Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 23 octobre 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 4 septembre 2019 ;
3°) de prononcer la suspension de l'exécution de l'arrêté en litige ;
4°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à Me A... sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur l'irrégularité du jugement attaqué :
- le jugement contesté ne vise pas l'arrêté du 30 septembre 2019 portant prorogation du délai de maintien sur le territoire national jusqu'au 15 décembre 2019 ; or, il a nécessairement abrogé la décision contestée dès lors qu'il doit s'analyser comme une autorisation provisoire de séjour ;
- le magistrat désigné a commis une erreur de droit et d'appréciation dans sa réponse au moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ; en ne retenant pas les moyens tirés du défaut de base légale et de l'illégalité du retrait implicite de l'attestation d'asile ou de son abrogation postérieure, le jugement est entaché de telles erreurs ;
- ce magistrat a également commis une erreur de fait dès lors que sa situation se caractérisait par l'absence de notification de la décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et donc l'absence de retrait de l'attestation de demande d'asile ;
Sur le vice de procédure relatif à l'ensemble des décisions contestées :
- l'obligation de remise à l'intéressé du document prévu par le " règlement 2013/32 " ainsi que le dernier alinéa de l'article R. 741-4 du code précité, laquelle est constitutive d'une garantie, n'a pas été respectée, dès lors qu'il s'est vu remettre une version du guide du demandeur d'asile dans sa version de 2015, qui n'intègre pas les dernières réformes procédurales ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est insuffisamment motivée ;
- en l'absence de retrait de l'attestation de demandeur d'asile, elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ; en outre, le préfet s'est cru en situation de compétence liée alors qu'il devait porter une appréciation sur sa situation ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code précité ;
Sur la décision portant interdiction de retour :
- elle est entachée d'une erreur de fait ; tant que le requérant se maintenait sur le sol français au bénéfice d'une attestation de demande d'asile, il n'était pas en situation irrégulière ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 511-1 III, alinéa 4, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement et ne représente pas une menace pour l'ordre public ;
Sur la demande de suspension :
- il est fondé à invoquer les dispositions de l'article L. 743-3 du code précité dès lors qu'il a des éléments sérieux à faire valoir devant la CNDA.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2020, le préfet de l'Hérault demande à la Cour de rejeter la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;
- la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité albanaise, né le 25 janvier 1981, et marié à une ressortissante albanaise, a demandé l'asile. Cette demande a fait l'objet d'une décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 17 juillet 2019, notifiée le 12 août suivant. L'intéressé relève appel du jugement du 23 octobre 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 4 septembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de quatre mois.
Sur la régularité du jugement :
2. M. B... soutient que le jugement contesté ne vise ni n'analyse l'arrêté préfectoral du 30 septembre 2019 portant prorogation du délai de maintien sur le territoire national jusqu'au 15 décembre 2019, dont il a bénéficié en cours d'instance devant le tribunal administratif, alors que cet arrêté, qui doit s'analyser comme une autorisation provisoire de séjour, a nécessairement abrogé " la décision contestée ". Cependant, et d'une part, l'intéressé n'explicite pas la conséquence qu'aurait omise de tirer le magistrat désigné de l'existence de cet arrêté. D'autre part, cet arrêté préfectoral n'a pas eu d'autre objet que de proroger le délai de départ volontaire dont était assortie l'obligation de quitter le territoire français prise le 4 septembre 2019, afin de tenir compte de la situation personnelle de l'intéressé. Une telle prorogation n'a pas eu pour effet d'abroger cette obligation ni de délivrer au requérant une autorisation provisoire de séjour, mais uniquement de modifier le délai de départ volontaire, lequel n'était d'ailleurs pas contesté devant le tribunal. Ainsi, le magistrat désigné n'avait pas, en toute hypothèse, à tirer une quelconque conséquence de l'existence d'une telle décision, notamment en prononçant un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français dont il était saisi.
3. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens invoqués dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Pour demander l'annulation du jugement attaqué, M. B... ne peut donc utilement se prévaloir des erreurs de droit, de fait ou d'appréciation que le magistrat désigné aurait commises en confirmant les décisions contestées.
4. Il en résulte que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularités.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne le moyen tiré du vice de procédure :
5. A supposer que M. B... ait entendu se prévaloir non pas du " règlement 2013/32 ", lequel n'existe pas, mais de l'article 5 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, un tel moyen est inopérant dès lors que ce texte a été régulièrement transposé en droit interne au dernier alinéa de l'article R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par l'intervention du décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 pris pour l'application de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.
6. L'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 énonce que : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent (...) b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères (...) c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".
7. L'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit en outre que : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Tout demandeur reçoit, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, une information sur ses droits et obligations en application dudit règlement, dans les conditions prévues à son article 4. / (...) ". Aux termes de l'article R. 741-4 du même code, dans sa rédaction applicable : " (...) Il est remis au demandeur d'asile l'imprimé mentionné à l'article R. 723-1 lui permettant d'introduire sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides selon la procédure prévue au même article. Il lui est également remis un document d'information sur la procédure de demande d'asile, sur ses droits et sur les obligations qu'il doit respecter au cours de la procédure, sur les conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et sur les moyens dont il dispose pour l'aider à introduire sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Ce document l'informe également sur ses droits et sur les obligations au regard des conditions d'accueil, ainsi que sur les organisations qui assurent une assistance aux demandeurs d'asile. Cette information se fait dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser que le demandeur d'asile la comprend. (...) "
8. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les stipulations précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
9. Eu égard à l'objet du document d'information, visé par les stipulations et dispositions citées ci-dessus sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, sur les organisations susceptibles de leur procurer une assistance juridique, de les aider ou de les informer sur les conditions d'accueil qui peuvent leur être proposées, la remise de ce document doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile, ainsi que le prévoient ces dispositions, pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, dans le respect notamment des délais prévus. En revanche, le défaut de remise de ce document ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours mettant en cause la légalité de la décision par laquelle le préfet statue, en fin de procédure, après intervention de l'OFPRA, comme c'est le cas en l'espèce. Par suite, le moyen tiré de ce que le guide remis à M. B... dans sa version de novembre 2015 n'était pas à jour au regard des dernières évolutions règlementaires doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne les moyens soulevés spécifiquement à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police... ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose en outre que : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
11. Après avoir visé les dispositions textuelles dont il a été fait application, notamment les articles L. 511-1, L. 723-2 et L. 743-1 à L. 743-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision contestée a mentionné, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé d'en comprendre les motifs, et dépourvue de caractère stéréotypé, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. A cet égard, elle précise en particulier que le droit au maintien sur le territoire français de M. B... avait pris fin en application du 7° de l'article L. 743-2 du code précité, sans que le préfet soit tenu de mentionner des décisions de refus de renouvellement ou de retrait de l'attestation de demandeur d'asile, qui n'avaient au demeurant pas été prises. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté comme manquant en fait.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ". Aux termes de l'article L. 743-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) / 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 723-2 du même code : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 (...) ".
13. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile formulée par M. B..., ressortissant de l'Albanie, pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été rejetée par l'OFPRA, statuant en procédure accélérée au titre de l'article L. 723-2 du code précité, le 17 juillet 2019. Dans ces conditions, il ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français et le préfet de l'Hérault pouvait en conséquence, en application des dispositions précitées, édicter à son encontre une mesure d'éloignement le 4 septembre 2019, sans qu'il soit nécessaire pour l'autorité préfectorale de prendre une décision portant refus, retrait ou refus de renouvellement d'une attestation de demande d'asile.
14. En troisième lieu, si, dans la mesure d'éloignement contestée, le préfet a fait mention du rejet précité par l'OFPRA de la demande d'asile de M. B..., il ne s'est pas cru lié par celui-ci et a pris en considération les éléments caractérisant la situation personnelle et familiale du requérant, tels que portés à la connaissance de l'autorité préfectorale et cités dans sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
15. En dernier lieu, si M. B... soutient que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que son épouse est tombée enceinte le 9 février 2019 et qu'elle devait accoucher aux alentours du 9 novembre suivant, le préfet a soutenu, dans le cadre des écritures de première instance, sans être contesté, qu'il n'avait pas connaissance de cette information à la date à laquelle il a pris son arrêté et une telle circonstance ne fait pas obstacle, en tout état de cause et par elle-même, au prononcé d'une mesure d'éloignement.
En ce qui concerne les moyens soulevés spécifiquement à l'encontre du pays de destination :
16. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Selon l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Pour l'application des stipulations et des dispositions précitées, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger ne l'expose pas à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
17. En se bornant à soutenir qu'il craint pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, sans assortir cette allégation d'aucun élément factuel, M. B... n'établit pas qu'il serait susceptible de faire l'objet de traitements inhumains ou dégradants au sens des stipulations et dispositions précitées.
En ce qui concerne les moyens soulevés spécifiquement à l'encontre de l'interdiction de retour de quatre mois :
18. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
19. L'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'examen de l'un d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
20. Ainsi qu'il a été précédemment exposé, il ressort de la lettre même de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le droit au séjour de M. B... avait pris fin à la suite de la décision de l'OFPRA. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour, qui relève qu'il " se maintient de manière irrégulière sur le territoire depuis [la] date de notification du rejet de l'OFPRA ", serait entachée d'une erreur de fait, alors même que le guide du demandeur d'asile qui lui a été remis mentionnait à tort qu'il avait la possibilité de se maintenir sur le territoire national jusqu'à la notification de la décision de la CNDA.
21. Il ressort de la motivation de cette décision que le préfet de l'Hérault s'est fondé sur les critères mentionnés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prononcer la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français et a notamment indiqué que M. B... s'était maintenu sur le territoire français malgré la décision de l'OFPRA rejetant sa demande d'asile et qu'il n'établissait pas être dépourvu d'attaches familiales en Albanie. La double circonstance que M. B... n'avait jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement et que sa présence ne constituait pas une menace pour l'ordre public ne fait pas obstacle à ce que le préfet prenne une interdiction de retour de quatre mois. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit, par suite, être écarté.
Sur les conclusions à fin de suspension :
22. Aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. ".
23. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 3 octobre 2019, la CNDA a rejeté le recours présenté par M. B... contre la décision de l'OFPRA du 17 juillet 2019. Par suite, le requérant, qui ne remplit plus les conditions fixées par l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondé à demander la suspension de l'exécution de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
24. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'allocation à son conseil de frais liés au litige.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020 où siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme E..., présidente assesseure,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.
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N° 20MA01013
mtr