Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mars 2020, M. E... A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 octobre 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) en cas d'admission à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me B..., sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ou, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement au requérant d'une somme de 800 euros au titre des disposions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour en litige n'est pas motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation particulière ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette dernière sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;
- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2020, le préfet de l'Hérault demande à la Cour de rejeter la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Me B... pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité algérienne, né en 1996, et marié à une ressortissante française depuis le 28 juin 2013, a adressé, le 24 janvier 2019, au préfet de l'Hérault une demande de certificat de résidence algérien au titre de la vie privée et familiale. L'intéressé relève appel du jugement du 15 octobre 2019 du tribunal administratif de Montpellier ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 13 mars 2019 par lequel il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. La décision de refus de titre de séjour contestée, qui indique faire suite à une demande de titre de séjour présentée notamment en qualité de parent d'enfants français, vise l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, notamment les articles 6 à 9, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3, 6 et 8, ainsi que certaines dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle mentionne également, de manière détaillée, les éléments de fait relatifs à la situation administrative, personnelle et familiale de M. A... sur lesquels le préfet de l'Hérault s'est fondé pour prendre sa décision, notamment la circonstance que l'intéressé ne fournit aucun document justifiant qu'il contribue effectivement à l'entretien et l'éducation de ses deux enfants depuis leur naissance ou depuis au moins un an. La seule circonstance que le préfet n'a pas visé, dans l'arrêté litigieux, la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York, n'est pas constitutive d'une insuffisance de motivation, ni révélatrice d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision contestée et du défaut d'examen particulier du dossier doivent être écartés.
4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5° Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. A... déclare lui-même avoir épousé en Algérie le 28 juin 2013 une ressortissante française, mais ne pas avoir résidé en France à ses côtés pendant plusieurs années, l'intéressé alléguant n'être entré sur le territoire national que le 24 septembre 2018, sans par ailleurs en justifier. L'intéressé ne produit aucune pièce permettant de considérer que, malgré la séparation géographique, la communauté de vie aurait néanmoins persisté avec son épouse. Ce dernier n'a reconnu ses enfants nés en France, en 2014 et 2016, que le 26 novembre 2018 à Montpellier et n'a entrepris des démarches pour régulariser sa situation sur le territoire national qu'en janvier 2019. Les deux attestations d'hébergement émanant respectivement de la belle-mère du requérant, datée du 17 avril 2019, soit postérieure à la décision en litige, et de l'association " Les Restaurants du coeur ", selon laquelle elle a accordé au couple le bénéfice d'un appartement de type 2 à compter du 16 avril 2019, soit postérieurement à la décision contestée, ne permettent pas de justifier d'une communauté de vie effective avec son épouse. L'intéressé n'établit pas davantage que s'il n'a pu rejoindre son épouse en France avant 2018, les motifs en sont directement imputables à des lenteurs administratives, notamment pour retranscrire leur acte de mariage contracté en Algérie, alors surtout qu'il n'a entrepris cette démarche qu'en janvier 2016. M. A... ne produit, au cours de la présente instance, aucune pièce permettant de justifier d'une quelconque insertion socioprofessionnelle en France. S'il se prévaut de la présence régulière de l'un de ses frères sur le territoire national et de membres de sa belle-famille, il ne démontre pas davantage être dépourvu de toute attache familiale et privée dans son pays d'origine, où résident ses parents et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Dans les circonstances de l'espèce, il n'est pas établi que M. A... a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux sur le territoire français, et le préfet de l'Hérault, par la décision contestée, n'a donc pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée. Par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doivent être écartés.
6. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 ci-dessus, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
7. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 7° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française (...) ". Si M. A... entend se prévaloir de ces dispositions, il ne justifie pas, à la date de la décision attaquée, d'une communauté de vie effective avec son épouse de nationalité française, ainsi qu'il a été exposé précédemment au point 5.
8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. D'une part, l'arrêté en litige n'a ni pour effet, ni pour objet de séparer définitivement M. A... de ses deux enfants mineurs ni de les empêcher de vivre sur le territoire français auprès de leur mère, l'intéressé disposant au demeurant de la faculté de retourner dans son pays d'origine pour solliciter la délivrance d'un visa de long séjour et entreprendre des démarches en vue d'obtenir un titre de séjour en France. En outre, il n'est pas établi que l'intéressé, qui a vécu séparé de ses enfants la majeure partie de leur vie, contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ces derniers qui résident en France depuis leur naissance. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant l'arrêté attaqué, le préfet de l'Hérault a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au remboursement des frais liés au litige.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, où siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme D..., présidente assesseure,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2020.
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N° 20MA01130
nc