Par un jugement n° 1802540 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juin 2019 et le 14 septembre 2020, Mme D... C..., représentée par Me Lapuelle, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 avril 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2017 du président du département de l'Aude ;
3°) d'enjoindre au département de l'Aude de produire l'intégralité de son dossier administratif, dans un délai de 15 jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre à cette même collectivité de reconstituer sa carrière, dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) d'enjoindre à cette même collectivité de rétablir ses droits sociaux et sa rémunération dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
6°) en tout état de cause, de mettre à la charge du département de l'Aude la somme de 3 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-sa requête est recevable ;
) Sur la régularité du jugement attaqué :
- en ne communiquant pas son mémoire en réplique enregistré le 5 avril 2019 et en omettant de le viser, alors qu'il soulevait un moyen nouveau tiré de l'erreur de fait, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité pour défaut de visa et d'analyse d'un mémoire ;
- en refusant de communiquer ce même mémoire en réplique, le tribunal a méconnu son obligation de rouvrir l'instruction ;
- en jugeant qu'elle n'a pas contesté avoir refusé de signer ses contrats conclus entre 2000 et 2004, et alors qu'elle a expressément contesté ces allégations dans le cadre de son mémoire en réplique, le tribunal a commis une erreur de fait ;
- en jugeant que la délégation de signature du président du département de l'Aude à Monsieur A... B..., directeur des ressources humaines, " pour signer des décisions relatives à la carrière des agents " n'était ni générale ni imprécise, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier ;
- en jugeant qu'elle ne pouvait exciper de l'illégalité d'arrêtés, qui ne reprennent pas non plus l'intégralité de sa carrière, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté du 20 novembre 2017, le tribunal a commis une erreur de droit ;
) Sur le bien-fondé du jugement :
- elle a intérêt à agir contre l'arrêté du 20 novembre 2017 ;
- les décisions attaquées sont entachées d'incompétence ;
- l'arrêté du 20 novembre 2017 est entaché d'une erreur de droit en ce que son administration ne l'a pas informée de son droit d'option et lui a arbitrairement appliqué son ancienneté reprise de ces contrats de 1997 à 2004 ;
- cet arrêté est également entaché d'une erreur de fait en ce qu'elle a été titularisée avant l'année 2004 ;
- s'agissant de la décision du 19 mars 2018 : son dossier ne lui a pas été communiqué intégralement ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2020, le département de l'Aude, représenté par Me Jean-Pierre, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requérante n'a pas d'intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté contesté du 20 novembre 2017 ;
- le président du département de l'Aude était en situation de compétence liée pour prendre cet arrêté et les moyens soulevés par la requérante à son encontre sont donc inopérants ;
- le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des arrêtés titularisant et reclassant la requérante est irrecevable dès lors que ces actes sont devenus définitifs ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 27 octobre 2020, par application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du même jour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 ;
- le décret n° 2011-675 du 15 juin 2011 relatif au dossier individuel des agents publics et à sa gestion sur support électronique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... relève appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2017 par lequel le président du département de l'Aude a fixé les conditions dans lesquelles elle bénéficie d'un avancement d'échelon à cadence unique à compter du 22 décembre 2017 ainsi que la décision du 19 mars 2018 rejetant son recours gracieux et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à cette collectivité de lui communiquer l'intégralité de son dossier administratif, de reconstituer sa carrière et de la rétablir dans ses droits sociaux et rémunérations.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si, comme le soutient la requérante, le tribunal administratif de Montpellier a omis de viser et de communiquer au défendeur le mémoire qu'elle a produit le 5 avril 2019, il résulte des motifs de son jugement qu'il a expressément répondu au moyen tiré de l'erreur de fait contenu dans ce mémoire au point 8 de son jugement en retenant que la mise en stage de Mme C... le 1er octobre 2004 n'est pas entachée d'erreur.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que le moyen tiré de l'exception d'illégalité des arrêtés antérieurs aux actes contestés en ce que ces derniers n'auraient pas repris l'intégralité de la carrière de la requérante n'a pas été soulevé devant eux. Mme C... n'est, dans ces conditions, pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier faute d'avoir répondu à un moyen dont il n'était pas saisi.
4. Enfin, les autres moyens soulevés par la requérante, tirés de l'erreur de fait, de la dénaturation des pièces du dossier et de l'erreur de droit commises par le tribunal sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué dès lors que ces erreurs n'affecteraient, si elles étaient établies, que le bien fondé du jugement attaqué et non sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.
6. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Il résulte des dispositions de l'article R. 421-5 du même code que ce délai n'est toutefois opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.
7. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
8. Si, à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2017, Mme C... excipe de l'illégalité des arrêtés du 30 novembre 2004 par lequel le président du département de l'Aude l'a recrutée en qualité d'agent d'entretien technique stagiaire, du 7 décembre 2005 par lequel elle a été titularisée et de celui du 13 juillet 2007 par lequel le président du département de l'Aude l'a reclassée, à compter du 1er décembre 2005, dans le septième échelon de l'échelle 3 du grade des adjoints techniques de deuxième classe à temps non complet, il résulte de l'instruction que l'intéressée, qui ne fait état d'aucune circonstance particulière qui aurait été de nature à conserver à son égard le délai de recours contentieux, a soulevé ce moyen pour la première fois dans sa requête d'appel, enregistrée au greffe de la Cour le 27 juin 2020, soit plus de deux années après qu'elle a manifesté sa connaissance de ces arrêtés, au plus tard, lors de la saisine du tribunal, le 30 mai 2018. Ces actes et la décision contestée ne constituant pas non plus les éléments d'une même opération complexe, Mme C... n'est donc pas recevable à invoquer, par la voie d'exception, l'illégalité de ces décisions devenues définitives.
9. Aux termes de l'article 78 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction issue de l'article 148 de la loi du 29 décembre 2015 : " (...) L'avancement d'échelon est accordé de plein droit. Il a lieu de façon continue d'un échelon à l'échelon immédiatement supérieur. / Il est fonction de l'ancienneté. / Toutefois, lorsque les statuts particuliers le prévoient et selon des modalités de contingentement définies par décret en Conseil d'Etat, il peut être également fonction de la valeur professionnelle. L'avancement d'échelon est prononcé par l'autorité territoriale et se traduit par une augmentation de traitement. (...) ". Il résulte de ces dispositions et de ce qui a été dit au point précédent que l'administration, qui n'avait à porter aucune appréciation sur les mérites de son agent, était tenue, en fonction de sa seule ancienneté, de prendre la décision contestée.
10. Dès lors, les autres moyens soulevés par la requérante, qui ne sont pas de nature à remettre en cause cette situation de compétence liée, sont inopérants.
11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions que celle-ci a présenté à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur la suppression de passages injurieux, outrageants ou diffamatoires :
13. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.
14. Les passages des écritures de la requérante comportant les mots " un mensonge effronté et à la fourniture de faux " (requête, page 15 ; mémoire complémentaire, page 9), " rédigés pour les besoins de la cause " (requête, page 16 ; mémoire complémentaire, page 9), " fournir des documents erronés " (requête, page 16 ; mémoire complémentaire, page 9), " Le département de l'Aude croit pouvoir tromper la juridiction en fournissant des contrats et des bulletins erronés pour les besoins de la cause " (mémoire complémentaire, page 11) excèdent le droit à la libre discussion et présentent un caractère outrageant et diffamatoire. Dès lors, il y a lieu d'en prononcer la suppression en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.
Sur les frais liés à l'instance :
15. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le département de l'Aude et non compris dans les dépens. En revanche, les mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de cette collectivité la somme que demande la requérante au titre des mêmes frais exposés par elle.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les passages de la requête et du mémoire complémentaire de Mme C... mentionnés au point 14 du présent arrêt sont supprimés.
Article 3 : Mme C... versera au département de l'Aude une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au département de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 octobre 2021.
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N° 19MA02890