Par un jugement n° 1505912 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le CHRU de Montpellier à verser à M. A...la somme de 18 000 euros, à la CPAM de l'Hérault les sommes de 26 141,15 et de 1047 euros au titre de ses débours et de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis à la charge du CHRU de Montpellier les frais d'instance et les frais de l'expertise et a rejeté le surplus des demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 mars 2017, M.A..., représenté par Me Betrom, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier du 31 janvier 2017 a limité à la somme de 18 000 euros l'indemnité au versement de laquelle le CHRU de Montpellier a été condamné en réparation des préjudices qu'il a subis ;
2°) de porter à la somme de 90 630 euros le montant de l'indemnité due au titre de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge du CHRU de Montpellier, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros au profit de Me Betrom, qui renoncera à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- les sommes retenues par les premiers juges au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées et du préjudice moral doivent être majorées ;
- il subit un préjudice extra patrimonial évolutif eu égard aux risques d'aggravation de sa pathologie en lien avec la nécrose dont il est atteint ;
- il subit un préjudice lié à l'existence de soins et de surveillance à vie ;
- il subit un préjudice d'agrément.
Par un mémoire, enregistré le 4 avril 2017, la CPAM de l'Hérault, représentée par la SCP Cauvin-Leygue, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier du 31 janvier 2017 a limité aux sommes respectives de 26 141,15 euros et de 1 047 euros l'indemnité au versement de laquelle le CHRU de Montpellier a été condamné au titre de ses débours et de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
2°) de condamner le CHRU de Montpellier à lui verser la somme de 28 999,26 euros au titre de ses débours, avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2017 et capitalisation de ces intérêts, et de porter à la somme de 1 055 euros le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
3°) de mettre à la charge du CHRU de Montpellier la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que ses débours définitifs s'élèvent à la somme de 28 999,26 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 mai 2018, le CHRU de Montpellier, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et des conclusions de la CPAM de l'Hérault.
Il soutient que :
- la recevabilité de la demande indemnitaire de M. A...est limitée à la somme de 67 250 euros sollicitée dans la réclamation du 7 octobre 2015 ;
- les moyens soulevés par M. A...et la CPAM de l'Hérault ne sont pas fondés ;
- le taux de perte de chance de 90 % s'applique également à la créance de la CPAM.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jorda-Lecroq,
- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...fait appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 janvier 2017 en tant que ce jugement a limité à la somme de 18 000 euros l'indemnité à laquelle le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Montpellier a été condamné, en réparation des préjudices qu'il a subis du fait du retard de diagnostic et de prise en charge d'un problème coronaire lors de l'intervention du service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) de Montpellier le 10 décembre 2005, la perte de chance d'échapper à la constitution d'une nécrose myocardique antérieure dont il a été victime ayant été évaluée à un taux de 90 %. Il demande à la cour de porter le montant de l'indemnité due par le CHRU de Montpellier à la somme de 90 630 euros. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Hérault demande à la cour de condamner le CHRU de Montpellier à lui verser la somme de 28 999,26 euros au titre de ses débours, avec intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2017 et capitalisation de ces intérêts, et de porter à la somme de 1 055 euros le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion.
2. Le CHRU de Montpellier ne conteste ni son obligation de réparer les préjudices subis par M. A...du fait de la faute commise par le SMUR de Montpellier lors de la prise en charge de M. A...le 10 décembre 2005, ni l'évaluation du taux de perte de chance à 90 %. Ce taux n'est pas plus discuté par les autres parties.
Sur les préjudices :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des débours de la CPAM de l'Hérault, des intérêts et de leur capitalisation et de l'indemnité forfaitaire de gestion :
3. Les caisses de sécurité sociale, qui exercent leurs droits propres, sont admises à poursuivre le remboursement de l'ensemble des prestations versées à la victime d'un accident résultant d'un acte médical, dans la limite des sommes allouées à ce patient en réparation de la perte de chance d'éviter un préjudice corporel, la part d'indemnité à caractère personnel étant exclue du recours.
4. La CPAM de l'Hérault avait demandé devant le tribunal l'allocation d'une somme de 29 045,72 euros au titre de ses débours. Le tribunal a ainsi condamné le CHRU de Montpellier à lui verser à ce titre la somme de 26 141,15 euros, après application du taux de perte de chance de 90 % qu'il a retenu. Il résulte de l'instruction, en particulier du relevé des débours définitifs produit par la CPAM de l'Hérault, que les frais d'hospitalisation exposés par celle-ci se sont élevés, en réalité, à la somme de 28 999,26 euros, à laquelle elle limite d'ailleurs l'assiette de sa demande en appel. En l'absence de contestation du taux de perte de chance de 90 %, la CPAM de l'Hérault n'est pas fondée à demander que la condamnation du CHRU au titre de ses débours soit portée à cette somme. En outre, en l'absence de majoration par le présent arrêt de l'assiette de l'indemnité forfaitaire de gestion, les conclusions de la CPAM de l'Hérault tendant à la majoration de cette indemnité doivent également être rejetées.
5. En revanche, la CPAM de l'Hérault est fondée à demander que la somme de 26 141,15 euros que le CHRU de Montpellier a ainsi été condamnée à lui verser soit assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2016, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Montpellier, et, dans la limite de la somme, le cas échéant, non versée à cette date, ces intérêts seront capitalisés le 4 avril 2017, date à laquelle la capitalisation a été demandée pour la première fois et où il était dû au moins une année d'intérêts.
S'agissant des frais de soins et de surveillance à vie :
6. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Montpellier, que M. A...conserve une séquelle de nécrose antérieure, sans atteinte notable de la fonction ventriculaire gauche et sans troubles du rythme documentés, et qu'il existe un risque d'aggravation dans le temps avec survenue éventuelle d'un anévrysme ventriculaire, de troubles du rythme, d'insuffisance cardiaque en relation avec la séquelle de nécrose antérieure. Toutefois, d'une part, il n'est fait état d'aucun soin ou surveillance en lien avec cette séquelle susceptible d'entraîner des frais pour M.A..., lequel, au demeurant, ne justifie pas avoir exposé de tels frais au cours de la période allant du 16 juin 2006, date de sa consolidation, jusqu'à la date de lecture du présent arrêt. D'autre part, ce chef de préjudice ne présente pas un caractère certain pour la période postérieure à cette même date. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande tendant à la prise en charge des frais de soins ou de surveillance à vie.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
S'agissant des préjudices temporaires :
7. Il résulte de l'instruction que M. A...a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 16 décembre 2005 au 2 février 2006 puis partiel à hauteur de 50 % du 3 février 2006 au 15 juin 2006. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante évaluation de ce poste de préjudice en en fixant la réparation à la somme de 2 000 euros, soit 1 800 euros après application du taux de perte de chance.
8. Les souffrances endurées comprennent les souffrances physiques et psychiques jusqu'à la date de la consolidation. Elles peuvent être évaluées à 4 sur une échelle de 7 dans le cas de M. A.... Les premiers juges n'ont pas fait une appréciation erronée de ce poste de préjudice en en fixant la réparation, préjudice moral compris, à la somme de 8 000 euros, soit 7 200 euros après application du taux de perte de chance.
S'agissant des préjudices permanents :
9. Il résulte de l'instruction que M. A...présente un déficit fonctionnel permanent imputable de 8 %. Les premiers juges en ont fait une exacte appréciation en en fixant la réparation à la somme de 10 000 euros, soit 9 000 euros après application du taux de perte de chance.
10. M.A..., qui utilise un fauteuil roulant depuis l'enfance, soutient avoir dû limiter, à la suite de l'évènement dommageable, ses déplacements en raison de la fragilité accrue de son état de santé. Il résulte de l'instruction qu'il subit un préjudice d'agrément dont il sera fait une juste appréciation en en fixant la réparation à la somme de 3 000 euros, soit 2 700 euros après application du taux de perte de chance.
11. La possibilité d'aggravation de la séquelle de nécrose antérieure dont il a été fait état au point 5 ne présente pas un caractère certain. C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de M. A...tendant à l'indemnisation d'un préjudice extrapatrimonial évolutif.
12. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le CHRU de Montpellier à une fraction des conclusions de la requête, il y a lieu de porter à la somme de 20 700 euros le montant de l'indemnité due par celui-ci à M. A.... Les conclusions de la CPAM de l'Hérault relative à ses débours et à l'indemnité forfaitaire de gestion doivent être rejetées. La CPAM de l'Hérault a toutefois droit aux intérêts et à leur capitalisation sur la somme de 26 141,15 euros que le CHRU de Montpellier a été condamné à lui verser dans les conditions exposées au point 5.
Sur les frais liés au litige :
13. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHRU de Montpellier le versement de la somme de 2 000 euros à Me Betrom, avocat de M.A..., sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
14. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHRU de Montpellier la somme de 800 euros que la CPAM de l'Hérault demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 18 000 euros que le CHRU de Montpellier a été condamné à verser à M. A...par jugement du 31 janvier 2017 est portée à la somme de 20 700 euros.
Article 2 : La somme de 26 141,15 euros que le CHRU de Montpellier a été condamné à verser à la CPAM de l'Hérault par jugement du 31 janvier 2017 au titre des débours sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2016 et ces intérêts seront, dans la limite de la somme, le cas échéant, non versée à cette date, capitalisés le 4 avril 2017.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 31 janvier 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le CHRU de Montpellier versera à Me Betrom la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...et de la CPAM de l'Hérault est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault et à Me Betrom.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2019, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,
- MmeD..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 2 mai 2019.
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N° 17MA01112