Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 5 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au profit de Me A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les premiers juges ont entaché d'irrégularité leur jugement en se fondant sur un document illisible qu'ils auraient dû écarter ;
- il ressort des visas de l'arrêté litigieux que le préfet a décidé d'examiner sa situation au regard des stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ;
- cet arrêté est fondé sur un avis irrégulier, en tant que cet avis repose sur des éléments et informations eux-mêmes irréguliers, du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- il est entaché d'un défaut d'examen réel et complet de la demande ;
- il contrevient aux stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien
- il méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 avril 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Jorda-Lecroq a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 13 janvier 1958, fait appel du jugement du 2 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 octobre 2017 du préfet de l'Hérault ayant rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade et l'obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination de l'Algérie.
Sur la régularité du jugement :
2. Le jugement attaqué fait référence, en son point 7, aux pièces produites par le préfet de l'Hérault concernant la disponibilité du traitement dans le pays d'origine de M. B.... Contrairement à ce que soutient celui-ci, la pièce jointe en annexe 4 au mémoire en défense du préfet de l'Hérault présenté devant le tribunal, en sa partie relative à la nomenclature des produits pharmaceutiques disponibles en Algérie, n'est pas illisible. Cette pièce n'avait donc pas à être écartée des débats par les premiers juges pour ce motif.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité (...) ".
4. Il résulte des stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien et des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lequel est applicable aux ressortissants algériens en l'absence de stipulations particulières de l'accord franco-algérien relatives à l'instruction de la demande des certificats de résidence, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent, mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
5. L'avis du 24 juillet 2017 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précise le nom des trois médecins de ce collège. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation du 16 avril 2019 du directeur territorial de l'OFII produite à l'appui du mémoire en défense que cet avis a été émis, conformément aux dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu d'un rapport médical établi par un médecin instructeur qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins l'ayant rendu. En outre, les explications données par l'un des médecins de ce collège le 20 février 2018 ne sont pas de nature à rendre cet avis irrégulier.
6. Cet avis indique que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et son état de santé ne l'empêche pas de voyager. Le dossier médical et les certificats médicaux produits par le requérant ne contredisent pas sérieusement la possibilité pour ce dernier de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, compte tenu des informations relatives à l'offre de soins disponible et accessible dans le pays d'origine pour sa pathologie dépressive ressortant des pièces produites par le préfet de l'Hérault. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le refus du préfet de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade reposerait sur une inexacte application des dispositions précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
7. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. M. B... a demandé son admission au séjour en qualité d'étranger malade et non au titre de dix ans de présence en France. Il ressort des pièces du dossier qu'il n'a d'ailleurs produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, aucun document de nature à établir sa résidence en France depuis plus de dix ans. L'arrêté litigieux, pris le 5 octobre 2017, vise toutefois les articles 6 à 9 de l'accord franco-algérien. Il relève, en outre, que M. B... est entré en France le 2 juin 2007 et qu'il ne justifie d'aucun droit de se maintenir sans titre en France. Dans ces conditions, le préfet doit être regardé comme ayant examiné la situation de M. B... au titre des stipulations du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien relatives à la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence aux ressortissants algériens justifiant résider en France depuis plus de dix ans, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges. M. B... ne saurait néanmoins sérieusement soutenir, en l'absence de production de toute pièce relative à la durée de sa présence à l'appui de sa demande de titre de séjour ainsi que cela a été exposé précédemment, que cet examen n'aurait pas été réel et complet. En outre, il n'établit pas, par les pièces produites devant le tribunal et la cour, une telle résidence depuis plus de dix ans, ces pièces attestant au mieux d'une présence ponctuelle quelques mois par an avant la délivrance d'un certificat de résidence le 23 avril 2015. Les moyens tirés de l'absence d'examen réel et complet de sa situation et de la violation des stipulations de l'article du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit.
9. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. B... est divorcé et sans charge de famille, ses deux enfants nés le 17 juin 1987 et le 4 septembre 1990 résidant en Algérie. Il n'établit ni l'ancienneté de sa présence habituelle, ni l'intensité de ses liens personnels, ni une particulière insertion socioprofessionnelle sur le territoire national. L'arrêté litigieux n'a ainsi pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Les moyens tirés de la violation des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Il doit en être de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle et familiale.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Les conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me A....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 29 mai 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 juin 2019.
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N° 18MA04218