Par une requête, enregistrée le 27 mars 2018, M.B..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 mars 2018 en tant qu'il a rejeté la demande enregistrée sous le n° 1800053 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2017 du préfet de Vaucluse ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte d'une somme de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats et associés, qui renoncera au bénéfice de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le refus de séjour est intervenu en l'absence d'examen sérieux de sa situation ;
- il est entaché d'une erreur de fait au regard des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il établit contribuer à l'éducation et à l'entretien de son enfant de nationalité française depuis la naissance de celle-ci ;
- il contrevient aux stipulations de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- il porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant tel que protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée en droit ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet s'est mépris sur l'étendue de sa compétence ;
- elle est entachée d'une autre erreur de droit au regard du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant tel que protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le délai de départ volontaire est insuffisamment motivée en fait et en droit ;
- elle est intervenue en l'absence d'examen sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination n'est pas motivée.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2018, le préfet de Vaucluse conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B...d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jorda-Lecroq,
- et les observations de M.B....
Considérant ce qui suit :
Sur l'aide juridictionnelle provisoire :
1. M. B...a formé une demande d'aide juridictionnelle. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". En vertu de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant.
3. Pour l'application de ces dispositions, il appartient au juge d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des ressources de chacun des deux parents et des besoins de l'enfant, la contribution financière de l'étranger en sollicitant le bénéfice à l'entretien de son enfant et son implication dans son éducation.
4. Il ressort des pièces du dossier que M.B..., de nationalité marocaine, né le 23 décembre 1986, s'est marié avec une ressortissante française au Maroc le 26 juillet 2015. Le mariage a été transcrit sur les registres d'état civil français le 4 mars 2016. M. B...déclare être entré en France le 30 juin 2016. Il est père d'une enfant française née le 11 mai 2017. Il a vécu avec son épouse et leur enfant jusqu'au 1er septembre 2017, date à laquelle le couple s'est séparé. Il produit deux attestations de la mère de l'enfant des 21 novembre 2017 et 1er décembre 2017 faisant état de son aide pour l'entretien de l'enfant (achat de lait, de couches et de vêtements), de sa volonté de voir sa fille et de rencontres effectives entre le père et l'enfant deux à trois fois par semaine durant quelques heures. Ces pièces sont accompagnées d'une dizaine de factures et tickets d'achat nominatifs concernant des produits pour bébé, de mandats au profit de la mère de l'enfant du 8 juillet 2017 pour un montant de 200 euros, du 14 août 2017 pour un montant de 185 euros, du 25 septembre 2017 pour un montant de 100 euros, du 16 novembre 2017 pour un montant de 85 euros, du 16 décembre 2017 pour un montant de 75 euros. En outre, il ressort de l'ordonnance de référé avant dire droit du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Carpentras du 20 avril 2018, qui relève dans ses motifs l'existence de liens et d'une relation régulière entre le père et l'enfant jusqu'au mois de décembre 2017, et la circonstance que l'intéressé justifie de son investissement éducatif auprès de son enfant depuis sa naissance, que l'autorité parentale est exercée conjointement par les deux parents et qu'un droit de visite a été accordé à M. B... dans l'attente de la réalisation d'une enquête sociale. Ainsi, à la date de l'arrêté litigieux, soit le 18 décembre 2017, M. B... doit être regardé, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, comme établissant contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance 7 mois plus tôt. Par suite, le requérant est fondé à soutenir que l'arrêté contesté est intervenu en violation des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande enregistrée au greffe du tribunal sous le numéro 1800053 et à demander l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ". Aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".
7. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet de Vaucluse procède à un nouvel examen de la situation de M. B.... Il y a lieu en conséquence de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir, pour y satisfaire, un délai de deux mois courant à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit du conseil de M. B..., sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle et de l'admission définitive de son client à l'aide juridictionnelle, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. En revanche, les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le préfet de Vaucluse, qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat et ne fait pas état de frais spécifiques exposés par lui à l'occasion de l'instance, et qui est en outre partie perdante, doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : M. B...est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement du 20 mars 2018 du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il a rejeté la demande enregistrée au greffe de ce tribunal sous le numéro 1800053.
Article 3 : L'arrêté du préfet de Vaucluse du 18 décembre 2017 est annulé.
Article 4 : Il est enjoint au préfet de Vaucluse de procéder à un nouvel examen de la situation de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats et associés, sous réserve de son renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle et de l'admission définitive de M. B...à l'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Les conclusions du préfet de Vaucluse présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et à la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats et associés.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2019, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- Mme Jorda-Lecroq, présidente assesseure,
- MmeC..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 mai 2019.
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N° 18MA01404
kp