Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 mars 2017, la commune de Pégomas, représentée par la SELARL Plenot, Suares, Blanco, Orlandini, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 10 janvier 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par le syndicat des copropriétaires de la copropriété " Les Muriers " devant le tribunal administratif de Nice ;
3°) de mettre à la charge du syndicat des copropriétaires de la copropriété " Les Muriers " la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le syndicat des copropriétaires de la copropriété " Les Muriers " est usager du réseau d'assainissement collectif ;
- le raccordement défectueux du réseau privé de la copropriété au réseau public est à l'origine du désordre ;
- la responsabilité de la commune ne peut pas être engagée du fait des défauts de conception du réseau privé de la copropriété ;
- à défaut, le délégataire de service public, la société Lyonnaise des Eaux, doit être mise en cause.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2017, le syndicat des copropriétaires de la copropriété " Les Muriers ", représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Pégomas la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité de la commune de Pégomas est engagée pour défaut de conception de l'ouvrage public ;
-le lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage est établi ;
- le syndicat est tiers par rapport à l'ouvrage public ;
- le fait du tiers n'est pas exonératoire ;
- l'absence de clapet anti-retour ne peut pas lui être reprochée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2018, la SAS Suez Eau France, venant aux droits de la société Lyonnaise des Eaux, représentée par la SELARL Baffert, Penso Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Pégomas la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions d'appel en garantie ne sont pas recevables ;
- aucun défaut d'entretien ne peut lui être imputé ;
- les désordres ont pour origine un défaut de conception et de réalisation de l'ouvrage public dont la responsabilité incombe à la commune, maître d'ouvrage.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur des moyens soulevés d'office, tirés de l'incompétence de la juridiction administrative pour connaître d'une demande de réparation de dommages survenus à l'occasion de la fourniture de la prestation assurée par le service d'assainissement, alors même que la cause principale du dommage réside dans un vice de conception du réseau public et de l'irrégularité du jugement attaqué qui n'a pas relevé l'incompétence du juge administratif.
Par des mémoires, enregistrés le 12 juillet 2018 et le 24 septembre 2018, la commune de Pégomas a présenté ses observations en réponse à la mesure d'information effectuée par la Cour en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.
Par des mémoires, enregistrés le 18 juillet 2018 et le 28 septembre 2018, le syndicat des copropriétaires de la copropriété " Les Muriers " a présenté ses observations en réponse à la mesure d'information effectuée par la Cour en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant le syndicat des copropriétaires de la copropriété " Les Muriers ", et de MeB..., substituant le cabinet Baffert-Penso et associés, représentant la SAS Suez Eau France.
Considérant ce qui suit :
1. Eu égard aux rapports de droit privé nés du contrat qui lie le service public industriel et commercial de l'assainissement à ses usagers, les litiges relatifs aux rapports entre ce service et ses usagers relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire. Ainsi, il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de connaître des litiges relatifs à la facturation et au recouvrement de la redevance due par les usagers, aux dommages causés à ces derniers à l'occasion de la fourniture du service, peu important que la cause des dommages réside dans un vice de conception, l'exécution des travaux publics ou l'entretien d'ouvrages publics, ou encore à un refus d'autorisation de raccordement au réseau public. En revanche, un litige né du refus de réaliser ou de financer des travaux de raccordement au réseau public de collecte, lesquels présentent le caractère de travaux publics, relève de la compétence de la juridiction administrative.
2. Il résulte de l'instruction, et notamment des deux inspections télévisées réalisées aux mois de juin 2009 et de mai 2013, que les inondations dont a été victime la copropriété " Les Muriers " procèdent d'un reflux des eaux usées de l'immeuble à travers son branchement particulier situé en aval du réseau public d'assainissement. Les dommages correspondants doivent dès lors être regardés comme étant survenus à l'occasion de la fourniture de la prestation assurée par le service d'assainissement, alors même que la cause du dommage réside dans un défaut de conception du réseau. Par voie de conséquence, c'est à tort que le tribunal administratif de Nice n'a pas décliné la compétence de la juridiction administrative pour connaître de ce litige. Dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement du 10 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice s'est reconnu compétent pour connaître de la demande du syndicat des copropriétaires de la copropriété " Les Muriers " et, statuant par voie d'évocation, de rejeter cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties en litige la charge de ses propres frais de procédure et de rejeter les conclusions qu'elles ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 10 janvier 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le syndicat des copropriétaires de la copropriété " Les Muriers " devant le tribunal administratif de Nice est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 3 : Les conclusions de la commune Pégomas et de la SAS Suez Eau France présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Pégomas, au syndicat des copropriétaires de la copropriété " Les Muriers " et à la SAS Suez Eau France.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018 où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 novembre 2018.
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N° 17MA01344