqué de vigilance en cheminant sur le trottoir et commis une imprudence de nature à exonérer la commune de Sanary-sur-Mer de la moitié de sa responsabilité.
Sur les préjudices :
6. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que Mme E... a eu besoin de dix-neuf heures d'assistance par aide-ménagère pendant une période d'un mois et demi à compter de la date de son retour à son domicile, qui a été prise en charge par son assurance et qui, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, ne peut être indemnisée. Il résulte toutefois de l'instruction que l'intéressée a aussi eu besoin de l'aide d'une tierce personne non spécialisée supplémentaire qui lui a été apportée par deux amies du 26 décembre 2013 au 26 février 2014 à raison de quatre heures par semaine. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 31331 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours et d'un taux horaire de 13 euros, fixé en fonction du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette période, augmenté des charges sociales. Les frais liés à l'assistance par une tierce personne doivent ainsi être évalués à la somme totale de 810 euros.
7. L'expert a retenu un déficit fonctionnel temporaire total pour une durée de 8 jours ainsi qu'un déficit fonctionnel partiel de 50 % pour la période comprise entre le 26 décembre 2013 et le 26 février 2014, puis de 25 % pour la période allant du 27 février au 27 mars 2014 et de 10 % pour la période du 28 mars au 17 décembre 2014. Les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante de ce préjudice destiné à indemniser les troubles dans les conditions d'existence de toute nature, incluant notamment les préjudices sexuel et d'agrément temporaires. Il y a lieu de porter à la somme de 1 210 euros le montant de l'indemnisation due.
8. Les premiers juges, en évaluant le montant de la réparation des souffrances endurées par Mme E... fixées à 3 sur une échelle allant de 1 à 7 à la somme de 3 800 euros, ont insuffisamment apprécié ce chef de préjudice, qui doit être évalué à la somme de 4 200 euros.
9. Mme E... subit un préjudice esthétique temporaire estimé, au vu du rapport d'expertise, à 2,5 sur une échelle allant de 1 à 7. Le tribunal n'a pas sous-évalué ce préjudice en fixant l'indemnité allouée à ce titre à la somme de 500 euros compte tenu de la brièveté de la période en cause.
10. L'intéressée reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 9%. Compte tenu de son âge à la date de consolidation de son état de santé, les premiers juges ont fait une évaluation de ce préjudice qui n'est pas excessive en fixant le montant de sa réparation à la somme de 11 000 euros.
11. Les premiers juges n'ont pas insuffisamment évalué le préjudice esthétique définitif de Mme E..., estimé à 1,5 sur une échelle allant de 1 à 7, en fixant le montant de sa réparation à la somme de 1 300 euros.
12. Le tribunal a procédé à une appréciation insuffisance du préjudice d'agrément de Mme E... qui ne peut plus pratiquer les nombreuses activités sportives qu'elle exerçait auparavant en le réparant à hauteur de la somme de 1 000 euros. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de porter le montant de cette évaluation à 2 500 euros.
13. Mme E... ne justifiant pas d'un préjudice sexuel, qui n'a pas été davantage retenu par l'expert, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande indemnitaire qu'elle a présentée à ce titre.
14. Eu égard à ce qui vient d'être dit, les préjudices dont Mme E... est fondée à demander réparation doivent être évalués à la somme de 21 520 euros dont la moitié, soit 10 760 euros, doit être mise à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer.
15. A la somme mentionnée au point précédent, il y a lieu d'ajouter la totalité des honoraires, d'un montant de 540 euros, acquittés par Mme E... pour l'assistance par un médecin-conseil au cours des opérations d'expertise, une telle assistance ayant présenté un intérêt pour la solution du litige et les honoraires de ce médecin ne présentant pas, contrairement à ce que soutient la commune appelante, un caractère excessif.
16. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la commune de Sanary-sur-Mer à payer à Mme E... une somme de 11 300 euros.
Sur les débours de la caisse :
17. Compte tenu du partage de responsabilité, c'est à bon droit que le tribunal a mis à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer une somme de 13 377 euros correspondant à la moitié des débours exposés au profit de son assurée par la CPAM du Var, dont les conclusions tendant à ce que ce montant soit porté au double de cette somme doivent, par suite, être rejetées.
Sur les dépens :
18. La commune de Sanary-sur-Mer reste en appel la partie perdante. Il suit de là qu'il y a lieu de laisser les frais et honoraires de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 899,27 euros par l'ordonnance du 29 septembre 2015 du président du tribunal administratif de Toulon, ainsi que l'a fait ce tribunal, à la charge de la commune.
Sur les frais liés au litige :
19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sanary-sur-Mer, partie perdante, la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme E... et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de cette dernière la somme que demande la commune de Sanary-sur-Mer au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a enfin pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la CPAM du Var sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Sanary-sur-Mer est rejetée.
Article 2 : La somme de 9 354 euros que la commune de Sanary-sur-Mer a été condamnée à verser à Mme E... par le jugement du tribunal administratif de Toulon du 5 juillet 2019 est portée à 11 300 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 5 juillet 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : La commune de Sanary-sur-Mer versera à Mme E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme E... par la voie de l'appel incident est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de la CPAM du Var sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sanary-sur-Mer, à Mme F... E... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme D..., présidente-assesseure,
- Mme G..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mars 2021.
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N° 19MA04149