Par une requête et des mémoires enregistrés le 29 juin 2018, le 30 novembre 2018, le 26 avril 2019 et le 8 octobre 2019, le ministre de l'intérieur demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 2 mai 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. G... devant le tribunal ;
3°) à titre subsidiaire, de minorer le montant de la condamnation à mettre à la charge de la commune de Breil-sur-Roya.
Il soutient que :
- les conditions de la mise en jeu d'une responsabilité sans faute de l'Etat ne sont pas remplies, en l'absence de risque particulier du fait d'une chose ou d'une situation dangereuse ;
le canyon de la Maglia ne constitue pas un ouvrage public exceptionnellement dangereux ;
- un tel régime de responsabilité sans faute ne saurait s'appliquer en matière d'opération de sauvetage vis-à-vis d'un usager du service public des secours, en particulier dans une situation d'urgence et en milieu hostile ;
- les dispositions des articles L. 6100-2 et L. 6131-2 du code des transports ne sont pas applicables ;
- l'indemnisation des souffrances endurées par Mme G... n'est pas justifiée et celle des frais d'obsèques doit être ramenée à la somme de 3 599,40 euros ;
- la personne publique responsable en matière d'opération de secours est en principe la commune ;
- l'Etat ne saurait être condamné à payer une somme qu'il ne doit pas.
Par trois mémoires en défense, enregistrés le 18 septembre 2018, le 10 avril 2019 et le 15 mai 2019, M. G..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de ses filles mineures Manutéa et Eole, représenté par Me J..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 2 mai 2018 en tant que par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a limité l'indemnité au versement de laquelle l'Etat a été condamné à la somme de 130 451, 98 euros ;
3°) de porter à la somme de 207 670 euros le montant de cette indemnité ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de rejeter la demande du SDIS des Alpes-Maritimes présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés ;
- la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée en raison des risques exceptionnels et du caractère anormal du dommage ainsi qu'en application des articles L. 6100-2 et L. 6131-2 du code des transports ;
- le lien de causalité entre les dommages causés aux personnes se trouvant en surface et l'évolution de l'aéronef est établi ;
- il n'y a pas de faute de la victime au titre de l'acceptation du risque de nature à exonérer l'Etat de cette responsabilité ;
- l'indemnisation des souffrances endurées par Mme G... doit être portée à la somme de 15 000 euros, celle du préjudice économique à la somme totale de 53 128,30 euros, celle de son propre préjudice moral à la somme de 40 000 euros, et celle du préjudice moral de ses filles à la somme de 40 000 euros chacune ;
- le département ne peut exclure sa responsabilité au titre de la sécurisation du site.
Par un mémoire enregistré le 27 septembre 2018, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Alpes-Maritimes, représenté par Me D..., demande à la cour de rejeter toute demande de condamnation qui serait présentée à son encontre et de mettre à la charge de M. G... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que sa responsabilité n'est pas engagée en l'absence de faute commise par le médecin affecté à la permanence héliportée de la sécurité civile.
Par un mémoire enregistré le 23 avril 2019, le département des Alpes-Maritimes, représenté par la SCP d'avocats aux conseils C... Bauer-Violas Feschotte-Desbois, demande à la cour de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par M. G... à son encontre et, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre.
Il soutient que :
- sa responsabilité n'est pas engagée en l'absence de défaut d'entretien normal ou de faute du fait d'une signalisation insuffisante des risques de chute de pierres ou de contrôle de la paroi rocheuse et de lien de causalité entre le dommage et son action ;
- il doit être garanti par l'Etat en cas de condamnation dès lors que la cause du dommage résulte exclusivement dans le décrochement d'un bloc de pierres provoqué par l'intervention de l'hélicoptère piloté par le peloton de gendarmerie de haute montagne ;
- les préjudices allégués ne sont pas justifiés.
Par un mémoire enregistré le 16 octobre 2019, la commune de Breil-sur-Roya, représentée par Me H..., demande à la cour de rejeter la requête ainsi que les conclusions indemnitaires présentées par M. G... à son encontre et de mettre à la charge de celui-ci une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que sa responsabilité n'est pas engagée en l'absence de faute.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître des conclusions tendant à la condamnation de l'Etat en sa qualité de propriétaire de l'hélicoptère sur le fondement de l'article L. 6131-2 du code des transports, dès lors qu'un hélicoptère est un véhicule au sens de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 (TC 5 mai 2008, n° C3587, Rami et autres c/ Héli assistance).
Des observations en réponse à cette communication présentées par le ministre et pour M. G... ont été enregistrées respectivement les 23 octobre et 30 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des transports ;
- l'article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 attribuant compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur les actions en responsabilité des dommages causés par tout véhicule et dirigés contre une personne de droit public ;
- la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme I...,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de M. B..., représentant le ministre de l'intérieur, de Me D... représentant le SDIS des Alpes-Maritimes, de Me C... représentant le département des Alpes-Maritimes, de Me J... représentant M. G... et de Me H... représentant la commune de Breil-sur-Roya.
Une note en délibéré présentée pour le ministère de l'intérieur a été enregistrée le 8 novembre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Alors que Mme et M. G..., Mme F... et M. A... pratiquaient la descente de canyon le 15 juillet 2010 dans la clue de la Maglia, située sur le territoire de la commune de Breil-sur-Roya, Mme G... s'est blessée à la jambe. A la suite de l'appel des secours, un hélicoptère du groupement des formations aériennes de la sécurité civile basé à l'aéroport de Cannes-Mandelieu, piloté par les militaires du peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM) de Saint-Sauveur-de-Tinée, est arrivé sur les lieux de l'accident environ quarante-cinq minutes plus tard. Lors d'un premier hélitreuillage, un bloc de pierre a heurté l'avant-bras droit de Mme F..., occasionnant à celle-ci une fracture ouverte, et la tête de Mme G..., qui décédera des suites de cette blessure le 16 juillet 2010. Le ministre de l'intérieur fait appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 2 mai 2018 ayant condamné l'Etat à verser à M. G... la somme de 130 451,98 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2014 et de leur capitalisation. Par la voie de l'appel incident, M. G... demande à la cour de réformer le jugement du 2 mai 2018 en tant que par ce jugement, le tribunal administratif de Nice a limité l'indemnité au versement de laquelle l'Etat a été condamné à la somme de 130 451,98 euros et de porter à 207 670 euros le montant de cette indemnité. Le département des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la demande de M. G... dirigée à son encontre et sollicite, à titre subsidiaire, d'être garanti par l'Etat de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre. La commune de Breil-sur-Roya conclut au rejet de la requête et de la demande de M. G... dirigée à son encontre. Le SDIS des Alpes-Maritimes conclut au rejet de toute demande de condamnation formée à son encontre.
Sur les conclusions tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 6131-2 du code des transports :
2. Aux termes de l'article L. 6131-2 du code des transports : " L'exploitant d'un aéronef est responsable de plein droit des dommages causés par les évolutions de l'aéronef ou les objets qui s'en détachent aux personnes et aux biens à la surface (...) ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1957 visée ci-dessus : " (...) les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour statuer sur toute action en responsabilité tendant à la réparation des dommages de toute nature causés par un véhicule quelconque ". Il résulte de ces dispositions qu'il n'appartient qu'aux tribunaux de l'ordre judiciaire de connaître des conclusions de M. G... tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 6131-2 du code des transports en sa qualité d'exploitant du véhicule que constitue l'hélicoptère intervenu sur les lieux de l'accident. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Sur le surplus des conclusions :
En ce qui concerne la responsabilité :
S'agissant de la responsabilité de l'Etat :
3. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 alors en vigueur : " La sécurité civile a pour objet la prévention des risques de toute nature, l'information et l'alerte des populations ainsi que la protection des personnes, des biens et de l'environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes par la préparation et la mise en oeuvre de mesures et de moyens appropriés relevant de l'Etat, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées (...) ". Aux termes de l'article 2 de de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 alors en vigueur : " Les missions de sécurité civile sont assurées principalement par les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d'incendie et de secours ainsi que par les personnels des services de l'Etat et les militaires des unités qui en sont investis à titre permanent. Concourent également à l'accomplissement des missions de la sécurité civile les militaires des armées et de la gendarmerie nationale (...) ". Aux termes de l'article 14 de la même loi : " I. - L'organisation des secours revêtant une ampleur ou une nature particulière fait l'objet, dans chaque département, dans chaque zone de défense et en mer, d'un plan dénommé plan Orsec. II. - Le plan Orsec départemental détermine, compte tenu des risques existant dans le département, l'organisation générale des secours et recense l'ensemble des moyens publics et privés susceptibles d'être mis en oeuvre. Il définit les conditions de leur emploi par l'autorité compétente pour diriger les secours. Le plan Orsec comprend des dispositions générales applicables en toute circonstance et des dispositions propres à certains risques particuliers. Dans ce dernier cas, il précise le commandement des opérations de secours. Le plan Orsec départemental est arrêté par le représentant de l'Etat dans le département (...) ". Enfin, aux termes de l'article 15 de cette loi : " I. - Les dispositions spécifiques des plans Orsec prévoient les mesures à prendre et les moyens de secours à mettre en oeuvre pour faire face à des risques de nature particulière ou liés à l'existence et au fonctionnement d'installations ou d'ouvrages déterminés (...) ".
4. La responsabilité de l'Etat à l'égard des usagers peut être engagée par toute faute commise dans des opérations de secours, notamment dans l'organisation ou le fonctionnement du service.
5. En admettant même que la chute d'un bloc rocheux à l'origine du décès de Mme G... ait été provoquée par le souffle d'air créé par l'approche de l'hélicoptère, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée sur le fondement du risque à raison d'une opération de secours, que celle-ci présente ou non des risques exceptionnels et soit ou non la cause directe de dommages d'une extrême gravité. C'est dès lors à tort que les premiers juges ont retenu l'existence d'une telle responsabilité sans faute de l'Etat du fait de l'opération de sauvetage en hélicoptère du 15 juillet 2010.
6. Il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. G... devant le tribunal administratif de Nice.
S'agissant encore de la responsabilité de l'Etat et de la faute du SDIS :
7. En premier lieu, eu égard aux circonstances dans lesquelles s'est produit l'accident, par beau temps, en milieu de journée, et s'agissant de secourir rapidement une personne blessée à la jambe et se trouvant au fond d'un canyon, le choix du secours par voie aérienne était justifié. Les modalités de l'intervention n'ont pas revêtu un caractère fautif.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales : " Les services d'incendie et de secours sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies. Ils concourent, avec les autres services et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence. Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) 2° La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens de secours (...) 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". La responsabilité du SDIS est susceptible d'être engagée dans l'hypothèse d'une faute commise dans le fonctionnement du service ou dans la gestion des moyens humains ou matériels mis en oeuvre pour secourir une personne victime d'un accident ayant contribué à l'aggravation des conséquences dommageables pour cette personne.
9. M. G... soutient, d'une part, que les services de secours étaient totalement inorganisés et n'étaient ni prêts ni équipés pour faire face à la situation après que son épouse a été victime d'un traumatisme crânien dû à la chute d'un bloc de pierre et, d'autre part, que le médecin du SDIS des Alpes-Maritimes a retardé l'évacuation en pratiquant un acte médical d'urgence sur Mme G..., alors que la quantité d'oxygène disponible n'était pas suffisante pour évacuer immédiatement son épouse en hélicoptère vers un hôpital.
10. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que le premier secouriste du PGHM hélitreuillé, constatant le traumatisme crânien de Mme G..., a immédiatement demandé des moyens médicaux et matériels supplémentaires à l'équipe de secours embarquée dans l'hélicoptère, composée du pilote, du mécanicien treuilliste, de deux secouristes du PGHM et d'un médecin urgentiste du SDIS des Alpes-Maritimes. Il ressort du procès-verbal de renseignement administratif du 21 juillet 2010 que le médecin a été hélitreuillé pour arriver sur le lieu de l'accident vers 12h20. Ce même rapport mentionne que " ... deux CRS de la section montagne des Alpes-Maritimes se présentent fortuitement sur le site de l'opération... ", vers 12h30 et qu'ils ont participé à l'opération de secours.
11. Il résulte également de l'instruction que la présence d'une seule bouteille d'oxygène pour une intervention d'urgence sur place destinée à assurer les premiers soins répond aux conditions d'organisation normale des services de secours chargés de porter les premiers soins. Au cours des premières interventions du médecin, la seule bouteille d'oxygène en insufflation disponible a été entièrement utilisée pour ventiler la victime. A 13h19, selon le procès-verbal de renseignement administratif, l'hélicoptère est parti à Breil-sur-Roya pour déposer Mme F.... A 13h40, Mme G... a été transportée à Breil-sur-Roya afin de chercher une bouteille d'oxygène permettant son transfert vers un hôpital niçois. Si le transfert de Mme G... n'a pas pu avoir lieu directement du lieu de l'accident vers un hôpital, il n'est pas contesté que l'oxygénation de la patiente n'a jamais été interrompue et que son passage à Breil-sur-Roya n'a duré qu'une dizaine de minutes, toujours avec l'assistance du médecin de sapeur-pompier qui y a disposé d'un véhicule de secours aux blessés.
12. Il résulte encore de l'instruction que la tentative de réanimation cardio-pulmonaire et l'intubation de Mme G... que le médecin a engagées à 12h20, qui étaient indispensables pour maintenir l'activité cardiaque de la victime, ont été pratiquées conformément aux règles de l'art, ce que M. G... ne conteste pas utilement. Il n'est, dès lors, pas nécessaire d'ordonner une expertise sur ce point.
13. Par ailleurs, la circonstance que les secouristes du PGHM n'étaient pas équipés de combinaisons en néoprène n'a, en l'espèce, privé Mme G... d'aucune chance d'être mieux prise en charge par les services de secours dès lors qu'il est constant que l'intervention de secours s'est déroulée hors du torrent et ne nécessitait pas un tel équipement. De même, et dès lors que les hélitreuillages après l'accident se sont déroulés sans aucune difficulté particulière, la circonstance que les sangles de certaines civières dont celle qui a permis l'évacuation de Mme G... auraient été mal bouclées n'est pas de nature à caractériser une faute de service ayant concouru à l'aggravation de sa situation.
14. Il résulte des points 7 à 13 que M. G... n'est pas fondé à soutenir que l'Etat ou le SDIS auraient commis une faute dans l'organisation et le fonctionnement des services lors de l'opération de secours par voie aérienne ou dans la gestion des moyens humains ou matériels mis en oeuvre pour la prise en charge de son épouse après sa blessure.
S'agissant de la responsabilité de la commune :
15. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature (...). Aux termes de l'article L 2212-4 du même code : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites ".
16. Il est constant que la pratique du canyoning était autorisée le 15 juillet 2010. Il ne résulte pas de l'instruction que les parois rocheuses surplombant la clue de la Maglia présentaient un danger particulier nécessitant de prendre des mesures de police pour prévenir un risque d'accident. M. G... n'apporte, en tout état de cause, aucun élément de nature à établir que le maire de Breil-sur-Roya aurait manqué à ses obligations en matière de police. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de cette commune dans la survenance de l'accident dont son épouse a été victime.
S'agissant de la responsabilité du département des Alpes-Maritimes :
17. Si M. G... recherche également la responsabilité du département des Alpes-Maritimes à l'occasion des opérations de secours, il est constant qu'aucun agent du département n'était présent lors de ces opérations. Par suite, M. G... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité du département des Alpes-Maritimes à l'occasion de celles-ci.
18. En outre, par un arrêté du 22 décembre 1998, le préfet des Alpes-Maritimes a réglementé la pratique du canyoning dans le département des Alpes-Maritimes. Ce texte interdit notamment la pratique de cette activité dans certains canyons et fixe, pour les autres, les périodes de l'année où sa pratique est autorisée. Par une convention de partenariat pour la visite et le contrôle des itinéraires du canyoning, conclue le 4 novembre 2008 entre le département des Alpes-Maritimes et la fédération française de la montagne et de l'escalade, le département s'est engagé à équiper, à contrôler et à entretenir les itinéraires, à effectuer les aménagements nécessaires pour assurer la pratique du canyoning, à mettre en oeuvre une signalétique adaptée et à protéger et nettoyer les sites.
19. Si M. G... soutient que le département des Alpes-Maritimes a manqué à son obligation de sécurité en exposant les pratiquants du canyoning à une chute de blocs de pierres, il résulte des dispositions précitées de la loi du 13 août 2004 qu'il appartient à l'Etat de prendre les mesures afin de réglementer la pratique d'une activité lorsque le risque d'accident est manifeste. Il appartient également aux communes, en application des dispositions précitées de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, de prendre les mesures de police permettant de prévenir les accidents de toute nature. Il revenait ainsi à l'Etat, dans le cadre de la prévention des risques, et à la commune de Breil-sur-Roya, dans celui de ses pouvoirs de police, de prendre les mesures pour interdire, si nécessaire, la pratique du canyoning dans la clue de la Maglia.
20. Contrairement à ce que soutient M. G..., il ne résulte pas de l'instruction que la chute d'un bloc de pierre aurait résulté d'un " défaut d'entretien des parois rocheuses ". La circonstance que le département des Alpes-Maritimes a effectué des travaux dans la clue de la Maglia peu après les évènements du 15 juillet 2010 n'est pas de nature à caractériser une faute ou une carence de cette collectivité, en l'absence de tout élément établissant qu'il aurait ainsi été mis fin à un danger au niveau des parois rocheuses situées sur le lieu de l'accident dont le département aurait eu connaissance avant sa survenue. Dans ces conditions, M. G... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité du département des Alpes-Maritimes du fait de la chute d'un bloc rocheux qui a conduit au décès de son épouse.
21. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont condamné l'Etat à indemniser M. G... et que, d'autre part, la demande présentée par M. G... devant le tribunal doit être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à la mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, d'une somme au titre des frais exposés par M. G... et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes des autres parties présentées sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Les conclusions de M. G... tendant à la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat sur le fondement de l'article L. 6131-2 du code des transports sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 2 mai 2018 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 4 : Les conclusions de M. G..., du SDIS des Alpes-Maritimes et de la commune de Breil-sur-Roya tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E... G..., au département des Alpes-Maritimes, à la commune de Breil-sur-Roya et au service départemental d'incendie et de secours des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme I..., présidente assesseure,
- M. Sanson, conseiller.
Lu en audience publique, le 28 novembre 2019.
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N° 18MA03061