Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 10 janvier 2017, le 13 avril 2018 et le 31 mai 2018, la communauté de communes des pays du Rhône et Ouvèze, devenue la communauté de communes du pays réuni d'Orange (CCPRO), représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 2 décembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande de Mme E...formée à son encontre devant le tribunal ;
3°) à défaut, de condamner le cabinet d'études Marc Merlin et la SA Colas Midi Méditerranée à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
4°) de mettre à la charge solidaire du cabinet d'études Marc Merlin et de la SA Colas Midi Méditerranée la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité du maitre d'oeuvre et de l'entrepreneur doit être engagée ;
- très subsidiairement, les demandes de MmeE... relatives à l'actualisation du coût des reprises et du trouble à l'occupation normale doivent être rejetées et l'indemnisation doit être ramenée à de plus justes proportions, dès lors que l'intéressée a laissé perdurer la situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mars 2017, le cabinet d'études Marc Merlin, représenté par MeB..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la SA Colas Midi Méditerranée et la CCPRO soient condamnées à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et, en tout état de cause, à la mise à la charge de la CCPRO d'une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la CCPRO ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés le 25 avril 2017 et le 8 juin 2018, la SA Colas Midi Méditerranée, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête, au rejet de l'appel en garantie formé à son encontre par le cabinet d'études Marc Merlin et à la mise à la charge de la CCPRO ou de tout succombant d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dépens.
Il soutient que les moyens soulevés par la CCPRO ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2018, MmeE..., représentée par la SCP Lemoine Clabeaut, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a limité à la somme de 35 678,19 euros le montant de l'indemnité et de porter celui-ci à la somme de 83 023,44 euros ;
3°) de mettre à la charge de la CCPRO une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ses préjudices doivent être actualisés ;
- les moyens soulevés par la CCPRO ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jorda-Lecroq,
- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté de communes des pays du Rhône et Ouvèze, devenue la communauté de communes du pays réuni d'Orange (CCPRO), demande l'annulation du jugement du 2 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à verser à Mme E...la somme de 35 678,19 euros en réparation des préjudices subis du fait des dommages causés à l'habitation dont elle est propriétaire rue Carmagnole, sur le territoire de la commune de Château-Neuf-du-Pape, a mis les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 951,20 euros, à sa charge et a rejeté les appels en garantie qu'elle a formés contre la SA Colas Midi Méditerranée et le cabinet d'études Marc Merlin et le surplus des conclusions des parties. Par la voie de l'appel incident, Mme E...demande la condamnation de la CCPRO à lui verser la somme de 83 023,44 euros en réparation de ses préjudices.
Sur la responsabilité :
2. La responsabilité du maître d'un ouvrage public est susceptible d'être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage. La victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et les préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial.
3. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport du 27 décembre 2012 de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, que, si la place Gandolfo, située à proximité de la propriété de MmeE..., a fait l'objet, en 2006, de travaux d'aménagement consistant en l'installation d'un système d'arrosage automatique et que ce système a présenté des dysfonctionnements, les désordres affectant l'immeuble de Mme E..., tenant à l'existence d'infiltrations et d'humidité sur les murs nord et ouest de celui-ci, trouvent leur origine dans les eaux de ruissellement sur la voirie de la rue Carmagnole du fait d'un mauvais profilage de la surface de la voirie résultant à la fois d'un défaut de conception et d'une mauvaise réalisation des travaux. En outre, il est établi que les désordres en cause sont apparus dès l'année 2008, soit avant la réalisation de travaux de voirie, au début de l'année 2009, par la SA Colas Midi Méditerranée, sous la maîtrise d'oeuvre du cabinet d'études Marc Merlin. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a retenu, d'une part, que le lien de causalité entre les désordres et les travaux réalisés au début de l'année 2009 par la SA Colas Midi Méditerranée, sous la maîtrise d'oeuvre du cabinet d'études Marc Merlin, n'était pas établi, et, d'autre part, que la responsabilité sans faute de la communauté de communes à raison des dommages causés par l'ouvrage public que constitue cette voirie était engagée à l'égard de MmeE....
Sur l'étendue du préjudice :
4. D'une part, il résulte de l'instruction que la nature et l'étendue des travaux nécessaires, non contestés, ont été définies par l'expert pour un montant de 11 678,19 euros, établi sur la base de devis (1 155,60 euros s'agissant de la réfection de l'installation électrique, 387 euros s'agissant de la lustrerie, 7 258,67 euros pour la réfection de l'enduit sur les murs du séjour et de la chambre, 2 031,35 euros pour la réfection de la peinture et 845,57 euros pour des ajustages divers en menuiserie). Ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, Mme E... ne justifiant pas avoir été dans l'impossibilité de financer ces travaux de réfection à la date du dépôt du rapport d'expertise, elle n'est pas fondée à demander que le coût des réparations matérielles soit actualisé à un montant de 25 014,44 euros, alors, au surplus, qu'elle n'établit pas que l'estimation de l'expert serait erronée et qu'elle n'a introduit sa demande devant le tribunal qu'au mois de février 2015, soit plus de deux ans après la fin des opérations d'expertise. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé à la somme de 11 678,19 euros la réparation du préjudice matériel subi par MmeE....
5. D'autre part, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que le trouble de jouissance éprouvé par Mme E...doit être évalué à la somme de 24 000 euros. Pour les motifs exposés au point 4, Mme E...n'est pas fondée à demander l'actualisation de cette somme. Ainsi, c'est également à bon droit que les premiers juges ont fixé à la somme de 24 000 euros la réparation du trouble de jouissance.
6. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la CCPRO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes l'a condamnée à verser à Mme E... la somme totale de 35 678,19 euros et, d'autre part, que l'appel incident de cette dernière doit être rejeté.
Sur les appels en garantie :
7. Eu égard à ce qui a été exposé au point 3 sur l'absence de lien de causalité entre les travaux réalisés par la SA Colas Midi Méditerranée, sous la maitrise d'oeuvre du cabinet d'études Marc Merlin et les dommages subis par MmeE..., les appels en garantie ne sont pas fondés et doivent être rejetés.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA Colas Midi Méditerranée et du cabinet d'études Marc Merlin, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la CCPRO et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la CCPRO le versement à Mme E..., à la SA Colas Midi Méditerranée et au cabinet d'études Marc Merlin d'une somme de 1 000 euros chacun sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la CCPRO est rejetée.
Article 2 : La CCPRO versera à MmeE..., à la SA Colas Midi Méditerranée et au cabinet d'études Marc Merlin une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du pays réuni d'Orange, à Mme C...E..., à la SA Colas Midi Méditerranée et au cabinet d'études Marc Merlin.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président de chambre,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,
- MmeF..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.
2
N° 17MA00095
kp