Par un jugement n° 1906096 du 27 décembre 2019, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice l'a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 décembre 2019 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant le réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal ne pouvait considérer sa demande comme tardive, dès lors qu'il n'a pas été informé de ce qu'il pouvait contester la décision auprès du chef de l'établissement pénitentiaire en application des articles R. 776-19 et R. 776-31 du code de justice administrative ;
- les conditions de notification à un étranger en garde à vue ou en détention d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai portent atteinte à son droit au recours effectif garanti tant par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ne mettant pas ce dernier en mesure d'avertir dans les meilleurs délais un conseil ou une personne de son choix ; elles font obstacle à ce que le délai spécial de quarante-huit heures prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile commence à courir ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- il n'a pas pu présenter des observations en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Par décision du 4 septembre 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Marseille a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-62 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien, né le 5 octobre 1993, relève appel du jugement du 27 décembre 2019 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 avril 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
2. Aux termes du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant ".
3. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article R. 776-1 du même code : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : / 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues au I de l'article L. 511-1 et à l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; / 2° Les décisions relatives au délai de départ volontaire prévues au II de l'article L. 511-1 du même code ; / 3° Les interdictions de retour sur le territoire français prévues au III du même article et les interdictions de circulation sur le territoire français prévues à l'article L. 511-3-2 du même code ; / 4° Les décisions fixant le pays de renvoi prévues à l'article L. 513-3 du même code ; / (...) / 6° Les décisions d'assignation à résidence prévues aux articles L. 561-2, L. 744-9-1 et L. 571-4 du même code. / Sont instruites et jugées dans les mêmes conditions les conclusions tendant à l'annulation d'une autre mesure d'éloignement prévue au livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception des arrêtés d'expulsion, présentées en cas de placement en rétention administrative, en cas de détention ou dans le cadre d'une requête dirigée contre la décision d'assignation à résidence prise au titre de cette mesure. / Sont instruites et jugées dans les mêmes conditions les conclusions présentées dans le cadre des requêtes dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français mentionnées au 1° du présent article, sur le fondement de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tendant à la suspension de l'exécution de ces mesures d'éloignement ".
4. Par ailleurs, l'article L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend ".
5. Aux termes de l'article R. 776-19 du code de justice administrative : " Si, au moment de la notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1, l'étranger est retenu par l'autorité administrative, sa requête peut valablement être déposée, dans le délai de recours contentieux, auprès de ladite autorité administrative (...) ". En outre, aux termes de l'article R. 776-31 du même code, applicable en cas de détention : " Au premier alinéa de l'article R. 776-19, les mots : " de ladite autorité administrative " sont remplacés par les mots : " du chef de l'établissement pénitentiaire " ". Il incombe à l'administration, pour les décisions présentant les caractéristiques mentionnées ci-dessus, de faire figurer, dans leur notification à un étranger retenu ou détenu, la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef de l'établissement pénitentiaire.
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que M. B... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et assortie d'une interdiction de retour du territoire français qui lui ont été notifiées, pendant sa garde à vue, par voie administrative le 21 avril 2019 à 14 heures 45, et qu'à l'issue de sa garde à vue, il a été placé en détention à 21 heures 18 à la maison d'arrêt de Nice jusqu'au 21 décembre 2019. Il résulte de ce qui précède que le délai de recours contentieux contre cette mesure était donc de quarante-huit heures à compter de sa notification. M. B... soutient cependant que ce délai de recours ne lui est pas opposable en l'absence de notification régulière de l'arrêté du 21 avril 2019 au motif qu'il n'a pas eu d'information sur la possibilité, comme le prévoient les articles R. 776-19 et R. 776-31 du code de justice administrative, de déposer son recours auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a refusé de signer l'exemplaire de l'arrêté notifié par voie administrative précisant la date et l'heure de la notification et faisant mention des voies et délais de recours. Il doit ainsi être réputé avoir reçu notification de cet arrêté. Si, dans cette notification, ne figurait pas la mention de la possibilité de déposer sa requête dans le délai de recours contentieux auprès du chef de l'établissement pénitentiaire, il ressort de ce qui a été dit précédemment au point 6, qu'au moment de cette notification, M. B... n'était pas placé en détention, ni même en rétention, mais seulement en garde en vue dans les locaux des services de police. Par suite, il n'incombait pas à l'administration de faire figurer cette possibilité dans la notification précitée et le délai de recours de quarante-huit heures, mentionné au point 2, lui était bien opposable.
8. Il en résulte que la requête de M. B... enregistrée au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2019, soit postérieurement au délai de recours de 48 heures, est tardive et, par suite, irrecevable.
9. Par ailleurs, le requérant soutient, de manière générale, que les conditions de notification à un étranger en garde à vue ou en détention d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai portent atteinte à son droit au recours effectif garanti tant par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen que par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ne mettant pas en mesure l'intéressé d'avertir dans les meilleurs délais un conseil ou une personne de son choix. Il est vrai que, lorsque les conditions de détention portent atteinte au droit à un recours effectif en ne mettant pas le détenu en mesure d'avertir, dans les meilleurs délais, un conseil ou une personne de son choix, elles font obstacle à ce que le délai spécial de quarante-huit heures prévu à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile commence à courir. Cependant, le requérant n'établit ni même n'allègue qu'il n'aurait pas été mis à même de prévenir un conseil ou une personne de son choix, dès notification de la décision en litige. Par suite, un tel moyen doit, en tout état de cause, être écarté.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté attaqué. Les conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020 où siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme E..., présidente assesseure,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.
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N° 20MA00362